Guin�e-Conakry 

(Guin�e fran�aise)

R�publique de Guin�e

Capitale: Conakry
Population: 12,1 millions (2014)
Langue officielle: fran�ais (de jure)
Groupe majoritaire: aucun
Groupes minoritaires: une trentaine de langues dont le peul ou poular (32 %), le maninka (23 %), le soussou (10 %), le guerz� (3,8 %), le kissi (3,5 %), le toma (1,8 %), le dialonk� (1,8 %), etc.
Langue coloniale: fran�ais
Syst�me politique: r�publique populaire pluraliste
Articles constitutionnels (langue): art. 1, 8 et 25 de la Constitution de 2010
Lois linguistiques: Code civil (1983); Ordonnance n� 304/PRG/85 portant cr�ation de l'Institut de recherche linguistique appliqu�e (1985); Code des march�s publics (1988); Loi organique l/91/012 du 23 d�cembre 1991 portant Code �lectoral (1991); Loi organique l/91/006 du 23 d�cembre 1991 portant cr�ation du Conseil national de la communication (1991); Code de la sant� publique (1997); Loi n� 037/an/98 du 31 d�cembre 1998 portant Code de proc�dure p�nale (1998); D�cret d/98/n� 100/prg/sgg du 16 juin 1998 portant Code de proc�dure civile, �conomique et administrative (1998); Code foncier et domanial (1999); Code de l'enfant guin�en (2008).

1 Situation g�ographique

L�Afrique compte trois Guin�es, avec chacune une langue officielle diff�rente: fran�ais, portugais et espagnol. On distingue en effet :

1) la Guin�e (245 857 km�) proprement dite appel�e aussi Guin�e-Conakry (francophone);
2) la Guin�e-Bissau (36 125 km�) dite �Guin�e portugaise� (lusophone);
3) la Guin�e �quatoriale (28 051 km� ) ou �Guin�e espagnole� (hispanophone) ou �Guin�e espagnole� (hispanophone).

La langue officielle de chacun de ces pays r�sulte de l'histoire de la colonisation europ�enne (France, Portugal et Espagne).

La Guin�e-Conakry, appel�e officiellement r�publique de Guin�e, est un pays d'Afrique de l'Ouest born� par l'oc�an Atlantique, limit� au nord-ouest par la Guin�e-Bissau (lusophone), au nord par le S�n�gal (francophone), � l'est par le Mali (francophone), au sud-est par la C�te d'Ivoire (francophone) et au sud par le Liberia (anglophone) et la Sierra Leone (anglophone). 

C�est un pays de 245 857 km, soit l��quivalant de 50 % approximativement de la surface de la France. La Guin�e-Conakry comprend �galement les �les de Los au large de Conakry, la capitale. Plus de 1,5 million de Guin�ens habitent Conakry qui est aussi une importante ville portuaire.

La Guin�e-Conakry est divis�e en quatre grandes r�gions g�ographiques: d�est en ouest, on trouve la Guin�e maritime ou Basse-Guin�e (en bordure de l�Atlantique), la Moyenne-Guin�e ou le Fouta-Djalon (au sud du S�n�gal: de hauts plateaux aux nombreux cours d�eau d�sign�s comme le �ch�teau d�eau� de l�Afrique), la Haute-Guin�e (une immense savane formant une zone de transition avec le Mali) et la Guin�e foresti�re (r�gion de montagnes couvertes de for�ts � l�extr�mit� sud-est, pr�s du Liberia).

Au point de vue administratif, la Guin�e compte huit r�gions  (voir la carte d�taill�e) qui portent le nom de la ville dont c'est le chef-lieu : la r�gion de Conakry, la r�gion de Bok�, la r�gion de Kindia, la r�gion de Mamou, la r�gion de Faranah, la r�gion de Kankan, la r�gion de Lab� et la r�gion de Nz�r�kor�. Ces r�gions sont elles-m�mes divis�es en 33 pr�fectures.

2 Donn�es d�molinguistiques

Les quelque douze millions de Guin�ens sont r�partis en pr�s d�une quarantaine d�ethnies parlant chacune leur langue. Pour l'essentiel, toutes les langues font partie de la famille nig�ro-congolaise. Et elles constituent deux sous-groupes importants: le groupe ouest-atlantique (OA) et le groupe mandingue (M). Dans la carte de gauche, les langues ouest-atlantiques sont surtout situ�es dans l'Ouest, les langues mandingues, � l'est, avec quelques exceptions dans la r�gion de Kindia, de Faranah et de Nz�r�kor�.

�tant donn� que le dernier recensement officiel bas� sur les groupes ethniques remonte � 1955, soit avant l�ind�pendance (1958), il est malais� de s�appuyer sur des statistiques gouvernementales. Sur les bases de donn�es non officielles, on pourrait affirmer que les groupes les plus importants sont constitu�s du peul ou poular (40,9 %), du malink� ou maninka (28,4 %) et du soussou (11,3 %). Ensembles, ces trois langues sont parl�es par plus de 80 % de la population.

  Basse Guin�e Moyenne Guin�e Haute Guin�e Guin�e Foresti�re
Soussou 75 % - - -
Peul - 80 % - -
Malink� - 14 % 45 % 35 %
Forestiers - - - 80 %

Les trois principaux groupes ethniques Peuls, Maninkas et Soussous se r�partissent dans les quatre grandes r�gions g�ographiques de la Guin�e. La Guin�e maritime abrite pr�s de 75 % des Soussous, mais on y trouve aussi presque toutes les grandes les ethnies du pays, en raison de la pr�sence de la capitale, Conakry, qui attire les Guin�ens. Dans la r�gion de la Moyenne Guin�e, on trouve 80 % des Peuls et 14 % des Malink�s; ces derniers sont plus nombreux en Haute Guin�e (45 % d�entre eux). Quant � la Guin�e foresti�re, elle abrite surtout des Malink�s (35 % d�entre eux), mais aussi des petites ethnies telles que les Kissiens, les Tomas, les Guerz�s, etc.

Quoi qu'il en soit, l'appartenance � une ethnie est complexe en Guin�e-Conakry parce qu'il existe plusieurs regroupements entre ces ethnies en raison des mariages mixtes. On distingue parmi les Peuls, les Malink� et les Soussous des �assimil�s�, des �apparent�s� et des �forestiers�.  Ainsi, les Nalou, les Landoumans, les Bagas, les Mor�ak�s, etc., sont assimil�s aux Soussous.

Le tableau qui suit pr�sente les ethnies de plus de 5000 personnes et les langues parl�es par celles-ci. Les langues appartiennent presque toutes au groupe ouest-atlantique (OA) ou au groupe mandingue (M).

Ethnie Population Pourcentage Langue Affiliation
Peul (Poular) 4 963 000 40,9 % poular (peul)

famille nig�ro-congolaise - OA

Maninka (Malink�) 3 445 000 28,4 % malink� (et vari�t�s)

famille nig�ro-congolaise - M

Soussou 1 373 000 11,3 % soussou famille nig�ro-congolaise- M
Kissien 545 000 4,4 % kissi (du Nord) famille nig�ro-congolaise- OA
Kpelle (Guerc�) 538 000 4,4 % kpell� (guerc�) famille nig�ro-congolaise- M
Toma 247 000 2,0 % toma famille nig�ro-congolaise- M
Kono 158 000 1,3 % kono famille nig�ro-congolaise- M
Dialonk� 111 000 0,9 % dialonk� (yalunka) famille nig�ro-congolaise- M
Koranko 105 000 0,8 % koranko (kuranko) famille nig�ro-congolaise- M
Manon 100 000 0,8 % manon (mano) famille nig�ro-congolaise- M
Baga 87 000 0,7 % baga (et vari�t�s) famille nig�ro-congolaise- OA
Mandingue 77 000 0,6 % mandingue (manya) famille nig�ro-congolaise- M
L�l� 48 000 0,3% l�l� famille nig�ro-congolaise- M
Mandeni 41 000 0,3 % soussou famille nig�ro-congolaise- M
Jahanka 35 000 0,2 % jahanqu� (jahanka) famille nig�ro-congolaise- M
Ziolo 30 000 0,2 % ziolo famille nig�ro-congolaise- M
Landouman 25 000 0,0 % landouman famille nig�ro-congolaise- OA
Mikifore 23 000 0,0 % mogofin famille nig�ro-congolaise- M
Bassari 18 000 0,0 % bassari (oniyan) famille nig�ro-congolaise- OA
Koniagi 17 000 0,0 % koniagi (wamey) famille nig�ro-congolaise- OA
Band� 12 000 0,0 % band� (bandi) famille nig�ro-congolaise- M
Kakab� 12 000 0,0 % kakab� famille nig�ro-congolaise- M
Badjara 11 000 0,0 % badjara (badyara) famille nig�ro-congolaise- OA
Nalou 10 000 0,0 % nalou famille nig�ro-congolaise- OA
Fulakunda 5 700 0,0 % poular famille nig�ro-congolaise - OA
Libanais 5 200 0,0 % arabe libanais chamito-s�mitique (s�mitique)
Autres 78 900 0,6 % - -
Total (2014) 12 121 600 100 % - -

Suivent des langues num�riquement moins importantes: le kissi (4,4 %), le kpell� (4,4 %), le toma ((2 %), le kono (1,3 %), le dialonk� (0,9 %), le koranko (0,8 %), le manon (0,8 %), les baga et ses vari�t�s (0,7 %), etc.

