Les couleurs du visible et de l’invisible dans la peinture grecque et étrusque (Ve-IVe s. av. J.-C.)
The colors of the visible and of the invisible in Greek and Etruscan painting (5th – 4th centuries BC)
Τα χρώματα του ορατού και του αόρατου στην ελληνική και ετρουσκική ζωγραφική (5ος – 4ος αι. π.Χ.)
p. 185-210
Résumés
La question posée dans cette étude est de savoir dans quelle mesure les recherches sur le clair-obscur et l’expression de l’apparence dans sa matérialité physique ont ouvert des voies inédites à la figuration de phénomènes à la limite du représentable, voire à la suggestion, grâce aux couleurs de la peinture, mais par des moyens autres que la forme narrative, d’un « ailleurs » non perceptible par nos sens. Après avoir proposé une définition des notions mêmes de visible et d’invisible, à partir des sources écrites, on s’est attaché à trois thèmes, en prenant essentiellement appui sur la céramique italiote et sur la peinture funéraire étrusque : la représentation des phénomènes atmosphériques, celle des petits édifices en trompe-l’œil (naïskoi) interprétés comme des formes allégoriques de la valeur (arétè) du défunt, celle enfin des Enfers, figurés dans les tombeaux de l’aristocratie étrusque qui montrent une réélaboration d’un imaginaire grec de l’au-delà, façonné en partie par les poèmes homériques. Malgré la perte irrémédiable des chefs-d’œuvre de la peinture grecque classique, la documentation conservée nous permet de définir plusieurs stratégies de figuration de l’invisible dans la peinture du ive s. av. J.-C. Le travail sur le clair-obscur et l’éclat y figure à côté de signes métaphoriques associant couleur et dessin, tels l’arc-en-ciel ou les édicules en trompe-l’œil (naïskoi). La comparaison entre les images grecques et étrusques fait apparaître des points communs mais aussi des orientations différentes, notamment dans l’usage de procédés graphiques suggérant la présence d’un espace derrière l’image.
The question raised in this study is to determine to what extent research on chiaroscuro and the expression of outward appearance in its physical materiality have opened new paths for the representation of phenomena at the limit of what can be represented, even for the suggestion through colors, but by means other than the narrative form, of an “elsewhere” not perceptible by our senses. After proposing a definition of the concepts of visible and invisible, from written sources, we focused on three themes, essentially relying on South Italian vase-painting and Etruscan funerary painting: the representation of atmospheric phenomena, that of small buildings painted in trompe l’oeil (naïskoi) and interpreted as allegorical forms of the value (arétê) of the deceased, and that of the Underworld, depicted in the tombs of the Etruscan aristocracy, which shows a rethinking of the Greek conception of the Underworld, partially shaped by the Homeric poems. Despise the irretrievable loss of the masterpieces of classical Greek painting, the remaining documentation allows us to identify several strategies of representation of the invisible in the painting of the fourth century BC. Work on chiaroscuro and brightness stands beside metaphorical signs combining color and design, such as the rainbow or small temples painted in trompe l’oeil (naïskoi). The comparison between the Greek and Etruscan pictures revealed common but also different orientations, including the use of graphic processes suggesting the presence of a space behind the image.
Το ερώτημα που τίθεται στην παρούσα μελέτη είναι σε ποιο βαθμό οι έρευνες για τη φωτοσκίαση και την έκφραση της εξωτερικής εμφάνισης στην υλικότητά της άνοιξαν νέους δρόμους στην εικονογράφηση φαινομένων στα όρια εκείνου που ήταν δυνατόν να αναπαρασταθεί, ή στην υποδήλωση, χάρη στα χρώματα της ζωγραφικής, αλλά με μέσα διαφορετικά από την αφηγηματική μορφή, ενός “αλλού” που δεν γίνεται αντιληπτό από τις αισθήσεις μας. Αφού πρώτα προταθεί ένας ορισμός των ίδιων των εννοιών του ορατού και του αόρατου, με αφετηρία τις γραπτές πηγές, εξετάζουμε τρία θέματα, βασιζόμενοι κυρίως στην ιταλική κεραμεική και στην επιτύμβια ετρουσκική ζωγραφική: την αναπαράσταση ατμοσφαιρικών φαινομένων, εκείνη των μικρών κτηρίων (ναΐσκοι) που αποδίδονται τρισδιάστατα με οφθαλμαπάτη και ερμηνεύονται ως αλληγορίες της αρετής του νεκρού, εκείνη, τέλος, του Κάτω Κόσμου, που εικονίζονται σε τάφους της αριστοκρατίας των Ετρούσκων, που φανερώνουν μια νέα επεξεργασία μιας ελληνικής εικονογραφίας του επέκεινα, που διαμορφώθηκε εν μέρει από τα ομηρικά ποιήματα. Παρά την ανεπανόρθωτη απώλεια των αριστουργημάτων της ελληνικής κλασικής ζωγραφικής, τα σωζόμενα έργα μας επιτρέπουν να διακρίνουμε πολλούς τρόπους αναπαράστασης του αόρατου στη ζωγραφική του 4ου αι. π.Χ. Η φωτοσκίαση και η λάμψη χρησιμοποιούνται μαζί με μεταφορικά σημεία, που συσχετίζουν χρώμα και σχέδιο, όπως το ουράνιο τόξο ή τα κτήρια που αποδίδονται τρισδιάστατα με οφθαλμαπάτη (ναΐσκοι). Η σύγκριση ανάμεσα στις ελληνικές και τις ετρουσκικές εικόνες φανερώνει κοινά σημεία αλλά και διαφορετικούς προσανατολισμούς, ιδιαίτερα στη χρήση σχεδιαστικών διαδικασιών, που υποδηλώνουν την ύπαρξη ενός χώρου πίσω από την εικόνα.
Entrées d’index
Mots-clés : Clair-obscur, apparence, visible, invisible, céramique italiote, peinture funéraire étrusque, naïskoi, arétè, imaginaire grec, trompe-l’œil
Keywords : Chiaroscuro, appearance, visible, invisible, South Italian vase-painting, Etruscan funerary painting, naïskoi, arétê, Greek imaginary, trompe l’oeil
Λέξεις-κλειδιά : Φωτοσκίαση, φαίνεσθαι, ορατό, αόρατο, ιταλική κεραμεική, ετρουσκική επιτύμβια ζωγραφική, ναΐσκοι, αρετή, ελληνικός κόσμος της φαντασίας, οφθαλμαπάτη
Remerciements
Je remercie vivement les responsables des collections qui ont généreusement autorisé la publication des photographies utilisées dans l’article : le British Museum, T. E. Cinquantaquattro (Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Napoli e Pompei), K. Lapatin et J. Burns (The J. Paul Getty Museum), A. Lui (musée d’Art et d’Histoire de la ville de Genève), L. La Rocca (Soprintendenza per i Beni Archeologici della Puglia). Ma reconnaissance va également à C. Pouzadoux, directrice du Centre Jean Bérard, et à G. De Palma pour leur aide précieuse et leur disponibilité.
Texte intégral
1Au cours des vingt-cinq dernières années, les découvertes archéologiques et les progrès sans précédent des méthodes d’analyse physico-chimiques des matériaux ont profondément modifié notre approche de la peinture classique et permis le développement de recherches interdisciplinaires où l’étude de la couleur occupe une place de premier plan1. D’autres découvertes récemment publiées, comme le livre d’épigrammes de Posidippe de Pella2, renouvellent notre approche du milieu artistique et littéraire de la fin du ive s. et des premières décennies du iiie s. av. J.-C., qui donna naissance aux premières histoires de l’art dont les auteurs étaient jusqu’ici essentiellement connus par la critique des sources pliniennes3. À côté de l’historien et disciple de Théophraste, Douris de Samos4, la figure la plus clairement identifiée, grâce à l’étude fondatrice de B. Schweitzer5, est celle du sculpteur et philosophe Xénocrate d’Athènes, dont l’œuvre aurait été poursuivie par un autre sculpteur, Antigone de Carystos6. Exaltant l’« art nouveau » illustré par Apelle et Lysippe, ce milieu d’artistes et de poètes, marqué par l’essor des arts de cours, élabore une histoire des sculpteurs et des peintres fondée sur des critères techniques. Une section du recueil de Posidippe, la « fabrique des statues », ἀνδριαντοποιικά, confirme les conclusions de B. Schweitzer sur l’histoire des sculpteurs selon Xénocrate en les enrichissant de nouveaux concepts. Pour l’histoire des peintres, nous dépendons encore avant tout des classements conservés dans l’encyclopédie plinienne. Nous savons cependant que ces premières histoires de l’art grec mettaient en parallèle peintres et sculpteurs, ce qui permet de prendre appui sur les nouveaux indices apportés par les épigrammes pour approfondir aussi l’enquête sur la peinture.
1. Limites de l’art, frontières du visible
2Les développements consacrés par Pline l’Ancien dans le livre XXXV de l’Histoire naturelle à la nature des couleurs puis à l’histoire des peintres grecs suggèrent que l’éloge du peintre Apollodore d’Athènes, le premier à « exprimer l’apparence » (species exprimere) grâce à la technique des ombres et des lumières7, à la 93e olympiade (408-405 av. J.-C.), garde sans doute la trace des jugements portés par Xénocrate et ses contemporains sur les peintres classiques. L’« invention » de la technique des ombres et des lumières marquait à leurs yeux une césure majeure dans l’histoire de la peinture monumentale au ve s. av. J.-C. Pline l’Ancien8 lui-même souligne les discordances dans ses sources grecques à ce propos et rappelle l’admiration suscitée par des œuvres plus anciennes comme les grands cycles de Polygnote et de Mikon, loués pour leur contenu civique et éthique par Aristote et Théophraste9.