2.1 Les Peuls

La r�gion de la Moyenne-Guin�e abrite surtout les Peuls et les Dialonk�s. Les Peuls sont des �leveurs de troupeaux de bufs � l'origine nomades mais aujourd'hui s�dentaris�s. Ils ont r�ussi � dominer les Dialonk�s, les Bagas et les Landoumans.  Les conflits entre les autochtones agriculteurs et les Peuls �leveurs ont abouti � des affrontements arm�s pour la ma�trise et le contr�le du pays. Aujourd'hui, plusieurs ethnies cohabitent avec les Peuls : ce sont les Dialonk�s de Sangalan, les Diakhank�s, les Tanda (Badiarank�s, Bassari et Koniaki), les Foulacounda, les Tyapi et les Toucouleurs de Dinguiraye. Les Foulacounda et les Toucouleurs sont consid�r�s comme des sous-groupes de Peuls.

En Guin�e, les Peuls se sont recycl�s dans le secteur commercial; ils sont pr�sents dans la plupart des march�s publics et des grands centres d�affaires de Conakry et des capitales r�gionales. Les Peuls parlent diff�rentes vari�t�s linguistiques, selon la r�gion o� ils habitent.

Les Peuls appel�s Fulani par les anglophones, se d�nomment eux-m�mes fulb� (singulier : pullo). Ils comptent une population totale de plus de 40 millions de personnes dans une quinzaine de pays (voir la carte). On les retrouve, outre en Guin�e (4,9 millions), au Nigeria (16 millions), au Mali (2,7 millions), au Cameroun (2,9 millions), au S�n�gal (3,6 millions), au Niger (1,6 million), au Burkina Faso (1,2 million), en Mauritanie 400 000), en Guin�e-Bissau (320 000), en Gambie (3124 000), au Tchad (580 000), en C�te d'Ivoire (423 000), etc.

2.2 Les Malink�s

Les Malink�s sont appel�s aussi Mandingues, Mandinkas, Mand�s ou Maninkas. C'est un peuple d�Afrique de l'Ouest pr�sent surtout au Mali et en Guin�e, mais �galement au S�n�gal, en Mauritanie, au Burkina Faso, en C�te d�Ivoire et en Guin�e-Bissau; il y a quelques petits groupes de Mandingues au nord de la Sierra Leone et du Lib�ria. On estime leur nombre total � plus de quatre millions.

En Guin�e-Conakry, les Malink�s sont install�s en Haute-Guin�e (45 % d�entre eux), en Guin�e foresti�re (35 % d�entre eux) et en Moyenne-Guin�e (15 %). Leur langue, le malink� (ou mandingue, maninka, etc.), compte plus d'une vingtaine de vari�t�s dialectales class�es en deux groupes : le malink� occidental (sonink�, mandingue du S�n�gal oriental, kaabu de la Guin�e-Bissau) et le malink� oriental (bambara du Mali, dioula de la C�te d'Ivoire, etc.).

2.3 Les Soussous

Les Soussous constituent le troisi�me groupe le plus important de la Guin�e. Cette ethnie s'est form�e � partir de trois autres ethnies : un fond mand� qui remonte aux populations qui occupaient l�empire du Ghana, un fond nalu et baga assez r�cent que l�ethnie soussou a assimil� progressivement et enfin un malink� plus marqu� dans la r�gion de Moreah et le Tamiso. L�ethnie soussou a donc, au cours de son histoire, augment� sa taille en int�grant d�autres ethnies du littoral. La communaut� soussou appartient au groupe mandingue de la famille nig�ro-congolaise et parle � peu pr�s la m�me langue que les Dialonk�s du Fouta (Moyenne-Guin�e). La Guin�e maritime abrite pr�s de 75 % des Soussous. On trouve des Soussous surtout en Guin�e-Conakry, mais de petites communaut�s subsistent en Sierra Leone et en Guin�e-Bissau.

2.4 Les autres ethnies

�videmment, il existe de nombreuses autres ethnies et langues sur le territoire guin�en. La carte de gauche n'en pr�sente pas la moiti� d'entre elles, mais seulement celles qui sont parl�es par plus de 5000 locuteurs dans une pr�fecture. La carte de gauche repr�sente les langues parl�es dans chacune des pr�fectures, sans pr�ciser les aires linguistiques elles-m�mes.

Nous pouvons constater que la plupart de ces langues minoritaires sont parl�es en p�riph�rie, notamment dans le Sud et l'Ouest sur le littoral. Les langues les plus importantes sont le kissi (n� 8), le kpell� (n� 7), le toma (n� 18), le kono (n� 10), qui sont parl�s dans plusieurs pr�fectures.  

Les trois grandes langues nationales, le peul, le malink� et le soussou, recouvrent les m�mes aires linguistiques que les plus petites langues, sauf dans le Sud-Est, o� celles-ci pr�dominent.

Dans la ville de Conakry, la capitale, les langues maternelles des habitants sont, par ordre d�croissant, le soussou (42 %), le peul (30 %), le malink� (13 %), le kissi (4 %), le kpell� (4 %), le fran�ais (2 %) et le toma (2 %).

2.5 Le fran�ais et l'arabe

Le fran�ais est la langue officielle du pays, mais seulement de 15 % � 25 % des Guin�ens le pratiquent. Dans les campagnes �loign�es, cette langue demeure � peu pr�s inconnue. Le fran�ais sert de langue v�hiculaire entre les ethnies, mais �galement le poular, le malink� et parfois le soussou.

Pour ce qui est de la langue arabe, cette langue n'est employ�e que par les adeptes du Coran. Au point de vue religieux, les musulmans sont nettement les plus nombreux en Guin�e, avec pr�s de 85 % d�adeptes dans la population. On compte 5 % de Guin�ens adeptes des religions traditionnelles animistes et 4 % de chr�tiens (dont 3 % de catholiques et 1 % de protestants �vang�liques).

Les Guin�ens sont musulmans dans une proportion de 85 %, chr�tiens � 8 % et adeptes des croyances africaines � 7 %.

3 Donn�es historiques

Les Nalous et les Bagas peupl�rent la r�gion d�s le VIIIe si�cle, et furent rejoints au XIe si�cle par les Jalonk�s d'origine mand�e. Ils furent suivis par les Peuls et les Mandingues, qui arriv�rent entre le XVIe et le XVIIIe si�cle, en apportant l'islam. Au XIIe si�cle, la r�gion fit partie de l�empire du Ghana et de celui du Mali. Ce dernier connut son apog�e au XIVe si�cle; il s'�tendit du nord et de l'est de la Guin�e � Tombouctou (Mali), avant de p�ricliter au si�cle suivant.

3.1 L�arriv�e des Europ�ens

En vertu du trait� de Tordesillas (1494) qui tra�ait les limites territoriales entre l'Espagne et le Portugal, le page Alexandre VI Borgia (1431-1503) avait contraint les Espagnols et les Portugais � s'entendre sur le partage du monde: tout ce qui serait d�couvert � l'ouest du m�ridien appartiendrait � l�Espagne et � l'est (Br�sil et Afrique), au Portugal. En r�alit�, l��glise catholique avait attribu� aux deux puissances p�ninsulaires, non pas des zones de colonisation, mais des zones d'�vang�lisation, mais cette distinction ne r�sista pas longtemps aux app�tits imp�rialistes. En vertu du trait� de Tordesillas, l'Afrique devait appartenir aux seuls Portugais, puisque les Espagnols y �taient �cart�s. Les autres pays de l'Europe, comme la France, la Grande-Bretagne et la Hollande, furent incapables de s'opposer au trait� de Tordesillas jusqu'� la fin du XVIe si�cle. 

Les Portugais furent les premiers Europ�ens, au XVe si�cle, � longer les c�tes de la Guin�e et � entrer en contact avec les populations qui s'y trouvaient. Ils install�rent des comptoirs et pratiqu�rent le commerce des �pices, de l�huile de palme, l'or, de l'ivoire et... la traite des esclaves. La toponymie conserve encore leur marque (Rio Nu�ez, Rio Pongo, Cap Verga, etc.) et plusieurs familles ont h�rit� de leurs noms (Fernandez, Gomez, etc.). Mais les Portugais entr�rent tr�s t�t en comp�tition avec les Britanniques et les Fran�ais. Ils se trouv�rent rapidement circonscrits dans ce qui est devenu aujourd�hui la Guin�e-Bissau. Les Britanniques finirent par se contenter sans trop de difficult�s de la Sierra Leone. Puis, en une quarantaine d�ann�es, l�imp�rialisme fran�ais supplanta ses rivaux dans la r�gion en �tendant sa zone � partir de la c�te maritime en direction du Fouta-Djallon et de la Haute-Guin�e. Les autochtones ne connurent d�abord l��criture que par l'alphabet arabe: une transcription de la langue peule en caract�res arabes apparut d'ailleurs au cours du XVIIIe si�cle, mais cette arriv�e dans le monde de l'�criture fut ralentie s�rieusement par l'invasion des forces coloniales.

Le Fran�ais Gaspard-Th�odore Mollien d�couvrit la Moyenne-Guin�e (Fouta-Djalon) et la ville de Timbo en 1818; pour leur part, l'Anglais Gordon Laing (1826) et le Fran�ais Ren� Cailli� (1828) atteignirent Tombouctou au Mali. En 1840, l'amiral fran�ais Bouet-Willaumez (1808-1871), futur gouverneur du S�n�gal, signa les premiers trait�s avec des chefs locaux de la Guin�e. En 1880, le Fran�ais Olivier de Sanderval jeta les bases de la colonisation europ�enne dans la r�gion. Dans les ann�es 1880, l'almamy (souverain) d�origine malink�e, Samory Tour�, �quip� d'armes modernes, prit le contr�le de l'int�rieur du pays. En 1884-1885, suite � un accord entre les puissances coloniales de l��poque (France, Grande-Bretagne, Allemagne et Portugal), la conf�rence de Berlin reconnut les �droits� de la France sur la r�gion.

3.2 La colonisation fran�aise

Le territoire de la Guin�e devint une colonie fran�aise en 1893 et fut int�gr� � l'Afrique occidentale fran�aise (AOF) en 1893. Mais l'almamy Samory Tour� mena une guerre organis�e contre l'occupation fran�aise sur la c�te et dans les massifs montagneux du Sud-Est, jusqu'� ce qu'il fut vaincu en 1898. Fait prisonnier en 1898, il fut d�port� au Gabon o� il mourut en 1900. Il fut l'un des derniers h�ros de l'histoire pr�coloniale du pays. Les r�sistances � l�occupation fran�aise continu�rent et ne cess�rent qu�en 1912, lors de la �pacification� de cette zone �rig�e en r�gion militaire depuis 1899. Finalement, l'�miettement en multiples chefferies rivales facilita l'emprise fran�aise sur le pays. Mais les exc�s militaires fran�ais provoqu�rent en 1911 une r�volte des Guerz� et des Manons, qui fut r�prim�e avec une tr�s grande brutalit�.

La France imposa un syst�me d'administration coloniale identique � celui appliqu� dans les autres territoires africains de son empire colonial. Le fran�ais devint la langue de l�Administration. La plupart des documents officiels ne furent pratiquement jamais connus de la part des int�ress�s, sauf lorsqu�ils furent occasionnellement traduits dans un �dialecte local�. Pr�s de 95 % des Guin�es ne fr�quentaient pas l��cole et ignoraient par cons�quent le fran�ais. Cependant, le fran�ais �tait tr�s r�pandu aupr�s de l��lite guin�enne qui n�h�sitait pas au besoin � �courter les �tudes coraniques de leurs enfants pour leur faire suivre leurs cours � l��cole fran�aise.

La mise en valeur du pays demeura le fait des Fran�ais, car les autochtones ne fournirent que la main-d�oeuvre � bon march�, notamment dans l�exploitation de la bauxite. Les soci�t�s fran�aises monopolis�rent les cultures d'exportation et les multipli�rent. �videmment, l'exploitation des ressources naturelles s'orienta vers les besoins de la M�tropole, ce qui suscita tr�s t�t un syndicalisme tr�s politis�, surtout dans les centres industriels et portuaires, qui se transforma en mouvements contestataires. Pendant les deux guerres mondiales, la M�tropole fit largement appel aux soldats guin�ens: 36 000 furent mobilis�s en 1914-1918 et pr�s de 18 000 en 1939-1945.

La Guin�e fran�aise devint par la Constitution fran�aise du 7 octobre 1946 un �territoire d'outre-mer�. � la fin de l�empire colonial fran�ais, le taux de scolarisation des �indig�nes� restait inf�rieur � 12 %. Cette situation cachait aussi d'importantes disparit�s entre les sexes (par exemple, moins de 10 000 filles sur 45 000 enfants scolaris�s), les milieux urbains et ruraux (dits �de brousse�), les diff�rents groupes sociaux (fonctionnaires, artisans, ouvriers et manoeuvres, paysans) et religieux (par exemple, �coles coraniques et les �coles priv�es catholiques), sans parler des r�gions g�ographiques. L'enseignement sup�rieur demeurait inexistant. Puis, in�vitablement, une conscience politique anticoloniale se d�veloppa pour s'affirmer avec force apr�s la Seconde Guerre mondiale.

3.3 Vers l�ind�pendance

En 1952, Ahmed S�kou Tour�, arri�re-petit-fils de Samory Tour�, mena des activit�s politiques afin d�obtenir davantage de repr�sentants africains dans le gouvernement local. Il fonda le Parti d�mocratique de Guin�e dont il fit une organisation populaire fortement structur�e. Lors du r�f�rendum du 28 septembre 1958, la Guin�e fut le seul pays de toute l'Afrique francophone � rejeter la proposition du g�n�ral de Gaulle concernant l'int�gration des colonies de l'Afrique occidentale fran�aise au sein d�une �ventuelle Communaut� fran�aise. S�kou Tour�, qui �tait convaincu que la France ne pourrait durablement ostraciser une Guin�e si riche en produits miniers, demandait � sa population de voter NON au projet d'int�gration � la Communaut� fran�aise. Dans son discours au g�n�ral de Gaulle � Conakry, le 25 ao�t 1958, S�kou Tour�, alors vice-pr�sident du Conseil de gouvernement, d�clarait:

Le projet de Constitution ne doit pas s'enfermer dans la logique du r�gime colonial qui a fait juridiquement de nous des citoyens fran�ais, et de nos Territoires, une partie int�grante de la R�publique fran�aise Une et Indivisible. Nous sommes africains et nos Territoires ne sauraient �tre une partie de la France. Nous serons citoyens de nos �tats africains, membres de la Communaut� franco-africaine.

M�contente de la d�cision guin�enne apr�s son vote n�gatif lors du r�f�rendum du 28 septembre (1958) sur la Communaut�, la France suspendit imm�diatement son aide (contrairement � ce que croyait S�kou Tour�). En un mois, l'administration guin�enne se vit priv�e de tous les techniciens et fonctionnaires fran�ais, y compris les m�decins, les infirmi�res, les enseignants, les responsables de la s�curit� a�rienne, etc. Pendant que les pr�sidents Habib Bourguiba de Tunisie, Hamani Diori du Niger et L�opold S�dar Senghor du S�n�gal se comptaient parmi les d�fenseurs les plus acharn�s de la Francophonie, Sekou Tour�, lui, continuait d�exiger pour son pays l�ind�pendance imm�diate et totale, et proclamait haut et fort que la Francophonie constituait une �nouvelle forme de domination coloniale�. Paris tentera d�emp�cher l�admission du nouvel �tat aux Nations unies.

3.4 Le r�gime autoritaire de S�kou Tour�

La Guin�e acc�da � l'ind�pendance le 2 octobre 1958. Depuis son ind�pendance et jusqu�en 2010, la Guin�e ne conna�tra que des r�gimes militaires ou autocratiques.

Ahmed S�kou Tour� devint le premier pr�sident de la r�publique de Guin�e et le grand �responsable supr�me� du pays.  Le d�but de la pr�sidence de Tour� fut marqu� par une politique marxiste, avec la nationalisation des entreprises �trang�res (fran�aises) et une �conomie fortement planifi�e. Il mit aussit�t en uvre une politique de �panafricanisme� impliquant la �d�colonisation int�grale de toutes les structures du pays�, afin d�instaurer une �soci�t� socialiste�. S�kou Tour� remporta le prix L�nine pour la paix en 1961.

Toutefois, l'attitude intransigeante de S�kou Tour� envers la France ne fut pas toujours bien appr�ci�e; c'est pourquoi certains pays africains rompirent les relations diplomatiques avec la Guin�e. Malgr� tout, le pr�sident Tour� gagna l'appui de nombreux groupes et dirigeants anticolonialistes et panafricains. N�anmoins, sa politique visant � s'approprier la richesse et les terres agricoles des propri�taires traditionnels irrita de nombreux acteurs puissants, alors que son gouvernement se r�v�lait incapable de redresser l'�conomie et les droits d�mocratiques en Guin�e.

- La r�volution culturelle

Avec S�kou Tour�, la Guin�e porta dor�navant le nom de R�publique populaire r�volutionnaire de Guin�e. L�une des toutes premi�res �d�cisions l�gislatives� adopt�e au lendemain de l'ind�pendance peut nous donner une id�e du caract�re autoritaire du nouveau r�gime en place. Voici le texte de l�ordonnance du 2 octobre 1958 destin�e simplement � contrer le vol dans le pays:

Article 1er - Tout individu coupable de vol sera condamn� � des peines de trois � dix ans de prison.