3Nous avons peu de données sur l’œuvre d’Apollodore. Pline mentionne deux tableaux, un prêtre en prière et Ajax frappé par la foudre (Ajax fulmine incensus)10, conservé à Pergame, qui serait le premier tableau capable d’« accrocher » le regard du spectateur. Ce détail livre un indice sur le goût qui prévaut à l’époque de Pline et de ses sources hellénistiques dans l’appréciation d’un tableau classique et que résument deux critères constamment associés dans leur évaluation des artistes : la précision dans le rendu des corps et des objets (ἀκρίβεια) et la prise en compte de la subjectivité du spectateur dans la construction de l’œuvre peinte ou sculptée, ce qu’exprime le terme latin de species, dont l’équivalent dans les sources grecques est celui d’une image construite πρὸς φαντασίαν11. Il nous aide aussi à mieux cerner certains sujets, comme la fulguration et l’embrasement d’un corps, où la technique du clair-obscur, fondée sur une échelle qui s’étend entre les deux extrêmes du blanc figurant la lumière (φῶς, lumen), auquel s’ajoute l’éclat lumineux (ἀυγή, λαμπρόν, splendor), et du noir, équivalent des ténèbres (σκότος, obscurum), offrait de nouveaux moyens d’expression aux artistes qui rivalisaient pour dépasser les « limites de leur art12 ». L’anecdote la plus intéressante pour notre propos est celle du concours de lignes entre Apelle et Protogène. Le tableau qui se serait trouvé dans les collections des Césars avant de périr dans un incendie, mais que Pline l’Ancien dit avoir vu, « ne contenait rien sur sa vaste surface que des lignes qui échappaient à la vue ; il paraissait vide au milieu de beaucoup d’œuvres remarquables et pour cette raison même, il attirait le regard et était plus célèbre que tout autre ouvrage13 ».
4Or l’interrogation sur les limites de la visibilité est également présente, sous une autre forme, dans la réflexion sur les premiers décors de théâtre en trompe-l’œil créés, selon le témoignage de Vitruve14, par le peintre Agatharchos pour une tragédie d’Eschyle (ou de Sophocle). Ces décors qui reposaient sur la construction d’architectures fictives auraient suscité les commentaires des philosophes Démocrite et Anaxagore. Mais pour Démocrite, à qui l’on attribue un traité d’actinographie et un traité sur les couleurs, la couleur est un épiphénomène, propre à la perception humaine. Seuls existent les atomes et le vide dépourvus de qualités sensibles15. La variation des couleurs est ramenée à la structure atomique des corps qui reflètent différemment la lumière, non à une coloration intrinsèque des atomes, comme nous l’apprend le traité de Théophraste Sur les Sensations qui a conservé le développement le plus important sur ce sujet. Le passage de la préface du livre VII du De Architectura de Vitruve, d’interprétation difficile et controversée, concentre l’attention du lecteur sur le tracé géométrique sur lequel se fonde l’effet de trompe-l’œil16. Mais la couleur joue un rôle tout aussi important dans ce dispositif, comme le montre la brève définition du premier livre17.
5Le principe d’explication de la perception colorée élaboré par Démocrite, qui prend le contre-pied de nos intuitions premières et « naturelles » sur la couleur, pouvait trouver de ce point de vue aussi un terrain d’application privilégié. Plus généralement, un ensemble de travaux sur les théories de la couleur chez les philosophes grecs des ve s. et ive s. av. J.-C., d’Empédocle à Aristote, mettent l’accent sur leur haut degré d’élaboration et d’originalité, et sur la force d’innovation qu’elles manifestent. Il suffit de mentionner l’acuité des observations d’Aristote sur la perception colorée et sur la nature de la couleur dans ses traités psychologiques, De Anima et De Sensu et Sensibilibus18 ou sur les couleurs atmosphériques, instables et éphémères, dans son étude de l’arc-en-ciel, du halo et du parhélie dans le troisième livre des Meteorologica. En particulier, sa définition de la couleur comme « la limite du transparent dans un corps déterminé19 » nous permet de mieux cerner le propos de cet article : les couleurs du visible et de l’invisible. En effet le visible qui est l’objet propre de la vue est essentiellement constitué par la couleur20. C’est donc elle qui active le milieu (l’air, l’eau) et permet à l’œil de percevoir l’objet. Pour expliquer le mécanisme d’interaction entre le milieu et celui qui perçoit, Aristote a recours à la notion de « transparent » ou « diaphane » et propose une théorie tout à fait nouvelle de la lumière. Le transparent n’est pas visible en lui-même, il est une qualité soit des milieux sans limite apparente comme l’air et l’eau, soit des corps déterminés21. La lumière, quant à elle, est l’actualisation du milieu transparent en présence du feu ou de quelque agent similaire comme les corps célestes22. Ainsi la lumière est-elle « l’actualisation du transparent lorsque celui-ci est la qualité du milieu qui n’a pas de limites définies » et « de même, la couleur est l’actualisation du transparent lorsque ce dernier se trouve, dans une mesure plus ou moins grande, dans les corps23 ». À l’inverse, la potentialité du transparent est l’obscurité. Ainsi lumière et obscurité dans le medium de l’air correspondent-ils au blanc et au noir dans les autres corps24, les autres couleurs résultant de leur mélange dans des proportions différentes25.
6Ces textes, auxquels on peut joindre ceux de la médecine hippocratique, notamment pour l’étude des carnations26, sont autant de symptômes de l’intérêt porté à l’exploration du monde sensible par les savants et les artistes de l’époque classique. Ils témoignent aussi des croisements qui existent entre les deux milieux. Ainsi les philosophes se référent-ils aux arts visuels – comme au théâtre et à ses décors – pour appuyer certaines de leurs propositions. À l’inverse, le groupe des artistes de Sicyone, auquel se rattachent Apelle et Lysippe, posait un lien privilégié entre leur art et les arts libéraux, en particulier la géométrie et l’arithmétique27. Il nous semble de ce fait intéressant de comparer les tentatives d’explication des processus visuels présents dans les traités philosophiques avec les effets que nous observons dans les œuvres peintes ou sculptées. Nous pouvons par exemple souligner l’intérêt constant dans ces ouvrages pour certains phénomènes comme celui de l’éclat lumineux et de l’éblouissement28.
7Enfin, au-delà des phénomènes sensibles, j’aimerais attirer l’attention, dans ces remarques liminaires, sur un dernier groupe de textes liés à la figure de Socrate où se trouve posé un tout autre lien entre le visible et l’invisible. Il s’agit, d’une part, du célèbre passage des Mémorables29 dans lequel le philosophe amène le peintre Parrhasios à reconnaître que la peinture n’est pas seulement la représentation à l’aide des couleurs de ce que l’on voit, mais qu’elle parvient, par la représentation des corps, les expressions du visage et surtout des yeux, les attitudes et les mouvements, à rendre sensible ce qui ne relève pas de l’ordre du sensible : sentiments, émotions, disposition de l’âme et au-delà de la beauté des corps, la beauté idéale et l’expression morale de l’âme. La couleur n’est mentionnée qu’au départ de la discussion et le choix de Parrhasios, considéré comme le maître dans l’art des contours, alors que son rival Zeuxis était passé maître dans l’art du clair-obscur, mérite d’être souligné. D’autre part, les mythes platoniciens sur le voyage de l’âme après la mort nous permettent d’appréhender un autre imaginaire des lieux invisibles et des couleurs qui les caractérisent. Des trois récits, celui du Phédon est le plus intéressant pour notre propos. Juste avant de mourir, Socrate imagine au-dessus des creux de la terre où nous habitons, les couleurs de la vraie terre, celle d’en-haut que baigne l’éther et où vivent des êtres exceptionnels. Les couleurs de la terre de ce monde supérieur sont pures et brillantes, celles des peintres n’en sont qu’une pâle copie : « Tantôt, en effet, elle est pourpre (ἁλουργῆ) et d’une étonnante beauté, tantôt elle ressemble à de l’or (χρυσοειδῆ), ailleurs, elle a tout l’éclat de la blancheur (λευκή), elle est plus blanche que la craie ou que la neige, et toutes les couleurs qui la constituent également sont encore plus nombreuses et plus belles que toutes celles qu’il nous fut donné de voir30 ». De même, l’éclat des pierres précieuses ici-bas n’est qu’une approximation de l’éclat des pierreries du monde d’en haut. On notera que Platon utilise les profondeurs marines comme métaphore de la corruption et considère que la vision troublée et imparfaite que nous avons des beautés supérieures est semblable à celle d’un homme qui verrait ce monde à travers le filtre de l’eau.
8Ainsi cette brève incursion dans les textes philosophiques nous permet-elle de dégager plusieurs définitions possibles des rapports entre le visible et l’invisible, la plus paradoxale étant sans doute la fulgurante intuition de Démocrite qui confère à l’invisible la matérialité des atomes et du vide, refusant à la couleur toute existence réelle. À l’opposé, l’analyse aristotélicienne des sensibles, presque phénoménologique avant la lettre, conforte un concept « naturel » de la couleur dotée d’une réalité objective qui existe indépendamment de notre perception. Au-delà du sensible, les réflexions attribuées à Socrate permettent de définir d’autres formes d’un « ailleurs » non visible, tel celui qui concerne la destinée des âmes après la mort.
9Si l’on en vient aux peintres, les jugements critiques portés sur leurs œuvres laissent entrevoir une approche centrée sur la quête de la ressemblance des êtres et des objets du monde sensible grâce à la capture de la lumière et de l’ombre. Certains jugements sembleraient indiquer que ces innovations dans les arts de la couleur se feraient aux dépens de l’expression éthique illustrée par les tableaux des maîtres plus anciens, Polygnote et Mikon. Nous savons, grâce aux descriptions de Pausanias, que les sujets des tableaux placés dans les monuments publics ou religieux d’Athènes ou de Delphes prenaient appui sur les récits épiques, les mythes et l’histoire contemporaine en accord avec le lien étymologique inscrit dans le nom même de la peinture comme γραφικὴ τέκνη. Ainsi la Nekuia peinte par Polygnote dans la Lesché de Delphes31 prenait-elle appui sur la description homérique du chant XI de l’Odyssée, même si elle plaçait au cœur du tableau la figure d’Orphée et des représentations inspirées par les croyances liées aux Mystères. La question posée est donc de savoir dans quelle mesure les nouvelles recherches sur le clair-obscur et l’expression de l’apparence dans sa matérialité physique ont ouvert des voies inédites à la figuration de phénomènes à la limite du représentable, voire à la suggestion, grâce aux couleurs de la peinture, mais par des moyens autres que la forme narrative, d’un « ailleurs » non perceptible par nos sens.