Article 2 - Les peines inflig�es pour vol seront effectu�es dans un p�nitencier et les condamn�s seront astreints � des travaux de force.

Article 3 - La peine pourra �tre �lev�e � quinze ans en cas de r�cidive.

Article 4 - Les vols commis soit la nuit, soit par effraction, soit par escalade, soit en bande, soit avec arme, soit avec menaces, soit avec violences, seront punis de la peine de mort.

Article 5 - Le propri�taire qui, en d�fendant son bien, aura occasionn� la mort d'un ou de plusieurs voleurs, b�n�ficiera de l'excuse absolutoire.

Article 6 - Quiconque aura occasionn� par sa faute la mort d'autrui sera condamn� � la peine de mort, � moins qu'il ne lui soit reconnu des circonstances att�nuantes.

Article 7 - Quiconque par son imprudence aura occasionn� la mort d'autrui sera condamn� � la peine de mort, s'il est av�r� que cette imprudence a �t� la cause principale ayant entra�n� le d�c�s.

Article 8 - La pr�sente ordonnance sera appliqu�e provisoirement pendant la p�riode qui sera jug�e d�terminante pour entra�ner les am�liorations envisag�es par le gouvernement.

Article 9 - La pr�sente ordonnance sera publi�e et communiqu�e partout o� besoin sera.

Avec la r�volution culturelle, les fonctionnaires du gouvernement devaient r�pondre au t�l�phone en disant d�abord: �All�! Pr�ts pour la r�volution!�  Au cours de l'ann�e 1960, S�kou Tour� ordonna une destruction massive de livres, journaux, documents administratifs, juridiques, archives, etc., dans tous les services publics. Les archives furent pill�es et vid�es, et tous les autres documents furent br�l�s sous le contr�le d'un agent de la s�curit�. Par la suite, l'importation de livres et de journaux �trangers fut interdite pour les particuliers. L�une des �missions les plus �cout�es � l��poque par les Guin�ens, la Revue de presse, fut supprim�e pour �tre remplac�e par la Causerie du pr�sident o� il �tait le seul � parler. Dans les campagnes, les radios rurales durent adopter une �approche personnelle� en langues nationales pour communiquer avec la population. Comme on pouvait bien s�y attendre, la r�volution passait aussi par la langue... et par l��cole.

- La r�forme scolaire

En 1958 d�j�, le gouvernement avait pris la d�cision d'�adapter les structures de l'�ducation aux nouvelles r�alit�s nationales� dans le but d'instaurer un �enseignement d�mocratique et populaire�. La r�forme ambitionnait de �scolariser tous les enfants du pays � partir de l'ann�e scolaire 1964-1965�. Toutefois, c�est � partir de 1968 que S�kou Tour� appliqua sa politique linguistique d�africanisation et entreprit de r�former l��ducation dans les �coles primaires.

La Commission nationale d'alphab�tisation fut cr��e. Apr�s avoir codifi� le premier alphabet guin�en (sans trop de rigueur scientifique), la commission choisit huit langues nationales (malink�, soussou, peul ou poular, kissi, basari, loma, koniagi et kpell�) sur une vingtaine et �labora des alphabets dans plusieurs autres langues nationales. Ces alphabets furent adopt�s par le Conseil national de la r�volution r�uni � Nz�r�kor� en juin 1965. Des manuels furent imprim�s et une campagne nationale d'alphab�tisation fut lanc�e. Ces m�mes langues �taient mati�res d'enseignement dans tout le cursus scolaire et universitaire, du secondaire au sup�rieur o� les notes obtenues comptaient comme n'importe quelle autre mati�re aux compositions et examens de fin d'ann�e.

Les objectifs p�dagogiques port�rent sur deux points importants: la r�forme de l�enseignement destin� � assurer les liens entre �l��cole�, �la vie� et �la production�, et � alphab�tiser les adultes dans les langues nationales. En tout, il y eut une bonne vingtaine de r�formes en �ducation. La Direction nationale d'alphab�tisation produisit une documentation importante afin de subvenir aux besoins des diff�rentes mati�res enseign�es dans les �coles. Par ailleurs, de nombreuses publications en langues nationales furent r�dig�es par les enseignants guin�ens.

Dans les premi�res ann�es de la r�forme (mais apr�s 1967), les apprentissages de base tels la lecture, l'�criture et le calcul se faisaient dans l'une des langues nationales au cours de la premi�re ann�e, alors que le fran�ais n'�tait abord� qu'� l'oral. Puis, au cours des trois ann�es suivantes, les �l�ves passaient progressivement du fran�ais comme mati�re enseign�e au fran�ais en tant que langue d'enseignement. Les langues nationales suivaient le processus inverse: de langue d'enseignement, elles devenaient des mati�res d�enseignement. � l��poque, cette r�forme scolaire fit passer S�kou Tour� pour un pr�curseur dans toute l�Afrique.

Par la suite, la �r�volution culturelle socialiste� modifia la politique adopt�e dans les programmes d'enseignement. Le fran�ais cessa net d'�tre la langue d'enseignement au primaire. Dans chaque r�gion, la langue �dominante� dut �tre enseign�e dans les �coles (primaires). Par exemple, les �l�ves �tudi�rent en soussou en Guin�e maritime, en peul au Fouta-Djalon, en malink� en Haute-Guin�e, en kissi, en toma, en kpell� en Guin�e foresti�re, etc. Ainsi, les langues nationales choisies devinrent des langues d'enseignement � la place du fran�ais, et ce, de la 1re � la 8e ann�e, ainsi qu�une discipline de la 9e ann�e � l'universit�. Les m�moires de fin d'�tudes sup�rieures en langues nationales ou traitant des langues nationales enrichirent la documentation de l'Acad�mie des langues de la Guin�e. Au nom de la R�volution, les programmes scolaires comportaient obligatoirement l'�tude des discours de S�kou Tour�.

Les r�sultats de cette �r�volution culturelle� se r�v�l�rent d�cevants. D�une part, les langues nationales �taient handicap�es du fait qu�elles n�avaient jamais servi dans les communications �crites, notamment dans les sciences et les techniques; il fallait toujours recourir au fran�ais. La formation des ma�tres entra�na d'�normes probl�mes, car les anciens instituteurs durent apprendre � lire et �crire dans une langue nationale pour se rendre compte que les manuels scolaires ne suivaient pas. En effet, l'unique imprimerie de Conakry ne put jamais suffire � la t�che et la plupart des manuels pr�par�s par les chercheurs en p�dagogie rest�rent � l'�tat de manuscrits, dans les tiroirs. Finalement, le nombre des langues d'enseignement passa de huit � six. De plus, les successions ininterrompues des enseignants �gyptiens, sovi�tiques, vietnamiens, yougoslaves, am�ricains, etc., qui arrivaient et repartaient au gr� des alliances politiques, n'aidait s�rement pas � l'am�lioration de l'enseignement, surtout qu'Ils ignoraient non seulement les langues nationales, mais aussi le fran�ais.

Par ailleurs, afin de faire face � la scolarisation d'une nombreuse jeunesse, le gouvernement de S�kou Tour� imposa �l'enseignement de masse�. Or, cet enseignement fut mal re�u par la population. En effet, une classe pouvait comporter jusqu�� 200 �l�ves ou plus (ce qui n'�tait pas forc�ment diff�rent de ce qui existait avant l'ind�pendance ), les �travaux champ�tres� et l'id�ologie socialiste absorbaient les trois quarts du temps, les �l�ves �taient not�s collectivement (non individuellement), les salles de classe ne disposaient g�n�ralement d'aucun �quipement, chaque �l�ve devant m�me apporter son si�ge. En fait, nombre d'enfants abandonn�rent simplement l'�cole, car beaucoup de parents, surtout dans les campagnes, pr�f�r�rent faire travailler leurs enfants aux champs. La propagande du gouvernement de S�kou Tour� annon�ait r�guli�rement un taux officiel de scolarisation de 40 %, alors qu�en r�alit� il oscillait plut�t autour de 20 %. � la fin du r�gime, en 1984, le taux de scolarisation restait encore inf�rieur � 20 %. Soulignons que, durant cette p�riode, tous les enfants des �lites guin�ennes fr�quentaient syst�matiquement l��cole priv�e et apprenaient, pour leur part, le fran�ais. Quoi qu'il en soit,  � la fin du r�gime d'Ahmed S�kou Tour�, le fran�ais �tait redevenu l'unique langue d'enseignement dans les �coles. L'exp�rience des langues nationales tourna court en 1984, d�s la mort de l'ancien pr�sident.

On peut attribuer l'�chec de la politique linguistique de S�kou Tour� � plusieurs causes: une r�forme b�cl�e et improvis�e, la raret� des manuels scolaires et l'insuffisance de la formation des ma�tres. 

- Un bilan d�cevant

Le r�gime autoritaire de S�kou Tour� s�est rapidement transform� en dictature et aurait provoqu�, au cours des ans, l�exil du quart de la population guin�enne (500 000 personnes sur deux millions). Ayant accul� son pays � la faillite et, devant le m�contentement grandissant de la population, le dictateur entreprit d�assouplir son r�gime. Il fit alors de nombreux voyages diplomatiques dans le but d'�tablir des relations avec d'autres pays et de trouver des investisseurs; il chercha de l'aide aupr�s du bloc communiste (Europe de l'Est, Union sovi�tique et Chine) afin d�obtenir le financement que la France lui refusait. Cible de plusieurs tentatives d'assassinat, il accusa r�guli�rement la France de comploter pour renverser son r�gime et avait rompu toute relation avec celle-ci d�s novembre 1965. Entre 1958 et 1971, neuf des 71 membres du gouvernement furent ex�cut�s, huit moururent en d�tention, 18 furent condamn�s aux travaux forc�s � perp�tuit�, 20 furent remis en libert� provisoire, cinq se r�fugi�rent � l'�tranger. Les rapport du �responsable supr�me� avec les pays voisins, soit la C�te d�Ivoire, le Niger, le S�n�gal et le Burkina Faso, rest�rent troubles jusqu�en 1978. 

Curieusement, la Constitution �r�volutionnaire� de 1982 (ni celle de 1958) ne contenait aucune disposition d'ordre linguistique. De fa�on paradoxale, les tentatives de S�kou Tour� de faire de la Guin�e un pays officiellement plurilingue semblent avoir �t� un �norme �chec. Il est probable que ce ne soit pas ce que la population d�sirait. C'est dans ce cadre g�n�ral d'�chec qu'intervint, le 26 mars 1984, la mort subite de S�kou Tour�, � Cleveland (Ohio), aux �tats-Unis, lors d'une op�ration de chirurgie cardiaque.

3.5 Le r�gime de Lansana Cont�

Apr�s la mort de S�kou Tour�1984, le pays se trouvait ruin�, des dizaines de milliers de Guin�ens avaient fui le pays pour se r�fugier en C�te d'Ivoire, au S�n�gal ou en France, alors que les prisons �taient pleines et quelque 700 000 morts �taient attribu�s � l'ancien dictateur. Aussit�t, un Comit� r�volutionnaire de redressement national (CRRN), comprenant des militaires, porta au pouvoir le colonel Lansana Cont�, d'origine soussou. Puis la Guin�e s�engagea dans une s�rie de r�formes et, en rupture avec l'ancien r�gime, elle se rapprocha de la France et de ses voisins. Les nouveaux dirigeants d�cid�rent de s'en tenir � un enseignement enti�rement en fran�ais. On chargea l'Acad�mie des langues de travailler sur l'hypoth�se d'une �langue nationale d'unification� du pays, qui devait �tre adopt�e apr�s un �d�lai de r�flexion� de six ans, c'est-�-dire en 1990.

Par la suite, la population guin�enne s'est retrouv�e aux prises avec l'un de ces plans de restructuration dont seuls le Fonds mon�taire international et la Banque mondiale ont le secret. La Guin�e connut notamment le licenciement d'un bon tiers des fonctionnaires inutiles que comptait le pays, la privatisation des banques et de la centaine de soci�t�s d'�tat fantoches, avec en prime l'augmentation fulgurante du prix des denr�es de premi�re n�cessit�. En 1993, le colonel Lansana Cont� remporta la premi�re �lection pr�sidentielle pluraliste. Les libert�s fondamentales furent progressivement restaur�es, l'inflation en partie ma�tris�e, la vie d�mocratique revint lentement.

Cependant, la stabilit� politique demeura pr�caire, comme l'ont d�montr� les affrontements entre les Malink�s, les Soussous et les Peuls lors d�une nouvelle tentative de coup d'�tat militaire, en f�vrier 1996. De plus, Amnistie internationale a commenc� � d�noncer le r�gime guin�en, notamment pour ses violations du droit d'expression et du droit d'association, et les tortures en tout genre des personnes incarc�r�es, souvent sans proc�s. Selon le Rapport mondial sur le d�veloppement humain publi� en 1992 par le PNUD (Programme des Nations unies pour le d�veloppement), la Guin�e �tait class�e au dernier rang des 170 pays du monde, derri�re Ha�ti et la Somalie.

En f�vrier 1996, une mutinerie militaire �clata pour non-paiement des soldes. R�fugi� dans les sous-sols du Palais des nations, le pr�sident �chappa de peu � la mort, alors que l'on bombardait son bureau. Cont� allait �tre encore victime d'une tentative d'assassinat en janvier 2005. Au d�but de 2006, l'�tat de sant� du pr�sident s'aggrava brusquement; il dut se rendre � plusieurs reprises � l'�tranger pour se faire hospitaliser. D�s lors, il ne quitta plus le pays pour participer � des r�unions internationales. Sous ce second r�gime autoritaire (apr�s S�kou Tour�), l'�tat guin�en devint encore plus dysfonctionnel, rong� par une corruption end�mique. Exasp�r�s par la flamb�e des prix et la corruption, les Guin�ens descendirent dans la rue en janvier 2007. Le gouvernement paniqua et l'arm�e tira sur la foule. Bilan: plus de 200 morts et des milliers de bless�s. Pour calmer le jeu, le pr�sident Cont� cr�a une commission d'enqu�te afin d'identifier et de poursuivre les responsables de la r�pression.  Par la suite, il ne se passa plus rien, mais les gr�ves se multipli�rent, impliquant l'arm�e, puis les douaniers, les policiers, les m�decins, les magistrats, etc. Malade et diminu�, Lansana Cont� ne v�cut plus dans la capitale, car ils se r�fugia dans un petit village o� il cultivait des champs de riz,. Au cours de cette p�riode, ses proches conseillers assur�rent le pouvoir jusqu'� sa mort survenue le 22 d�cembre 2008. Il avait pass� vingt-quatre ans � la t�te de la Guin�e.

3.6 La junte militaire de Danis Camara

D�s le lendemain, le capitaine Moussa Dadis Camara et le Conseil national pour la d�mocratie et le d�veloppement (CNDD) prenaient le pouvoir. Le chef de la junte, qui s'est autoproclam� �pr�sident de la r�publique de Guin�e�, s�engageait alors � lancer une transition devant inclure la tenue d��lections l�gislatives et pr�sidentielle en 2009 auxquelles la junte ne participerait pas. La junte militaire a n�anmoins r�serv� � l'ancien pr�sident Cont� des fun�railles nationales et a pri� Dieu qu'il lui donne �le courage de continuer son uvre de tol�rance et de paix pour le bonheur de la Guin�e�.

Le 28 septembre 2009, l�arm�e r�primait dans le sang une manifestation pacifique organis�e par les Forces vives dans le stade de Conakry, faisant plus de 150 tu�s et plus de 1200 bless�s. Ce massacre fut unanimement condamn� par la communaut� internationale. La France a imm�diatement suspendu sa coop�ration militaire et d�ploy� une assistance m�dicale aux victimes.

Apr�s une tentative d�assassinat par son aide de camp en d�cembre 2009, Dadis Camara fut �vacu� et hospitalis� � Rabat (Maroc). Le 15 janvier 2010, � Ouagadougou, le capitaine Dadis Camara, le g�n�ral S�kouba Konat� et le pr�sident Blaise Compaor� (Burkina Faso) signaient la D�claration conjointe de Ouagadougou, d�finissant les modalit�s de la transition guin�enne. La nomination d�un nouveau premier ministre (janvier 2010) et la d�signation d�un gouvernement d�union nationale (f�vrier 2010) engag�rent la Guin�e sur la voie de la transition.  Le Conseil national de transition (CNT), un organe l�gislatif � la place du Parlement, fut mis en place en janvier 2010. Sa mission qui ne devait exc�der six mois, allait finalement s'�tendre sur quatre ans. Puis Camara annon�a qu'il renon�ait au pouvoir, officiellement pour des raisons de sant�. En r�alit�, la France, les �tats-Unis et le Maroc avaient profit� de l'hospitalisation de Camara � Rabat pour lui trouver un successeur et le forcer � l'exil. Depuis le massacre de 2009, Fran�ais et Am�ricains se m�fiaient du pr�sident guin�en et croyaient que ses ambitions militaires pouvaient constituer une menace pour la stabilit� de la r�gion.

3.7 L'�lection du pr�sident Alpha Cond�

Le 3 d�cembre 2010, la Cour constitutionnelle proclama la victoire d�Alpha Cond�, avec 52,5 % des suffrages, � la pr�sidence. Le 21 d�cembre 2010, Alpha Cond� fut investi pr�sident de la R�publique en pr�sence de 13 chefs d'�tat africains et de d�l�gations gouvernementales d'autres continents. Cond� a promis �une �re nouvelle� et annonc� son intention de devenir �le Mandela de la Guin�e� en unifiant et d�veloppant son pays.  Le 19 juillet 2011, des militaires attaqu�rent sa r�sidence priv�e de Conakry, dont une partie fut souffl�e par une roquette, mais Alpha Cond� s'en est sorti indemne. En janvier 2014, le Conseil national de transition c�dait la place � la nouvelle Assembl�e nationale pour si�ger � l�H�micycle.