10Les chefs-d’œuvre de la peinture grecque classique sont irrémédiablement perdus et l’essentiel de la documentation conservée pour la période que nous étudions est constituée par des peintures murales, essentiellement à destination funéraire. Dans quelle mesure cette documentation nous rend-elle accessibles des cas où les peintres ont cherché à donner une forme sensible aux réalités invisibles que nous avons tenté de définir ? L’emploi des couleurs et du clair-obscur occupe-t-il un rôle spécifique dans cette exploration du non-sensible ?
2. Apports et limites de la documentation archéologique
11Une difficulté de l’enquête tient au caractère discontinu des corpus archéologiques sur lesquels nous fondons notre analyse. En effet, les peintures murales récemment mises au jour dans l’ensemble du bassin méditerranéen éclairent surtout les aboutissements, dans la seconde moitié du ive s. av. J.-C., de l’exploration des ressources de la technique des ombres et des lumières mise en œuvre au siècle précédent. Mais pour ces phases plus anciennes nous dépendons toujours dans une large mesure du témoignage de la céramique figurée attique et italiote. Certains corpus ont été distingués depuis longtemps pour leur valeur heuristique dans les thèmes abordés ici et il semble intéressant de reprendre certains documents à la lumière des nouvelles découvertes. Ainsi, les représentations d’édifices en trois dimensions figurés dans la céramique italiote, dès la première moitié du ive s. av. J.-C., constituent un exemple classique dans les travaux sur l’histoire de la perspective d’E. Panofsky à J. White32. Il suffit de citer pour mémoire les fragments attribués au groupe de Konnakis, conservés à Würzburg, qui sont une pièce majeure des réflexions sur l’image et la théâtralité33.
12Le corpus des céramiques figurées produites en Grande Grèce et en Sicile s’est accru dans des proportions considérables et les recherches archéologiques développées depuis les années 197034 ont permis de placer cette documentation exceptionnelle dans des contextes régionaux toujours mieux datés et circonscrits, malgré la persistance des fouilles clandestines qui entravent durablement le progrès de nos connaissances. Pour notre propos, deux points méritent d’être soulignés. D’abord, ces productions connaissent une phase expérimentale, associant la technique de la figure rouge avec celle des couleurs superposées. Elle se situe entre la fin du ve s. et les années 360 av. J.-C., et livre des aperçus précieux sur la période qui précède la phase la mieux documentée par les découvertes récentes. Ensuite, la construction de figures en trompe-l’œil par la couleur et le dessin constitue un critère de classification très net entre les différents lieux de production. L’Apulie, Tarente en particulier, offre pour l’Italie du Sud, les exemples les plus achevés de ces expériences sur la couleur qui définissent ce que P. Moreno a appelé la « manière tarentine35 ». On mentionnera, à titre d’exemple, les deux fragments du cratère, découvert en 1984, dans un dépotoir de la via Minniti à Tarente36, qui livrent une forme d’expression bilingue des ressources de la ligne et de la couleur et de leur adéquation avec le sujet figuré : force expressive de la ligne découpant sur le fond noir la musculature du corps du jeune satyre, rôle de la touche colorée dans l’évocation du mouvement (ondulation de la chevelure, jet de vin dans le cratère), peinture ombrée des carnations qui accentuent la sensualité des corps dénudés de la flûtiste et du vieux Silène. Le fragment, attribué au Peintre de la Furie Noire, qui figure l’enlèvement de Céphale par Éos37 montre, grâce à la chute partielle des couches de couleurs, comment le peintre jouait sur la palette restreinte à sa disposition pour intensifier les contrastes de couleurs par le jeu des superpositions, ici en interposant entre le rouge de la figure réservée et le blanc rehaussé de jaune, figurant la tunique et les ailes d’Éos, une couche de vernis dilué de teinte grisâtre. Sur ce fragment, le peintre manifeste le caractère surnaturel de la scène par la couleur qui oppose le corps lumineux et ailé de la déesse à celui de Céphale peint dans la technique normale de la figure rouge. Un deuxième élément est le nimbe. Composé de trois cercles concentriques, blanc, noir décoré d’un zigzag blanc, et rouge bordé de pointes, à la manière de rayons, il forme l’arrière-plan sur lequel se détachent les deux figures. Ce motif occupe une place centrale dans l’étude pionnière que Chr. Aellen a consacrée aux personnifications et aux allégories de l’« ordre cosmique » dans la céramique figurée de Grande Grèce38. Ses analyses mettent en évidence l’originalité et la fécondité des peintres italiotes dans la création de ces figures qui manifestent la volonté divine auprès des humains. La mise en image des phénomènes lumineux y occupe une place essentielle et nous offre un point d’appui privilégié pour approfondir le rôle de la couleur dans un type de représentation dont les sources écrites nous ont signalé l’importance pour les peintres classiques.
3. Phénomènes atmosphériques
13En effet, le choix du tableau d’Apollodore figurant Ajax foudroyé correspondait sans doute à une forme particulière de sensibilité de la critique hellénistique attentive à la force d’évidence (ἐνάργεια, euidentia) du tableau, capable de « mettre sous les yeux du spectateur » une réalité absente. Mais il prenait aussi appui sur l’exploration bien réelle par les peintres classiques des potentialités offertes par le travail de la couleur pour capturer la lumière et l’éclat dans l’espace du tableau. La popularité de deux chefs-d’œuvre d’Apelle en offre un autre témoignage. À propos du tableau figurant Alexandre tenant le foudre conservé dans le temple de Diane à Éphèse, les sources insistent sur l’effet de relief créé par le contraste entre les chairs et l’éclat lumineux39. Le second tableau est une représentation de l’« orage », un thème majeur du récit épique, depuis Homère, considéré comme une réalité impossible à peindre40. Le peintre avait sans doute eu recours à des personnifications de Bronté (tonnerre), d’Astrapè (éclair) et de Ceraunobolia (coup de foudre), un mode de figuration dans lequel il était aussi passé maître. Autant qu’une difficulté technique pour rendre l’éclat et la fulgurance de l’éclair, le transfert de l’attribut de Zeus au portrait d’Alexandre représentait une forme de transgression dans la construction de l’image royale, fort sensible dans les cours hellénistiques41 tout comme à Rome. Avant même les excès du colosse de Néron, Virgile42 évoque à propos de Salmonée, jeté au fond du Tartare, la folie de celui qui voulut imiter par l’airain et le choc des sabots, les « nuées et le foudre inimitables » : Demens ! qui nimbos et non imitabile fulmen/Aere et cornipedum pulsu simularat equorum.
14Cette tension entre ordre humain et ordre divin est exprimée dans la scène d’enlèvement de Perséphone de la tombe de Vergina où le peintre a joué sur le fond blanc de la paroi pour figurer, dans l’angle supérieur, trois éclairs sortant d’un petit pan de bleu, devant Hermès, figuré en vol et tenant les rênes de l’attelage43. Le peintre joue avec un art consommé sur un schéma bien attesté des scènes d’enlèvement et couronne une représentation virtuose du mouvement des corps dans l’espace par quelques touches de couleur qui ouvrent sur des espaces inaccessibles à notre perception. C’est ce que souligne le geste d’Hermès avec le caducée pointé vers le haut. Les traits ondulés figurant l’éclair, signe de l’assentiment de Zeus, se superposent à la baguette.
15Le motif de la foudre tombant du ciel pour signifier la volonté de Zeus est attesté dans la céramique figurée, depuis la fin du ve s. av. J.-C. Nous reviendrons brièvement sur trois cratères italiotes figurant Alcmène au bûcher qui offrent des variations intéressantes, au cours du ive s. av. J.-C., sur le thème de l’orage qui, au terme de la « longue nuit », marque à la fois la délivrance d’Alcmène et la colère de Zeus contre Amphitryon, sourd à ses avertissements.