Malgr� ses richesses naturelles, la Guin�e n'est jamais parvenue � faire d�coller son �conomie. Pourtant, selon les Guin�ens eux-m�mes, la Guin�e-Conakry est un pays �b�ni d'Allah�; on l�a surnomm�e �le ch�teau d'eau de l'Afrique de l'Ouest� et raison de son r�seau hydrographique, et ses ressources mini�res sont �normes: les deux tiers des r�serves de bauxite du monde, des m�taux rares (cobalt, uranium), de l'or, des diamants, etc. Malgr� ses richesses naturelles consid�rables, la Guin�e est class�e parmi les pays les plus pauvres du monde.  Selon une �tude de l'Institut national de la statistique de Guin�e et de la Banque mondiale publi�e en juillet 2012, plus de la moiti� des Guin�ens (55 %) vit en dessous du seuil de pauvret�, soit avec moins d'un dollar par jour, un chiffre en hausse ces dix derni�res ann�es. La m�me ann�e, la Guin�e �tait class�e au 178e rang sur 187 pays, selon l�Indice de d�veloppement humain (IDH), ce qui en fait l'un des pays les plus pauvres de la plan�te. Tous les Guin�ens sont bien conscients que la pauvret� qu�ils vivent ne disparaitra pas par le fait d�un coup de baguette magique. Ils savent aussi que la disparition de leur mis�re n'est possible que dans des institutions politiques efficaces, solides, et justes.

4 La politique linguistique

Sous le r�gime de S�kou Tour�, ni la Constitution de 1958 ni celle de 1982 ne contenait de disposition � caract�re linguistique. L�ancien r�gime autoritaire pr�f�rait sans doute fonctionner comme bon lui semblait, au gr� du vent, sans avoir � se pr�occuper des contraintes constitutionnelles. La Constitution du 19 avril 2010 contient pour sa part des dispositions sur la question linguistique. Il s�agit des alin�as 4 et 5 de l�article 1er:

Article 1er

4) La langue officielle est le fran�ais.

5) L'�tat assure la promotion des cultures et des langues du peuple de Guin�e.

Par cette disposition, l��tat guin�en se r�approprie officiellement l�usage du fran�ais qui n�avait jamais �t� abandonn� sous l�ancien r�gime. L��tat veut �galement continuer d�assurer la promotion des cultures et des langues du peuple de Guin�e. L'article 25 de la Constitution de 2010 traite des programmes d�alphab�tisation et d�enseignement ainsi que des langues nationales dans les m�dias �lectroniques:

Article 25

2) L��tat doit int�grer les droits de la personne humaine dans les programmes d�alphab�tisation et d�enseignement aux diff�rents cycles scolaires et universitaires et dans tous les programmes de formation des forces arm�es, des forces de s�curit� publique et assimil�s.

3) L��tat doit �galement assurer dans les langues nationales par tous les moyens de communication de masse, en particulier par la radiodiffusion et la t�l�vision, la diffusion et l�enseignement de ces m�mes droits.

Il reste � savoir comment se concr�tise ces dispositions d'ordre linguistique.

4.1 La langue de l��tat

Toute la politique linguistique �crite de la Guin�e tient essentiellement � l'article 1er de la Constitution, qui fait du fran�ais la langue officielle et assure aux langues nationales une certaine place. Cette disposition constitutionnelle signifie que le fran�ais reste la langue de la pr�sidence de la R�publique, de l'Assembl�e nationale, de l'Administration publique, des cours de justice, des forces arm�es et polici�res, de l'enseignement � tous les niveaux, de l'affichage, des m�dias, etc.

L'article 201 du Code foncier et domanial (1999) impose une traduction fran�aise pour les actes ou documents r�dig�s dans une langue �trang�re:   

Article 201

2) Les actes re�us par les officiers publics ou minist�riels �trangers et les d�cisions rendues par les juridictions �trang�res ne peuvent �tre publi�s ou constituer le titre d�une inscription de privil�ge ou d�hypoth�que que s�ils ont �t� l�galis�s par le ministre des Affaires �trang�res ou son d�l�gu� qualifi� et d�pos�s au rang des minutes d�un notaire guin�en ou s�ils ont �t� rendus ex�cutoires en Guin�e.

3) Ils doivent �tre accompagn�s, s�ils ont �t� r�dig�s en langue �trang�re, d�une traduction en fran�ais certifi�e soit par le ministre ou son d�l�gu� susvis� soit par un interpr�te agr�� aupr�s des tribunaux. Les originaux, exp�ditions, copies, extraits ou bordereaux d�pos�s pour �tre conserv�s � la conservation fonci�re doivent en outre porter toutes les mentions prescrites par l�article 1160 du Code civil.

Dans le Code des march�s publics (1988), l'article 8 oblige les candidats et titulaires des march�s publics � produire leurs documents en fran�ais:

Article 8

Toutes les pi�ces �crites, publi�es, remises aux candidats et titulaires des march�s publics ou produites par eux, � quelque titre que ce soit, seront �tablies
en langue fran�aise.

Dans le Code de la sant� publique (1997), l'article 173 oblige les fabricants de tabac � inscrire la mention suivante en fran�ais : �La consommation du tabac est nocive pour la sant�.�
 

Article 173

1) La vente du tabac et de ses produits d�riv�s sera subordonn�e � l�apposition sur l�emballage d�une �tiquette portant la mention �La consommation du tabac est nocive pour la sant�.

Lors des �lections en Guin�e, en vertu de la Loi organique l/91/012 du 23 d�cembre 1991 portant Code �lectoral (1991), les membres du bureau de vote doivent savoir lire et �crire le fran�ais:

Article 72

1) Les membres du bureau de vote sont d�sign�s par arr�t� un ministre de l�Int�rieur sur proposition des pr�fets. Ils sont requis par les pr�fets parmi les �lecteurs de la circonscription, � l�exclusion des candidats et de leurs parents en lignes directe ou par alliance jusqu�au quatri�me degr�.

5) En cas de d�faillance d�un membre du bureau au scrutin, il est pourvu � son remplacement par le pr�sident, qui choisit au sort parmi les �lecteurs pr�sents sachant lire et �crire le fran�ais. Mention en est port�e au proc�s-verbal.

Article 82

1) Imm�diatement apr�s la cl�ture du scrutin, il est proc�d� au d�pouillement de la mani�re suivante:

- L�une est ouverte et le nombre des enveloppes est v�rifi�.
- Si ce nombre est plus grand ou moindre que celui des �margements, il en est fait mention au proc�s-verbal.
- Le bureau de vote d�signe, parmi les �lecteurs pr�sents, un certain nombre de scrutateurs
sachant lire et �crire le fran�ais, qui seront d�office retenus pour former, avec le bureau de vote, la commission de d�pouillement.

Le fran�ais semble donc obligatoire dans le fonctionnement de l'�tat. Cependant, le Code de l'enfant guin�en (2008) est une exception, car l'enfant a le devoir de �respecter l�identit�, les langues et les valeurs nationales�:

Article 2

1) Tout enfant a le droit de jouir des droits reconnus par le pr�sent Code sans distinction de race, de groupe ethnique, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d�appartenance politique ou autre opinion, d�origine nationale et sociale, de fortune, d��tat de sant�, de naissance ou autre statut, et sans distinction du m�me ordre pour ses parents ou son tuteur l�gal.

Article 7

2) L�enfant, selon son �ge et ses capacit�s, et sous r�serve des restrictions contenues dans le pr�sent Code, a le devoir :

a) - De respecter ses parents, ses sup�rieurs et les personnes �g�es en toute circonstance et, en cas de besoin, de les assister ;
b) - De
respecter l�identit�, les langues et les valeurs nationales ;
[...]

Pr�cision que cette loi est conforme � la Convention internationale des droits de l'enfant, alors que l'�ducation est un droit garanti par les �tats qui doivent tenir compte des langues nationales. � l'article 30 de ladite convention, on peut lire:

Article 30

Enfants de minorit� ou de populations autochtones

L�enfant appartenant � une population autochtone ou � une minorit� a le droit de jouir de sa propre vie culturelle, de pratiquer sa propre religion et d�employer sa propre langue.

Dans les faits, bien que le fran�ais soit la langue officielle de la Guin�e, des accommodements sont pr�vus dans les services publics. Les langues nationales les plus importantes, g�n�ralement le peul, le malink� (ou maninka) et le soussou � parfois le kissi, le kpell� et le toma �, sont utilis�es concurremment avec le fran�ais. On peut parler d�un v�ritable bilinguisme au sein de l�appareil de l��tat, du moins lors des communications orales. � l��crit, le fran�ais conserve ses pr�rogatives.