16Sur les représentations les plus anciennes ainsi que sur le cratère, fragmentaire, provenant de Tarente, attribué au Peintre de la Naissance de Dionysos44 (fig. 1), la couleur ne joue pratiquement aucun rôle, à part les petites touches de jaune qui soulignent l’éclat du foudre ailé. L’arme de Zeus, flanquée à gauche de la figure d’Éros aux ailes déployées, s’interpose dans le champ de l’image entre les deux époux. Alcmène, assise dans une pose affligée, est figurée au-dessus du bûcher dont l’assemblage de rondins est souligné par des traits d’ombre qui en accentuent le réalisme. Amphitryon recule devant le prodige en portant sa main droite vers son menton. À droite de l’époux interdit, on voit la figure lacunaire d’Hermès, le caducée à la main. Un cas plus intéressant encore se trouve sur le cratère de Paestum, signé Python, découvert à Sant’Agata Dei Goti, l’antique Saticula, en 1793, et conservé au British Museum (fig. 2)45. Alcmène, assise sur l’autel, tend un bras suppliant vers le ciel matérialisé, suivant les conventions de la céramique paestane, par les bustes des dieux, ici Zeus et Éos (Aos), disposés au-dessus d’une ligne de sol ondulée. Zeus répond à sa prière, d’abord, par l’envoi de deux foudres, placés au contact du bûcher qui entoure l’autel, puis par l’orage manifesté par la personnification des Nuées (Nephelai)46. Le peintre a choisi de représenter l’arc-en-ciel, peint en blanc et en pourpre, qui naît de la rencontre entre le feu et les eaux déversées des hydries tenues par les Nephelai. Autel et bûcher sont peints avec minutie grâce aux couleurs superposées qui associent le blanc, le jaune et le brun dilué pour les détails et le rendu de l’ombre. Amphitryon et Anténor, les torches à la main, tentent en vain de mettre le feu aux rondins. En superposant les flammes des torches aux deux foudres tombés du ciel, le peintre a souligné la vanité de leur geste47. Le peintre a simulé les gouttes d’eau par les petits points blancs qui parsèment le champ noir du vase. L’arc-en-ciel marque une forme d’héroïsation de la future mère d’Héraclès48. Certes l’arc-en-ciel ainsi construit n’est qu’un lointain équivalent du phénomène naturel analysé par Aristote49. Cependant la tentative est originale50 et elle transcrit en image le mélange d’eau et de feu qui produit le phénomène, ce qui correspond à l’interprétation aristotélicienne de l’arc-en-ciel comme le produit de la réflexion des rayons du soleil dans les particules d’eau51. Enfin, sur un cratère conservé à Boston (fig. 3)52, le Peintre de Darius a eu recours au motif du nimbe, qui accentue l’héroïsation de la figure d’Alcmène. Cette dernière est assise sur l’autel. Le bûcher n’est plus construit mais évoqué par quelques troncs dispersés au pied de l’autel. Amphitryon, assisté par un jeune garçon, s’apprête à les enflammer. Alcmène n’exprime plus ni l’affliction, ni la supplication. La main gauche ramenée sur son voile, et la droite, paume ouverte vers le spectateur, elle se donne à voir dans son statut d’élue de Zeus. Le grand nimbe, devant lequel sa figure se détache53, se compose de cercles concentriques qui découpent une succession de bandes lumineuses blanches et rouges alternant avec le fond noir. L’effet de rayonnement est renforcé par le cercle de flammèches blanches qui termine le halo. Dans les scènes de rapt amoureux d’un être mortel par un dieu, le nimbe enveloppe les deux figures selon une convention déjà en œuvre dans la première moitié du siècle, comme nous l’avons vu sur le fragment attribué au Peintre de la Furie Noire. Le Peintre de Darius continue à utiliser ce signe conventionnel, par exemple sur la loutrophore figurant l’enlèvement d’Amphithéa par Poséidon54. Ici, le Peintre de Darius a associé sous une autre forme les éléments du monde réel et les signes métaphoriques de la manifestation divine. Le nimbe isole Alcmène des autres protagonistes et le dieu prend la forme d’un aigle d’une taille démesurée, planant au-dessus de l’autel, les ailes largement déployées, dans tout l’éclat doré de ses plumes55. La lance d’Amphitryon en dépassant du registre inférieur et en couvrant partiellement l’oiseau pointe dans sa direction selon un procédé qui n’est pas sans rappeler le lien posé entre le caducée d’Hermès et les éclairs de la tombe de Perséphone56. Ici la lance souligne, comme les torches sur le cratère de Python, la démesure de son acte.
Fig. 1 — Cratère de Tarente attribué au Peintre de la Naissance de Dionysos : Alcmène et Amphitryon.
(Tarente, Museo Archeologico Nazionale, inv. 4600) (su concessione del Ministero per i Beni e le Attività Culturali-Soprintendenza per i Beni Archeologici della Puglia, Cl. Pouzadoux)
17La loutrophore, conservée à Malibu, qui représente l’étreinte de Léda et du cygne (fig. 4)57 apporte un parallèle intéressant de la figuration de l’union entre Zeus et une mortelle d’où naquirent des êtres promis à l’immortalité, Héraclès, Castor et Pollux. Ces derniers sont, avec Ajax et Achille, des modèles d’excellence pour les mortels, comme le souligne le fragment d’un hymne composé par Aristote pour le tyran Hermias58. Si, dans le cas d’Alcmène, la composition crée une interférence entre le monde des dieux et celui des hommes, dans celui de Léda, la composition de l’image en deux registres bien distincts sépare de façon claire le divin de l’humain. La différence dans la représentation du signe atmosphérique de la volonté divine, nimbe ou personnification, alors que, dans le deuxième cas, Zeus a pris une forme animale, nous semble renforcer le contraste entre les deux modes de figuration. Au registre supérieur, Zeus assis, le sceptre à la main, se tourne vers Aphrodite qui se tient debout, le petit Éros perché sur son bras droit, l’iunx à la main. Un édicule peint en trois dimensions figure la demeure céleste. De part et d’autre de l’édifice, se tiennent les personnifications de l’éclair (Astrapè) et de l’année (Éniautos) dont les noms sont inscrits dans le champ comme ceux des dieux et de Léda. Astrapé, les ailes déployées, la tête ceinte d’un nimbe tient le foudre de la main gauche et une torche de la main droite. Au registre inférieur, en présence d’Hypnos qui étend sur le couple sa baguette, Zeus sous la forme du cygne s’unit à Léda. Par le jeu de la couleur superposée, la blancheur de ses plumes et le baiser de son bec rouge contrastent avec le corps de Léda et tissent des liens avec les représentations allégoriques et divines du registre supérieur : ailes et nimbe d’Astrapè, corps d’Éros, palais de Zeus, sphinx aux ailes déployées sur le col. Dans le prolongement des expériences de la première moitié du ive s. av. J.-C., l’usage des couleurs superposées dans la technique à figures rouges n’a pas une simple fonction décorative et cosmétique, et joue un rôle actif dans la construction du sens de l’image.
4. Formes allégoriques de la valeur (arétè)
18De fait, les travaux récents sur les céramiques polychromes apuliennes mettent en évidence les liens étroits entre les groupes de pionniers, comme celui qu’on rattache au cercle du Peintre de Konnakis, et plusieurs peintres des débuts de la figure rouge apulienne, tels le Peintre de la Naissance de Dionysos et le groupe du Peintre de la Furie Noire59. Il s’agit d’un ensemble d’expériences dans lesquelles les recherches sur la couleur et sur la représentation d’architectures en trois dimensions vont de pair. Parmi les édifices figurés, on distingue deux ensembles en fonction du lien référentiel que l’on peut établir avec des types déterminés de constructions. Ces identifications sont renforcées par la nature des personnages placés à l’intérieur des architectures ou disposés autour d’elles. À côté des images de temples ou de palais, qui correspondent chaque fois à un type particulier de construction en trompe-l’œil, on rencontre, en effet, une forme spécifique d’édicule, dénommée conventionnellement naïskos, propre à la production italiote, et notamment apulienne, dont les premières attestations se trouvent chez le Peintre de l’Ilioupersis (fig. 5). Ces édicules, souvent couplés sur un même vase avec une seconde scène, de nature identique, mais centrée sur une stèle60, mettent en valeur la figure des défunts et des actes cultuels qui leur sont consacrés sans renvoyer, dans l’état actuel des connaissances, à un type déterminé de monument funéraire puisque de telles architectures ne sont documentées qu’à date plus tardive, notamment à Tarente. La construction en trompe-l’œil, en tant que telle, semble constituer le signe visuel de la valeur (arétè) du défunt. Dans une étude précédente, j’ai proposé de rapprocher l’image du naïskos d’une métaphore développée par Platon dans la République (365b) dans la discussion sur l’homme juste et l’homme injuste61. Adimante, citant Pindare, oppose deux voies vers la « forteresse où l’on se retranchera pour passer sa vie ». Comme il est plus avantageux de paraître vertueux que de l’être, Adimante propose de tracer autour de lui, à l’aide du compas, une « skiagraphie de vertu » (σκιαγραφία ἀρετῆς) qui prendra la forme d’un accès monumental (mais trompeur) (πρόθυρα). La même métaphore architecturale est employée de façon positive par Socrate dans la discussion du Philèbe (64c) sur le mélange idéal d’où résulte le vrai bien afin de souligner qu’il a atteint une étape décisive dans la quête de la définition juste. Dans ce passage, la métaphore du porche est précédée par une première définition du principe directeur qui structure l’homme de bien : « une sorte d’ordonnance incorporelle faite pour gouverner un corps qu’anime une belle vie62 ». Les figures idéales placées dans l’écrin du naïskos me semblent transcrire en image cette métaphore de l’homme juste et vertueux : on pourrait dire qu’elles en constituent la forme allégorique.
19Dans cette composition, le jeu des couleurs est indissociable de la construction des architectures en trompe-l’œil et les peintres ont mis au point des codes de représentation qui reposent sur le contraste entre les figures rouges réservées et la palette restreinte de couleurs superposées dont ils disposent. Images intermédiaires entre les hommes et les dieux, entre les vivants et les morts, ces figures sont colorées en blanc. Par rapport au rouge des figures réservées, le blanc rapproche la figure humaine du corps lumineux des dieux et s’oppose à l’ombre obscure des démons. Cette échelle chromatique peut être illustrée par deux cas d’école : d’une part, le fragment du Peintre de la Naissance de Dionysos, conservé à Amsterdam, figurant Apollon devant son propre temple63, d’autre part, le cratère figurant la purification d’Oreste à Delphes, attribué au Peintre de la Furie Noire64. Ce peintre a pour trait caractéristique d’évoquer par le surpeint noir la chair sombre des Furies, faisant en quelque sorte surgir l’ombre de l’ombre65. Quant aux figures placées dans les naïskoi, on peut ajouter que du point de vue de l’artisan qui construit une telle image, le blanc évoque aussi les matériaux de prix qui composent l’effigie, renforçant ainsi l’aura de l’image « statufiée » du défunt. Au cours du ive s. av. J.-C., plusieurs peintres jouent sur l’ambiguïté d’une telle représentation en montrant la pétrification partielle du corps de Niobé66. Les variations de cette image au cours du siècle rappellent celles que l’on a pu observer, dans un autre registre, à propos d’Alcmène au bûcher. Malgré les nombreux travaux qui leur ont été consacrés, il serait intéressant de reprendre en détail les modes de construction des naïskoi apuliens pour en préciser encore la genèse et l’évolution, à la lumière des découvertes récentes67.