4.2 La langue de la justice

Dans les tribunaux, certaines langues sont autoris�es dans les communications orales. Il s'agit �videmment du peul, du malink� et du soussou, voire le le kissi, le kpell� ou le toma. C'est probablement la raison pour laquelle, selon le Code civil (1983), la connaissance d'une langue nationale est n�cessaire :

Article 115

Dans tous les cas o� une d�claration est souscrite en vue d�acqu�rir la nationalit� guin�enne, le pr�sident du tribunal qui la re�oit :

1. La constate dans un proc�s-verbal;

2. Constate dans ce m�me proc�s-verbal le degr� d�assimilation du d�clarant aux m�urs et usages nationaux, par exemple la connaissance d�une langue nationale, ind�pendamment de l�usage plus ou moins familier de la langue officielle;

La loi n� 037/an/98 du 31 d�cembre 1998 portant Code de proc�dure p�nale (1998) est claire sur l'emploi des langues dans une proc�dure judiciaire. D'abord, les membres d'un jur� doivent savoir lire et �crire le fran�ais; puis, lorsqu'un accus� ou un t�moin ne parle pas ou ne comprend pas le fran�ais, le juge doit faire appel � un interpr�te:

Article 106

1) Les t�moins sont entendus s�par�ment et hors la pr�sence de l�inculp� par le juge d�Instruction assist� de son greffier; il est dress� proc�s-verbal de leurs d�clarations.

2) Le juge d�instruction peut faire appel � un interpr�te majeur, � l�exclusion de son greffier, des t�moins et des parties.

3) L�interpr�te, s�il n�est pas asserment�, pr�te serment de traduire fid�lement les d�positions. Mention de cette formalit� doit �tre port�e sur chaque acte auquel celui - ci participe, � peine de nullit� de l�acte.

Article 252

Peuvent seuls remplir les fonctions de jur�, les citoyens guin�ens de l�un et l�autre sexe �g�s de plus de trente ans, sachant lire et �crire en fran�ais, non atteints de surdit�, jouissant des droits politiques, civils et de famille, et ne se trouvant dans aucun cas d�incapacit� ou d�incompatibilit� �num�r�s par les deux articles suivants.

Article 266

3) Le pr�sident peut d�l�guer un de ses conseillers afin de proc�der � cet interrogatoire.

Il doit �tre fait appel � un interpr�te si l�accus� ne parle ou ne comprend pas la langue fran�aise.

Article 339

1) Dans le cas o� l�accus�, les t�moins ou l�un deux, ne parlent pas suffisamment la langue officielle ou s�il est n�cessaire de traduire un document vers� aux d�bats, le pr�sident nomme d�office un interpr�te, �g� de vingt et un ans au moins, et lui fait pr�ter serment de remplir fid�lement sa mission.

Article 399

1) Dans le cas o� le pr�venu ne parle pas suffisamment la langue fran�aise, les dispositions de l�article 339 sont applicables.

L'article 650 de la m�me loi impose une traduction en fran�ais lorsque des documents sont r�dig�s dans une langue �trang�re:

Article 650

1) Le juge d�instruction ou l�officier de police judiciaire commis par lui transcrit la correspondance utile � la manifestation de la v�rit�. Il en est dress� proc�s-verbal.

2) Cette transcription est vers�e au dossier. Les correspondances en langue �trang�re sont transcrites en fran�ais avec l�assistance d�un interpr�te requis � cette fin.

Le principe du traducteur et de l'emploi de la langue officielle sont identiques dans le d�cret d/98/n� 100/PRG/DGG du 16 juin 1998 portant Code de proc�dure civile, �conomique et administrative (1998):

Article 53

1) La juridiction n�est pas tenue de recourir � un interpr�te si elle comprend une des langues dans lesquelles s'expriment couramment les parties.

2) L'interpr�te doit pr�ter serment � l'audience s'il n'est pas d�j� asserment�.

Article 731

1) L'acte est notifi� dans la langue officielle de l'�tat d'origine.

2) Toutefois le destinataire qui ne conna�t pas la langue dans laquelle l'acte est �tabli peut en refuser la notification et demander que celui-ci soit traduit ou accompagn� d'une traduction en langue fran�aise, � la diligence et aux frais de la partie requ�rante.

Article 783

Les parties et leurs d�fenseurs peuvent, sur autorisation du juge poser des questions; celles-ci doivent �tre formul�es ou traduites en langue fran�aise; il en est de m�me des r�ponses qui leur sont faites.

Autrement dit, lorsqu'un citoyen guin�en emploie sa langue nationale dans une proc�dure judiciaire, cela ne constitue pas un droit linguistique, car ce droit n'est reconnu que pour la langue fran�aise.

4.3 L��ducation

Ce sont la loi n� L/97/022/AN du 19 juin 1997 portant orientation de l'�ducation nationale et le d�cret n� 97/196/PRG/SGG du 21 ao�t 1997, qui d�finissent les caract�ristiques fondamentales de l��ducation en Guin�e-Conakry. Malheureusement, ces documents ne sont pas disponibles. Le pays dispose d'un r�seau d��coles � tous les niveaux. Les enfants des villes peuvent fr�quenter des �coles maternelles, des �coles primaires et secondaires, ainsi que �tablissements d'enseignement sup�rieur.

- L'enseignement pr�primaire

L'enseignement pr�primaire ou pr�scolaire se fait g�n�ralement dans la langue maternelle de l'enfant (peul, malink�, soussou, kissi, kpell� ou toma), mais peut aussi �tre offert en fran�ais. Cet enseignement, enti�rement priv�, est d'une dur�e de trois ans et n'existe que dans les milieux urbains. Les enfants y sont re�us d�s l��ge de trois ans. L�enseignement pr�scolaire n�est pas obligatoire et touche moins de 15 % des enfants guin�ens. 

- L'enseignement primaire

L�enseignement primaire se poursuit durant six ans. Les enfants y sont admis � l'�ge de sept ans, parfois plus tard dans les campagnes. Les langues nationales (peul, malink�, soussou, kissi, kpell� et toma), quand on les enseigne au primaire, constituent des mati�res d�enseignement, non pas des langues d�enseignement. De plus, les �coles coraniques et les �tablissements franco-arabes continuent d�enseigner l�arabe, surtout dans les mati�res religieuses, litt�raires et sociales. Plus de 90 % des enfants guin�ens sont scolaris�s � l'�cole primaire. L�enseignement primaire est obligatoire et il est sanctionn� par le certificat d��tudes primaires �l�mentaires (CEPE). Ensuite, pour pouvoir entrer au secondaire, les �l�ves doivent �galement r�ussir un autre examen, �l'examen d'entr�e en septi�me ann�e�.

Bien que le fran�ais soit la langue officielle, beaucoup de Guin�ens, surtout dans les zones rurales, ne le ma�trisent pas. Il est donc difficile pour les enfants de suivre en classe s�ils ne ma�trisent pas la langue d�enseignement. Dans certaines zones rurales, l'enseignement peut se faire en peul, en malink�, en soussou, en kissi, etc.

- L'enseignement secondaire

L�enseignement secondaire est divis� en deux cycles, le coll�ge (quatre ann�es) et le lyc�e (trois ann�es), auxquels il faut ajouter l�enseignement technique et professionnel (dur�es variables) et l�enseignement sup�rieur (dur�es variables). L'ach�vement de ces deux cycles conduit respectivement au brevet d��tudes du premier cycle (BEPC) et au baccalaur�at premi�re partie en douzi�me ann�e et deuxi�me partie en terminale. Tout l'enseignement est donn� en fran�ais.

Passer du primaire au secondaire n'est pas facile pour un Guin�en, car seuls 62 % des gar�ons et 51 % des filles peuvent y acc�der. Le taux brut de scolarisation au secondaire �tait de 38 % en 2010. Environ un quart de ces �l�ves suit des cours dans des �coles priv�es.

- L'enseignement sup�rieur

Dans l'enseignement sup�rieur, la dur�e des �tudes varie de quatre � six ans selon les �tudes en cours. Le pays compte cinq �tablissements d�enseignement sup�rieur publics : l�Universit� de Conakry, l�Universit� de Kankan, l�Institut sup�rieur des mines et g�ologie de Bok�, l�Institut sup�rieur agronomique et v�t�rinaire de Faranah et l�Institut sup�rieur de sciences de l��ducation de Guin�e. Les �tablissements d�enseignement sup�rieur sont des �tablissements publics � caract�re scientifique jouissant de l�autonomie de gestion. Ils sont plac�s sous la tutelle du Minist�re ayant en charge l�Enseignement sup�rieur. Le fran�ais est la langue d'enseignement des �tablissements sup�rieurs.

- Les langues nationales

En d�pit du peu de place des langues nationales dans l'enseignement, le gouvernement guin�en semble convaincu que celles-ci doivent encore jouer un grand r�le dans la promotion de la culture nationale. Pour ce faire, l'Acad�mie des langues est devenue l�Institut de recherche en linguistique appliqu�e (voir le texte de loi). L'Institut p�dagogique national a �t� remplac� par l�Institut national de recherche et d'action p�dagogique. Un Centre d'�tudes linguistiques a �t� mis en place � la Facult� des lettres et sciences humaines de l'Universit� de Conakry. Par ailleurs, faute d'enseignants qualifi�s, il arrive que, dans les zones rurales et les petites classes, l��cole se fasse dans la langue locale.

- Les difficult�s

Bien que l�enseignement soit gratuit, la scolarisation de la population guin�enne demeure encore faible. En effet, au d�but des ann�es quatre-vingt-dix, on comptait quelque 76 % d'analphab�tes dans le pays. Seulement 30 % des enfants en �ge scolaire fr�quentaient l��cole primaire. Environ 10 % des jeunes pourraient aller � l��cole secondaire, contre 2 % dans l�enseignement sup�rieur. Le gouvernement a entrepris des campagnes de sensibilisation � la radio et � la t�l�vision, mais les r�sultats sont lents bien qu�encourageants. De fa�on g�n�rale, les filles fr�quentent beaucoup moins l��cole que les gar�ons. Au cours de la p�riode de 2005 � 2010, le taux d�alphab�tisme des adultes (15 ans et plus) s��levait � 41%. Au total, 3,3 millions d'adultes sont analphab�tes. Les femmes repr�sentent � elles seules plus de 59 % des analphab�tes.

Les �coles de la Guin�e sont plut�t pauvres et elles manquent cruellement de manuels scolaires. � titre d�exemple, le ratio livre-�l�ves est en g�n�ral de dix pour les manuels en sciences, de sept pour les math�matiques et de quatre pour le fran�ais. 

La Guin�e doit aussi faire face � un probl�me majeur : l'abandon scolaire. En effet, chaque ann�e des millions d�enfants quittent l��cole sans y avoir acquis les comp�tences de base en lecture, en �criture et en calcul. Ou bien ils abandonnent avant la fin du primaire, car les conditions d�apprentissage difficiles ne les incitent gu�re � poursuivre leurs �tudes. Ainsi, le tiers des �l�ves ne termine pas le primaire. Par ailleurs, seulement trois �l�ves sur dix entrent au coll�ge.

Le syst�me d'�ducation est aux prises avec d'�normes in�galit�s sociales. En Guin�e, parmi les enfants les plus pauvres, 50 % entrent � l'�cole primaire et 46 % arrivent en derni�re ann�e. Parmi les enfants les plus riches, 81 % entrent � l'�cole primaire et 78 % persistent jusqu'en derni�re ann�e. De plus, les enfants des milieux les plus ais�s sont scolaris�s dans le secteur priv�. Les programmes scolaires et les examens sont identiques au secteur public mais les conditions de travail sont nettement sup�rieures : enseignants qualifi�s, pr�sence de mat�riel scolaire, nombre d��l�ves par classe raisonnable, etc. G�n�ralement, l'enseignement offert dans les �tablissements priv�s favorisent l'apprentissage et la pratique du fran�ais et de l'anglais dans le but d'amener les �l�ves � un bilinguisme le plus fonctionnel possible.

Enfin, fr�quenter l'�cole co�te cher en Guin�e. L'enseignement est en th�orie gratuit, mais les parents d��l�ves doivent payer ce qui est appel� �le banc�. Ils doivent verser une cotisation � l��cole pour que leur enfant puisse s�asseoir sur le banc en classe et suivre les cours. Les familles doivent �galement obligatoirement cotiser � l'association des parents d��l�ves, sans compter l'achat des fournitures scolaires, notamment l'uniforme qui est obligatoire et qui co�te cher. Beaucoup de parents se d�couragent et retirent leur enfant de l'�cole pour �conomiser.

- L'enseignement des langues �trang�res

En ce qui concerne les langues �trang�res, la Guin�e a privil�gi� deux langues: l�anglais et l�espagnol. La premi�re langue �trang�re enseign�e est l�anglais. L��l�ve a, au secondaire, le choix entre l'espagnol et l'allemand, mais la plupart pr�f�rent l'espagnol.

4.4 Les m�dias

Les m�dias guin�ens diffusent en fran�ais et dans plusieurs langues nationales. La plupart des m�dias �crits n�emploient que le fran�ais. Les Guin�ens peuvent se procurer des journaux �trangers en anglais, en espagnol et en portugais.

Les langues nationales sont privil�gi�es dans les stations locales d�sign�es comme des �radios rurales�. Dans chacune des quatre r�gions g�ographiques (Guin�e maritime, Moyenne-Guin�e, Haute-Guin�e et Guin�e foresti�re), il existe une station de radiodiffusion qui dispose d'une grille de production et de programmes, autonome et locale. Toutes les langues recens�es dans chacune des localit�s sont pr�sentes � l�antenne de la radio. En Guin�e, c�est la seule fa�on de rejoindre tous les citoyens, quelle que soit leur langue. Dans cette perspective, le fran�ais constitue �une langue parmi les autres�. Tous les m�dias �lectroniques appartiennent � l'�tat, car il n�existe pas de radio ou de t�l� priv�e en Guin�e. Mais une loi serait pr�vue pour autoriser les m�dias �lectroniques priv�s en Guin�e.

Les radios �trang�res sont facilement capt�es, celles provenant du Liberia et de la Sierre Leone sont en anglais, celles de la Guin�e-Bissau sont diffus�es en portugais, les autres sont toutes en fran�ais. La Loi organique l/91/006 du 23 d�cembre 1991 portant cr�ation du Conseil national de la communication (1991) oblige le Conseil national de la communication de veiller au d�veloppement de l�information des populations dans ses langues nationales :

Article 5

Pour atteindre tous ses objectifs, le Conseil national de la communication est charg� :

1 - De d�finir les modalit�s de mise en �uvre du droit � l�expression des diff�rents courants d�opinion � travers les m�dias publics ;
2 - De veiller au d�veloppement de l�information des populations
dans ses langues nationales ;
3 - De veiller � la promotion de la culture nationale, sous toutes ses formes, en mati�re de production et de diffusion d��uvres nationales ;

Article 40

Les d�cisions du Conseil national de la communication concernant :

1 - La publicit� ;
2 - La production et la diffusion d��uvre audio-visuelles d�origine nationale,
en langues nationales ou en fran�ais ;

Dans le domaine de la t�l�vision, l��tat ne peut encore couvrir tout le territoire national. La t�l�vision est en Guin�e un m�dia beaucoup plus co�teux et donc inaccessible pour la plupart des Guin�ens. Seules quelques langues (peul, malink�, soussou, etc.) sont employ�es sur une base r�guli�re � la t�l�vision nationale (la RTG). Seuls 47 Guin�ens sur 1000 poss�dent un poste de t�l�vision.

La politique linguistique de la Guin�e-Conakry en est une de pragmatisme. Elle r�side dans l�unilinguisme fran�ais pour l�appareil de l��tat, incluant l��cole, mais se transforme en un multilinguisme � l'oral, ce qu�on peut appeler un �multilinguisme de strat�gie�, pour tout ce qui rel�ve des services � la population: administration orale, tribunaux, m�dias �lectroniques, etc.

Apr�s avoir �t� un �pr�curseur� dans l�utilisation des langues nationales africaines du temps de S�kou Tour�, l��tat guin�en est revenu � une forme de politique moins dogmatique o� l�improvisation id�ologique a laiss� la place � un certain r�alisme. On peut croire que la politique actuelle constitue n�anmoins une formule de transition. Il est probable que l��tat s�en ira �ventuellement vers une utilisation accrue des langues nationales sans abandonner l�usage officiel du fran�ais, l�un des facteurs essentiels du d�veloppement �conomique.

Derni�re mise � jour: 16 nov. 2023

Bibliographie

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[http://www.guinee.net/bibliotheque/ameillon/lgmoral.html].

BAH, Mahmoud. Construire la Guin�e apr�s S�kou Tour�, Paris. �ditions, L'Harmattan, 1990, 210 p.

CALVET, Louis-Jean. La guerre des langues et les politiques linguistiques, Paris, Hachette Litt�ratures, coll. �Pluriel�, 1999, 294 p.

DIALLO, Moustapha. ��tude men�e en Guin�e�, Institut des sciences de l��ducation de Guin�e, ISSEG, Cepec, s. d.
[http://www.cepec.org/international/ECB/doc/ecb-21.htm].

ENCYCLOP�DIE MICROSOFT ENCARTA, 2004, art. �Guin�e�, pour la partie historique.

MARTY, Paul. L'islam en Guin�e: Fouta-Djallon, �ditions Ernest Leroux, Paris, 1921, 588 p.
[http://www.fuuta-jaloo.net/Diina/pmarty/chap8.html].

ONU. �Onzi�me rapport p�riodique, additif Guin�e� dans Convention internationale sur l��limination de toutes les formes de discrimination raciale, CERD/C/334/Add.1, 15 d�cembre 1998.

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