20Une telle image évoque aussi le rôle que l’on peut attribuer à certaines architectures feintes des tombes monumentales de Macédoine. L’interprétation de la façade en trompe-l’œil de la tombe du Jugement Dernier de Lefkadia, vers 300 av. J.-C., comme entrée du palais d’Hadès, a été proposée depuis longtemps68. Cette interprétation est renforcée par la présence dans les entrecolonnements du défunt, précédé d’Hermès, qui le présente aux juges des Enfers, Éaque et Rhadamanthe. Le témoignage apporté par la tombe d’Eurydice de Vergina, la plus ancienne à ce jour des grandes tombes figurées découvertes sur le site, permet de saisir une autre manifestation de l’usage symbolique des fausses architectures dans un décor où la représentation de la figure humaine est strictement limitée au décor peint du trône de marbre. Comme le souligne A. Kottaridou69, la couleur blanche domine dans la tombe, à l’exception du pourpre des étoffes et du faux plafond qui cachait la voûte, dont la couleur dominante semble avoir été le bleu ciel. Sur la paroi du fond, l’effet architectural du faux porche d’accès est construit avec une telle minutie que les pilleurs de la tombe ont attaqué la porte comme si elle était vraie. Le faux porche constitue donc un écrin qui met en valeur non pas la représentation figurée de la défunte mais le trône rouge resplendissant de marbre, d’or et de rouge cinabre, emblème de son rang, sur lequel était posé le coffret en or contenant les cendres. La tombe nous paraît donc doublement significative. D’une part, la représentation figurée est limitée à l’ornement du trône. Pourtant sa signification est fondamentale puisqu’il s’agit de l’épiphanie d’Hadès et de Perséphone. Ce trait rappelle le fonctionnement des grandes statues chryséléphantines de Phidias dont les détails sculptés livraient une forme de commentaire des traits caractéristiques du dieu. D’autre part, la recherche de couleurs pures et brillantes trouve un écho dans le texte du Phédon cité au début de cette étude. L’évocation de la morte repose sur la figure de l’absence.
5. Regards étrusques sur les enfers grecs
21Sur le vase apulien attribué au Peintre de la Furie Noire figurant la purification d’Oreste à Delphes, le corps de l’Érynie est coupé par la colonne qui délimite l’espace du sanctuaire (fig. 6). Sur la céramique paestane, par exemple sur l’amphore du Peintre de l’Oreste de Genève, figurant les retrouvailles d’Électre et d’Oreste sur la tombe d’Agamemnon70, les deux Érinyes, qui surplombent la scène, sont représentées avec les mains posées sur le relief ondulé qui délimite le registre supérieur (fig. 7). Cet effet est construit par un procédé simple et efficace qui repose sur la manière usuelle de marquer les lignes de terrain par un trait dont la couleur contraste avec celle du fond. Ici, un trait noir détache les doigts, à l’exception du pouce, de la surface du buste, de manière à créer l’illusion de deux êtres qui surgissent du fond de l’image. Ce procédé, bien attesté dans la production céramique de Paestum, apparaît également sur des sarcophages étrusques, sculptés ou peints (fig. 8)71. La prise de conscience du rôle dynamique des fonds trouve une autre expression dans la première chambre de la tombe de l’Ogre de Tarquinia où les convives se détachent sur un fond de nuages noirs (fig. 9) qui situe leur rencontre dans l’au-delà. Dans la deuxième chambre de ce même hypogée, réalisée dans la seconde moitié du ive s. av. J.-C., l’au-delà prend la forme du royaume souterrain d’Eita et de Phersipnai. Sur la paroi du fond, les souverains des Enfers se détachent sur le fond rocheux d’une caverne dont une des entrées est gardée par le triple Géryon. Sur la paroi à gauche de la porte d’entrée, des inscriptions permettent d’identifier Agamemnon (Achmemrun), l’ombre de Tirésias (hinthial Teriasals) et Ajax (Eivas) (fig. 10)72.
Fig. 6 — Cratère à volutes attribué au Peintre de la Furie Noire : Oreste à Delphes.
(Museo Archeologico Nazionale de Naples, inv. 82 270 [H. 3249]) (cl. Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Napoli e Pompei, Cl. Pouzadoux)
22Le terme étrusque hinthial73 accompagne quatre représentations d’ombres de l’Hadès. Tirésias est figuré deux fois sur la tombe de l’Ogre et sur un miroir de Vulci conservé au Vatican74, Patrocle une fois sur la scène de sacrifice des prisonniers troyens dans la tombe François de Vulci. Enfin, sur un cratère de Vulci, conservé à la Bibliothèque nationale, il s’agit d’un personnage féminin nommé Turmuca, inconnu par ailleurs75. Comme l’a établi G. Colonna, le parallèle avec le cratère conservé à Munich76, provenant de l’hypogée Monterisi Rossignoli de Canosa77, dont le thème est la vengeance de Médée, montre que l’équivalent de hinthial est le grec eidôlon, « fantôme ». En marge de la scène, un personnage, vêtu comme un roi oriental, est perché sur un rocher (qui est aussi un marqueur paysager de l’au-delà). Une inscription le désigne comme eidolon Aetou. L’eidôlon est la manifestation visuelle de ce qui reste du vivant après la mort, comme l’ont bien établi les études désormais classiques de J.-P. Vernant78. Et c’est sous ce terme que sont aussi nommées les apparitions dans le théâtre grec. Dans les deux peintures funéraires étrusques, contemporaines, où le terme hinthial apparaît, il serait difficile de justifier certains détails sans supposer une connaissance du récit homérique de la part de ceux qui conçurent ces images. Et cette hypothèse peut s’étendre à la conception d’ensemble du décor de la tombe de l’Ogre II, même s’il est clair qu’en raison même de son thème (sacrifice et évocation des morts), il répond à des formes locales de rites et de croyances dont l’essentiel nous échappe.
Fig. 8 — Sarcophage provenant de la tombe des Inscriptions de Vulci : amazonomachie.
(Rome, Museo Nazionale di Villa Giulia) (cl. Soprintendenza per i Beni Archeologici dell’Etruria Meridionale)
23La tombe de l’Ogre se compose de deux chambres, creusées séparément à des dates différentes, au cours du ive s., et qui furent reliées dans la première moitié du iiie s. av. J.-C. par un corridor. Elle présente d’importantes lacunes dues à ces remaniements et à la conservation très imparfaite de son décor dès sa découverte en 1868. Certaines difficultés seront levées par l’édition complète du monument en cours de réalisation, mais d’autres données sont perdues de façon irrémédiable et augmentent la marge hypothétique des interprétations. Il en est ainsi pour la scène figurée sur la paroi à gauche de l’entrée. Pour M. Cristofani et Fr. Roncalli79, les traces conservées permettraient d’identifier la scène de sacrifice des victimes par Ulysse qui rend possible la communication avec l’au-delà et la consultation du devin Tirésias80. Si l’on retient cette hypothèse, deux stratégies de représentation seraient à l’œuvre dans la disposition du décor : celle du banquet et celle du sacrifice. La première est signalée, sur la paroi à droite de l’entrée, par la table sur laquelle se dresse la vaisselle dont l’éclat précieux est souligné de façon remarquable par le jeu des ombres et des lumières. Un tel dispositif, sur lequel il n’y a pas lieu de s’attarder ici, trouve un parallèle dans la tombe Golini I de Volsinies (Orvieto)81. Pour le sacrifice, la tombe de l’Ogre II, à la différence de la figuration réaliste des animaux sacrifiés et chassés dans la tombe Golini I, prendrait le récit homérique comme trame pour construire le décor infernal, en conformité avec l’ordre des épisodes narrés par Ulysse, lors du banquet chez les Phéaciens. Le premier est l’épisode du Cyclope82, la Nekuia précède les dernières péripéties du douzième chant. Les éléments paysagers de la grotte créent un lien visuel (et métaphorique) manifeste entre les deux thèmes et font écho aux nuages noirs de la première chambre. Sur la paroi gauche de la tombe, grâce au sacrifice, les héros de la guerre de Troie se matérialisent aux yeux d’Ulysse83. Ils sont représentés sur la rive de l’Achéron, bordée de roseaux, par deux d’entre eux : Agamemnon, qui apparaît en premier chez Homère, et Ajax qui se manifeste en dernier dans le récit et refuse tout contact avec Ulysse84. Au centre, se tient l’ombre de Tirésias, la seule à être désignée comme hinthial Teriasals. Or le texte homérique marque une hiérarchie entre les ombres. Le devin Tirésias est le seul à avoir gardé, par la volonté de Perséphone, la force de son esprit et sa clairvoyance prophétique85 . L’ombre de Patrocle était à sa ressemblance mais son esprit ne l’habitait plus et il en va de même pour toutes les ombres qui apparaissent à Ulysse dans la Nekuia86. Cette tradition homérique n’est peut-être pas sans incidence sur la scène figurée dans la tombe de l’Ogre II. On y voit, en effet, plusieurs degrés de matérialisation physique des ombres : les trois héros d’Homère ont un corps ressemblant, conforme à leur apparence. Agamemnon et Ajax portent autour de la poitrine le bandage qui couvre leur blessure. Leurs corps partiellement dénudés contrastent avec celui de Tirésias, en appui sur son bâton, vêtu d’une tunique blanche bordée de motifs géométriques noirs et rouges, et la tête voilée dans un manteau bleu sombre qui retombe sur ses épaules et s’enroule autour de son bras gauche. La bande blanche rehaussée de motifs rouges en dents de loup qui le décore crée une sorte d’aura autour de son visage. La présence du terme hinthial dans sa didascalie est l’élément qui le différencie des deux autres.
24Par contre, les trois figures, comme tous les personnages qui peuplent le royaume d’Hadès, sont cernés d’un trait noir accentué qui détache leur contour et souligne, peut-être, leur caractère fantomatique87. Le peintre a eu recours à un autre contraste : à côté des héros qui ont repris des couleurs, vives et variées, les petits eidola sautant sur les roseaux devant Tirésias concrétisent un autre détail du récit d’Ulysse. Pour atteindre Tirésias, il doit écarter la foule bruissante des morts informes qui se pressent autour de lui. On voit donc comment le récit homérique et plusieurs conventions figuratives grecques sont retravaillées dans le contexte étrusque, sans doute pour mettre en évidence le statut bienheureux des propriétaires du tombeau. Les mises en scène théâtrales évoquant l’au-delà, populaires à la même époque et dénoncées par Aristote dans la Poétique88, pourraient jouer un rôle non négligeable dans la construction de telles représentations tout comme l’existence de tableaux figurant les supplices des Enfers dans un but d’édification morale mentionnés par Démosthène et par Plaute89. Dans la tombe François (fig. 11), l’adjonction d’hinthial au nom de Patrocle ne souligne pas la nature différente des eidôla, comme nous l’avons proposé pour la tombe de l’Ogre II. Elle signale la présence de l’ombre du défunt au cœur de la scène de sacrifice qui lui est consacrée. Il est situé légèrement en arrière par rapport à Achille et aux autres guerriers, comme les démons Vanth et Charu qui transposent allégoriquement l’expression récurrente dans le récit des funérailles de Patrocle des « portes de l’Hadès90 ». Le sacrifice monstrueux permettra de les ouvrir pour Patrocle comme pour Achille puisque leur destin est indissociable. C’est ce point qui est marqué, comme l’a souligné F.-H. Pairault Massa91, par les ailes déployées de Vanth qui relient le vivant Achille à l’ombre (hinthial) de son ami. Ici, les ombres ne sont pas projetées au premier plan par la force du trait et l’éclat des couleurs. La reprise de la gamme chromatique fondée sur le contraste de l’ocre rouge et du bleu, traditionnelle depuis l’archaïsme, souligne avec subtilité les liens entre les morts et les vivants. Les rappels de bleu (chairs de Charu, épée, bracelets de métal et tunique d’Achille, plumes bleutées de Vanth et manteau de Patrocle) suggèrent une porosité entre les deux mondes qui s’exprime par l’affleurement des ombres à l’arrière-plan de l’image. Ce procédé s’inscrit dans une stratégie figurative fondée sur une conception dynamique des fonds que les peintres étrusques semblent avoir particulièrement explorée.
25Ainsi avons-nous dégagé, au cours de l’analyse, plusieurs formes de manifestation de l’invisible dans la peinture du ive s. av. J.-C. : travail sur le clair-obscur et l’éclat, signes métaphoriques associant couleur et dessin (arc-en-ciel et nimbe, naïskoi), travail sur les fonds (nuages ou procédés graphiques suggérant la présence d’un espace derrière l’image). Dans le domaine funéraire, un trait s’est confirmé de façon nette. En Étrurie – et la remarque peut s’étendre à l’ensemble du monde italique –, on relève l’importance des stratégies figuratives et narratives, fondées sur une large intégration du mythe grec. Par contre, on trouve une certaine réticence, dans le domaine grec, pour la représentation figurative par rapport à la prégnance de la structure architecturale qui organise le décor. On voit ainsi se dessiner par l’effet des architectures et la centralité des objets sculptés ou peints qui s’y insèrent, un langage allusif d’une grande puissance d’évocation. Comme on l’a vu pour la tombe d’Eurydice à Vergina, les couleurs jouent un rôle essentiel dans la dynamique d’un tel décor. Dans ce cas, il s’agit du contraste entre la dominante blanche et les effets de chatoiement des corniches architecturales et du trône où la feuille d’or s’associe à l’éclat des couleurs. Deux motifs de l’hypogée C de la via des Cristallini à Naples92 nous permettent d’appréhender un autre type de travail sur l’apparence colorée où le pouvoir évocateur des ombres et des lumières, au-delà de l’effet de réel, laisse affleurer en jouant sur l’imagination du spectateur, des images à demi invisibles mais pourtant essentielles.
Fig. 11 — Tombe François de Vulci : sacrifice des prisonniers troyens par Achille en présence de l’ombre de Patrocle (hinthial Patrucles).
(Détail d’après les Monumenti Inediti VI [1859])
26C’est le détail, presque invisible, de Dionysos et d’Ariane sculptés sur la coupe figurée en trompe-l’œil accrochée sur la paroi d’entrée de la chambre inférieure, qui évoque la félicité des bienheureux pour qui sait le discerner dans les reflets du métal et lui donner un sens. C’est aussi, sur la lunette du fond de la salle, l’incarnat délicat du visage sculpté de la « belle » Gorgone (fig. 12), les yeux fixes, la bouche entr’ouverte sur les dents qui évoquent son cri strident, qui se détache en relief sur le chatoiement de l’égide. Cette dernière est délimitée par une bande d’un rouge éclatant qui se mue en rose vif au contact de la zone sombre, sur laquelle se détachent les feuilles imbriquées, vertes, jaunes et blanches alternées, dont les nervures sont accentuées par un trait de blanc. De petits serpents dont les corps sinueux se dressent en bordure de cette couronne lumineuse font écho à ceux qui ornent la coiffure de la Gorgone et accentuent le contraste entre la fixité du visage sculpté de face et le miroitement des couleurs qui le nimbent, à la façon d’un arc-en-ciel. Placée au seuil de l’invisible dont elle est la gardienne, cette épiphanie de la tête coupée de Méduse, nous semble répondre de façon saisissante à la définition aristotélicienne de la couleur comme « la limite du transparent dans un corps déterminé ».
Bibliographie
Abréviations bibliographiques
Aellen 1994 = Chr. Aellen, À la recherche de l’ordre cosmique. Formes et fonctions des personnifications dans la céramique italiote.
RVAp I = A. D. Trendall, A. Cambitoglou, The Red-Figured Vases of Apulia I. Early and Middle Apulian (1978).
RVAp Suppl. II = A. D. Trendall, A. Cambitoglou, The Red-Figured Vases of Apulia, Bulletin Supplement Institute of Classical Studies 60 (1991).
Taplin 2007 = O. Taplin, Pots and Plays. Interactions between Tragedy and Greek Vase-Painting of the Fourth Century BC.
Notes de bas de page
1 La bibliographie sur le sujet est immense. On se reportera aux bibliographies rassemblées dans ce volume, ainsi qu’à J. J. Pollitt (éd.), The Cambridge History of Painting in the Classical World (2014), et A. Rouveret, « L’imaginaire entre objets et textes », dans S. de Beaune, H.-P. Francfort (éds), L’archéologie à découvert (2012), p. 123-129, 310-313..
2 G. Bastianini, C. Galazzi, Posidippo di Pella. Epigrammi (P. Mil. Vogl. viii, 309), Papiri dell’Università degli Studi di Milano VIII (2001) ; C. Austin, G. Bastianini (éds), Posidippi Pellaei quae supersunt omnia (2002) ; K. Gutzwiller (éd.), The New Posidippus. A Hellenistic Poetry Book (2005) ; É. Prioux, Regards alexandrins. Histoire et théorie des arts dans l’épigramme hellénistique, Hellenistica Groningana (2007) ; ead., Petits musées en vers. Épigramme et discours sur les collections antiques (2008) ; P. Linant de Bellefonds, E. Prioux, A. Rouveret (éds), D’Alexandre à Auguste. Dynamiques de la création dans les arts visuels et la poésie (2015) avec bibliographie.
3 A. Rouveret, « La peinture retrouvée. Découvertes de Macédoine et textes antiques », dans S. Descamps-Lequime (éd.), Peinture et couleur dans le monde grec antique (2007), p. 69-79 ; ead., « Ce que Pline l’Ancien dit de la peinture grecque : histoire de l’art ou éloge de Rome ? », CRAI 2007, p. 621-631 ; J. Tanner, The Invention of Art History in Ancient Greece. Religion, Society and Artistic Rationalisation (2006), p. 212-246.
4 V. Naas, M. Simon (éds), De Samos à Rome : personnalité et influence de Douris (2015).
5 B. Schweitzer, « Xenocrates von Athen, Beiträge zur Geschichte des Antiken Kunstforschung und Kunstanschauung [1932] », dans Zur Kunst der Antike : ausgewählte Schriften I (1963), p. 105-164.
6 L’artiste, qui œuvra à Pergame, se confondrait avec l’auteur, homonyme, de biographies des philosophes, voir T. Dorandi, Antigone de Caryste. Fragments, CUF (1999), p. LXXXIII-CXXIII qui reprend en la précisant l’hypothèse d’U. Wilamowitz-Moellendorff (1881).
7 Histoire naturelle XXXV 60.
8 Histoire naturelle XXXV 54.
9 Histoire naturelle VII 205. Pour Aristote, voir surtout les commentaires de la Poétique 1448a1 ; 1450a25 ; Politique 1340a35 ; A. Rouveret, Histoire et imaginaire de la peinture ancienne (1989), p. 129-133. Cette dichotomie dans le palmarès des peintres célèbres trouve un écho dans la confrontation entre le canon de Polyclète et l’« art nouveau » de Lysippe évoqué dans l’épigramme 62 de Posidippe.
10 Histoire naturelle XXXV 60 : Ajax fulmine incensus quae Pergami spectatur hodie neque ante eum tabula ullius ostenditur quae teneat oculos. Voir le commentaire de S. Ferri sur l’esthétique du tableau sensible dans ce passage, en opposition avec la conception des peintures monumentales de Polygnote et de Mikon : S. Ferri, Plinio il Vecchio, Storia delle arti antiche, Naturalis Historia (libri XXXIV-XXXVI) (2000), p. 181.
11 J. J. Pollitt, The Ancient View of Greek Art : Criticism, History and Terminology (1974), p. 293-297, 436-439.
12 Liés à la pratique des signatures, renforcés par l’usage des épigrammes, les défis entre artistes et artisans, bien attestés dès l’époque archaïque, sont omniprésents dans les notices biographiques sur les peintres de la génération d’Apollodore, à commencer par l’accusation portée par ce dernier contre Zeuxis, coupable de lui avoir « dérobé son art » (Pline l’Ancien, Histoire naturelle XXXV 62) ; pour les signatures de Zeuxis et de Parrhasios : Aristide, Orationes XLIX 386 (II, p. 520-521, éd. Dindorf) ; XXVIII 88-90 (éd. Keil) ; Athénée, XII 543c. Anecdotes et ecphraseis sont souvent des variations sur le thème de la limite : par exemple dans l’art de la tromperie (Zeuxis et Parrhasios, Histoire naturelle XXXV 64-65) ; pour la centauresse de Zeuxis, Lucien, Zeuxis ou Antiochus 3-8 ; pour le supplice de Prométhée de Parrhasios et son tempérament mélancolique : Sénèque le Père, Controverses X 5 ; A. Rouveret, « Parrhasios ou le peintre assassin », dans C. Levy, B. Besnier, A. Gigandet (éds), Ars et Ratio. Sciences, art et métiers dans la philosophie hellénistique et romaine (2003), p. 184-193.
13 Histoire naturelle XXXV 83.
14 De Architectura VII, praef. 11.
15 Les représentations sont appelées εἴδωλα : S. Saïd, « Deux noms de l’image en grec ancien : idole et icône », CRAI 1987, p. 314 ; M. M. Sassi, « Entre corps et lumière : réflexions antiques sur la nature de la couleur », dans M. Carastro (éd.), L’Antiquité en couleurs. Catégories, pratiques, représentations (2009), p. 286.
16 A. Rouveret (n. 9), p. 89-93.
17 De Architectura I 2, 2.
18 Pour les théories aristotéliciennes de la lumière et de la couleur, nous suivons les analyses de R. Sorabji, « Aristotle, Mathematics and Colour », ClQ 22 (1972), p. 293-308 ; id., « Aristotle on Demarcating the Five Senses », dans J. Barnes, M. Schofield, R. Sorabji (éds), Articles on Aristotle 4. Psychology and Aesthetics (1970), p. 76-92 ; id., Aristotle on Memory (1972) ; M. M. Sassi (n. 15), p. 284-285 ; K. Ierodiakonou, « Aristotle on Colours », dans D. Sfendoni-Mentzou et al. (éds), Aristotle and Contemporary Science (2001), p. 211-225 auxquelles nous renvoyons pour la bibliographie. Pour les commentaires d’Alexandre d’Aphrodise : R. W. Sharples (éd.), Alexander of Aphrodisias. Supplement to on the Soul (2004), p. 211-225.
19 De Sensu 439b11 ; M. M. Sassi (n. 15), p. 293.
20 De Anima 418a26-9 et 419a1-9 (pour les objets phosphorescents) ; 422a20 et 425b20-2 (pour la vision de l’obscurité).
21 De Anima 418b7-20 ; 418b28-419a1 ; 439b14-18. Dans le De Sensu (439b2), Aristote en arrive à dire que le transparent du medium a sa propre couleur, l’éclat, ce qui semble être la lumière elle-même.
22 De Anima 418b4-9.
23 M. M. Sassi (n. 15), p. 284.
24 De Sensu 439b15.
25 De Sensu 439b18-440b25 ; Catégories 12a17-19 ; Physique 188b3-6 ainsi que les études citées n. 18.
26 L. Villard (éd.), Couleur et vision dans l’Antiquité (2002) ; ead., « L’essor du chromatisme au ive siècle : quelques témoignages contemporains », dans A. Rouveret, S. Dubel, V. Naas, Couleurs et matières dans l’Antiquité. Textes, technique et pratiques (2006), p. 43-54.
27 Pline l’Ancien, Histoire naturelle XXXV 76 (à propos de Pamphilos, le maître d’Apelle).
28 Voir par exemple l’analyse de Platon dans le Timée 67e-68a.
29 Xénophon, Mémorables III 10, 1-5.
30 Platon, Phédon 110c.
31 Pausanias, X 28-31 (trad. A. Reinach, Recueil Milliet. Textes grecs et latins relatifs à l’histoire de la peinture ancienne [1921, rééd. 1985], n° 107b).
32 E. Panofsky, Die Perspektive als symbolische Form. Vorträge der Bibliothek Warburg (1924-1925, 1927, trad. française 1975) ; J. White, Perspective in Ancient Drawing and Painting (1956).
33 Martin von Wagner Museum H 4698 et H 4701 : Fr. Villard, Grèce classique (1969), p. 309-310, fig. 360 ; Taplin 2007, avec bibliographie.
34 M. Denoyelle et al. (éds), La céramique apulienne. Bilan et perspectives, Table ronde, Naples (30 novembre-2 décembre 2000) (2005) ; M. Denoyelle, M. Iozzo, La céramique grecque d’Italie méridionale et de Sicile (2009) et les contributions dans J. de La Genière (éd.), Le cratère à volutes. Destination d’un vase de prestige entre Grecs et non-Grecs, Cahiers du CVA, France 2 (2014), avec bibliographie.
35 P. Moreno, Pittura Greca. Da Polignoto a Apelle (1987), p. 169-198.
36 Tarente, Museo Archeologico Nazionale (inv. 51580) : S. Fozzer, « La ceramica sovraddipinta e la documentazione della necropoli di Taranto », dans E. Lippolis (éd.), Catalogo del Museo Archeologico Nazionale di Taranto III, 1. Taranto la necropoli : aspetti e problemi della documentazione archeologica dal VII al I sec. A.C. (1994), p. 325-335, pl. XXIII ; A. D’Amicis, « La ceramica policroma : Taranto », dans E. Lippolis (éd.), Arte e artigianato in Magna Grecia, Exposition Tarente 1996 (1996), p. 433-445, fig. p. 426-427, cat. 368. Voir également : J. R. Green, « Some Gnathia Pottery in the J. Paul Getty Museum », dans Greek Vases in the J. Paul Getty Museum (1986), p. 116-138 ; id., « Gnathia and Other Overpainted Wares of Italy and Sicily : A Survey », dans É. Geny (éd.), Céramiques hellénistiques et romaines III (2001), p. 57-103 ; A. D’Amicis, « Ceramica apula a figure rosse e sovraddipinta : rapporto di produzione e cronologia », dans M. Denoyelle et al. (n. 34), p. 163-172 ; M. Denoyelle, M. Iozzo (n. 34), p. 207-212.
37 A. Cambitoglou, J. Chamay, Céramique de Grande Grèce. La collection de fragments Herbert A. Cahn, Hellas et Rome VIII (1997), p. 102-104, n° 38, fig. couleur p. 103.
38 Aellen 1994, p. 83-84 ; Chr. Aellen soulignait lui-même (p. 141) qu’il serait « urgent de faire une recherche exhaustive sur tous les phénomènes lumineux qui apparaissent dans l’art vasculaire italiote, recherche qui permettrait certainement de mieux comprendre le symbolisme de cette céramique funéraire ».
39 Pline l’Ancien, Histoire naturelle XXXV 92 (trad. A. Reinach [n. 31], n° 456) : Digiti eminere uidentur et fulmen extra tabulam esse (« les doigts y semblent être en saillie et le foudre sortir du tableau ») ; la suite du passage joue sur l’opposition entre les couleurs « pauvres » du peintre « tétrachromatiste » et la rémunération du chef-d’œuvre en pièces d’or « non pas comptées, mais alignées sur la mesure du tableau ». Voir aussi Plutarque, Vie d’Alexandre 4.
40 Pline l’Ancien, Histoire naturelle XXXV 96 (trad. A. Reinach [n. 31], n° 455) : Pinxit et quae pingi non possunt, tonitrua, fulgetra, fulguraque ; Bronten, Astrapen, Ceraunobolian appellant. A. Reinach (p. 345, n. 2) évoque le tableau décrit par Philostrate, Imagines I 14 (Sémélé) où figurent Bronté et Astrapé. C’est au cours d’un orage, déclenché par Athéna, qu’Ajax est foudroyé : Odyssée IV 499-500 ; Virgile, Énéide I 43-44. Sur la différence entre l’éclair (qui est positif) et la foudre punitive, Aellen 1994, p. 125-127.
41 Le sculpteur Lysippe aurait reproché à Apelle cette innovation en l’opposant à son propre chef-d’œuvre où il avait maintenu l’attribut de la lance, « dont le temps ne saurait enlever la gloire qui est bien réelle et personnelle » : Plutarque, De Iside et Osiride 24 ; Ad principem ineruditum 3 ; De Alexandri fortuna II 2.
42 Virgile, Énéide VI 585-595.
43 M. Andronikos, Vergina II. The Tomb of Persephone (1994), p. 49-54, 100-101, pl. V, fig. 13 et 15. M. Andronikos mentionne aussi le parallèle avec la céramique italiote.
44 Tarente, Musée archéologique national, inv. 4600 (vers 400 av. J.-C.) : RVAp I, 2/11, p. 36 ; Taplin 2007, p. 171, n° 57 ; A. D. Trendall, LIMC I, 1 (1981), s.v. « Alkmene », p. 552-556 ; P. Linant De Bellefonds, LIMC Suppl. (2009), p. 45-46. À Lipari, Alcmène est figurée sur le bûcher mais sans représentation de l’éclair : L. Bernabò Brea, M. Cavalier, La ceramica figurata della Sicilia e della Magna Grecia nella Lipàra del IV sec. A.C. (1997), fig. 46, p. 52-54.
45 Londres, British Museum, F. 149 : A. D. Trendall, Paestan Pottery (1936), p. 56-58, pl. XV ; id., The Red Figured Vases of Paestum (1987), p. 139, 2/239, pl. 88.
46 Cette identification est préférable à celle des Hyades : Aellen 1994, p. 141. Plaute, Rudens 86, témoigne de la célébrité de cet orage dans la pièce perdue d’Euripide, Alcmène.
47 Ainsi Virgile à propos de Salmonée (Énéide VI 592-593) : At pater omnipotens densa inter nubila telum / contorsit, non ille faces nec fumea taedis / lumina (« Mais le père tout puissant du sein des épaisses nuées, lança un trait – non pas une torche certes ni les fumeux éclats d’un brandon », trad. J. Perret, CUF).
48 Héraclès est une figure paradigmatique pour la représentation des processus d’héroïsation : Fr. Lissarrague, « Présence de l’invisible : deux images du Peintre de Cadmos », dans S. Estienne et al. (éds), Image et religion dans l’Antiquité gréco-romaine, Actes du colloque de Rome (11-13 décembre 2003) (2008), p. 19-24. Le cratère de Tarente (inv. 4600) provient d’une sépulture à incinération : E. Lippolis (n. 36), p. 374, cat. 352.
49 Aristote, Meteorologica 371b25-372a10, souligne que les trois couleurs principales de l’arc-en-ciel (rouge, violet et vert) sont d’une nature telle « que les peintres ne savent pas les reproduire ».
50 On relève un autre exemple de l’arc-en-ciel sur une amphore campanienne (Londres, British Museum, F. 193, provenant de Capoue, Peintre du Louvre K 491, groupe du Peintre de Cassandre), A. D. Trendall, The Red-Figured Vases of Lucania, Campania and Sicily (1967), 231/36, pl. 90, 7.
51 Le paradoxe de la jonction de l’eau et du feu ouvre encore les Imagines de Philostrate de Lemnos, comme une sphragis de son origine (le feu lemnien) mais aussi comme l’expression des limites de la figuration en peinture. Ce serait sans doute surévaluer l’interprétation de l’image que de voir dans le miroir tenu par Éos autre chose que le signe des grâces de l’aurore qui marque la venue au monde du fils de Zeus, peut-être sur le modèle de l’Aurore latine, Mater Matuta.
52 Boston 1989.100 : RVAp Suppl. II, p. 151, 18/65b, pl. 37-3 ; Taplin 2007, p. 172-174, n° 58 ; P. Linant de Bellefonds (n. 44), p. 45.
53 On trouve deux types de nimbes dans la céramique italiote : le petit qui entoure seulement la tête et souligne le statut particulier voire divin de la figure, et le grand nimbe, signe de l’épiphanie : Aellen 1994, p. 83-84.
54 Chr. Aellen, A. Cambitoglou, J. Chamay, Le Peintre de Darius et son milieu. Vases grecs d’Italie méridionale (1986), p. 124-136 ; RVAp Suppl. II, p. 149, 18/56a.
55 Voir le succès de la statue de Léocharès figurant l’enlèvement de Ganymède par Zeus (Pline l’Ancien, Histoire naturelle XXXIV 79) et l’usage d’une telle représentation dans l’art funéraire en Apulie, par exemple dans l’hypogée de Ganymède à Arpi : M. Mazzei, Arpi. L’ipogeo della Medusa e la necropoli (1995), p. 131-142, fig. p. 138.
56 Sur la façade de la tombe d’Aghios Athanasios, près de Thessalonique, on observe un procédé d’association similaire entre les sarisses des deux gardiens et les épisèmes des boucliers suspendus au-dessus d’eux, notamment pour celui de droite, orné du foudre : M. Tsimbidou-Avloniti, Μακεδονικοί τάφοι στον Φοίνικα και στον Άγιο Αθανάσιο Θεσσαλονίκες (2005), pl. 36-37, 40-41 ; H. Brecoulaki, La peinture funéraire de Macédoine. Emplois et fonctions de la couleur (ive-iie s. av. J -C.) (2006), p. 287-292.
57 Loutrophore attribuée au Peintre du Louvre MNB 1148, conservée au J. Paul Getty Museum (Malibu, 86 AE 680) figurant l’union de Zeus et de Léda : RVAp. Suppl. II, p. 180, 20/278.2, pl. XLVII, 2 ; Taplin 2007, p. 229, n° 89 ; W. Felten, LIMC Suppl. (2009), s.v. « Zeus », p. 518, add. 103.
58 Diogène Laërce, 5, 7 et Athénée, XV 696b ; C. Pouzadoux, Éloge d’un prince daunien, Mythe et Image en Italie méridionale au ive s. av. J.-C. (2013), p. 181.
59 A. D’Amicis (n. 36), p. 163-172 ainsi que les références de la n. 37.
60 A. Pontrandolfo et al., « Semata e naiskoi nella ceramica italiota », dans La Parola, l’Immagine, la Tomba, AION, ArchStAnt. X (1988), p. 181-202.
61 A. Rouveret (n. 9), p. 57-59.
62 Philèbe 64b (trad. A. Diès) : ... κόσμος τις ἀσώματος ἄρξων καλῶς ἐμψύχου σώματος...
63 Allard Pierson Museum (2579) : RVAp I, 2/2, pl. 9, 2 ; Fr. Villard (n. 33), p. 309, fig. 361. Encadrée par les deux battants de la porte largement ouverts, la statue colossale du dieu, l’arc dans la main gauche et la patère posée dans la main droite, est figurée dans l’éclat doré du métal, grâce au travail des ombres et des lumières appliqué à la couleur jaune superposée, suivant une technique attestée dans la céramique attique de la fin du ve s. av. J.-C., en particulier sur le cratère éponyme du Peintre de Talos.
64 RVAp I, p. 167, 7/13 (Museo Archeologico Nazionale de Naples, inv. 82 270 [H. 3249]), provenant de Ruvo ; Aellen 1994, p. 24, 34 et 81. Voir aussi le cratère conservé à Saint-Petersbourg (musée de l’Ermitage, B 1743 [St 349], Peintre de Konnakis) : Taplin 2007, p. 64, n° 9. Une trace de ces recherches sur la création paradoxale de figures à partir du noir est présente dans la notice sur le tableau de Pausias figurant le sacrifice des bœufs, exposé à Rome dans le portique de Pompée : Pline l’Ancien, Histoire naturelle XXXV 127. Les prolongements de ces recherches dans l’art décoratif hellénistique et romain, sous forme de frises ou de panneaux sur fond noir, sont bien attestés de Délos à Pompéi.
65 Voir le fragment éponyme conservé à Amsterdam : RVAp I, 7/7, pl. 53, 3 (Amsterdam 3525 A).
66 L. Giuliani, « Contenuto narrativo e significato allegorico nell’iconografia della ceramica apula », dans Fr. de Angelis, S. Muth, Im Spiegel des Mythos. Bilderwelt und Lebenswelt, Palilia 6 (1999), p. 43-51 ; M. Schmidt, LIMC VI, 1 (1992), s.v. « Niobe », p. 908-914 : voir en particulier l’amphore du Peintre Varrese conservée à Bonn (Akademisches Kunstmuseum 99 ; RVAp I, p. 338, 13/3) ; la loutrophore du Peintre du Louvre MNB 1148, conservée à Malibu (J. Paul Getty Museum, 82 AE 16), A. D. Trendall, Red Figure Vases of South Italy and Sicily (1989), p. 85-86, fig. 183 ; M. Denoyelle, M. Iozzo (n. 34), p. 145, fig. 212 et l’hydrie du Peintre de Darius conservée à Genève (HR 282bis) ; Chr. Aellen, A. Cambitoglou, J. Chamay (n. 54), p. 150-57 ; RVAp Suppl. II, 18/63e ; Taplin 2007, p. 76, n° 16.
67 Une telle enquête dépasse de loin le cadre de cette étude. On signalera simplement le cas intéressant d’une amphore panathénaïque attribuée au Peintre de Talos, découverte à Tarente, figurant d’un côté, l’apothéose d’Héraclès montant vers l’Olympe sur son quadrige et, de l’autre, un édifice en trois dimensions devant lequel Héraclès est assis, face à Athéna, et sur lequel repose un plateau d’offrandes : Tarente, Museo Archeologico Nazionale, inv. 143544 : A. D’Amicis, « L’apotesi di Eracle », dans Catalogo del Museo Archeologico di Taranto I, 3. Atleti e guerrieri. Tradizioni aristocratiche a Taranto tra VI e V sec. a. C. (1997), p. 123-136.
68 L. Bacchielli, « ‘Unità di luogo’ fra architettura e megalografie nella facciata della grande tomba di Leukadià », Rend. Lincei 38 (1983), p. 13-38 repris dans Parole d’Oltremare (2002), p. 283-312.
69 A. Kottaridou, « Couleur et signification : l’usage de la couleur dans la tombe de la reine Eurydice », dans A.-M. Guimier-Sorbets, M. B. Hatzopoulos, Y. Morizot (éds), Rois, Cités, Nécropoles : institutions, rites et monuments en Macédoine, Actes des colloques de Nanterre 2002 et Athènes 2004, Mélétémata 45 (2006), p. 155-168 ; ead., « L’épiphanie des dieux des Enfers dans la nécropole royale d’Aigai », dans S. Descamps-Lequime (n. 3), p. 27-46.
70 Musée d’Art et d’Histoire de Genève, HR 29 : Chr. Aellen, A. Cambitoglou, J. Chamay (n. 54), p. 264-269, pl. couleur p. 28 ; A. D. Trendall (n. 45), p. 57, 2/1, pl. 15.
71 Ce procédé est analysé par L. Haumesser, Le décor funéraire étrusque à l’époque hellénistique : images eschatologiques et imaginaire de l’au-delà, Thèse de doctorat, université Paris-X Nanterre (2006), p. 366-373. Voir par exemple le sarcophage sculpté de la tombe des Inscriptions de Vulci (A.M. Sgubini Moretti, Vulci e il suo territorio [1993], p. 95-96, fig. 97-99 ; O. J. Brendel, Etruscan Art [1978], p. 384) ou l’Amazonomachie peinte sur le Sarcophage du Prêtre, provenant de la tombe des Partunu, à Tarquinia (H. Blanck, « Die Malereien des sogenannten Priester-Sarkophages in Tarquinia », dans Miscellanea archeologica Tobias Dohrn dedicata, Archaeologica 26 [1982], p. 11-28, pl. 1-12 ; id. « Le pitture del “Sarcofago del Sacerdote” nel Museo nazionale di Tarquinia », dans Ricerche di Pittura Ellenistica [1985], p. 79-84).
72 M. Torelli, « Ideologia e rappresentazione nelle Tombe tarquiniesi dell’Orco I e II », dans Ricerche di Pittura Ellenistica (1985), p. 7-17 ; id., « Linguaggio ellenistico e linguaggio “nazionale” nella pittura ellenistica etrusca », dans Pittura ellenistica in Etruria, Atti del convegno, Perugia (17-18.3.2006), Ostraka 16-1 (2007), p. 149-170 ; M. Cristofani, « Pittura funeraria e celebrazione della morte. Il caso della Tomba dell’Orco », dans M. Bonghi Jovino, C. Chiaramonte-Tréré (éds), Tarquinia : ricerche, scavi e prospettive, Atti Conv. Milano (1986) (1988), p. 191-202 ; M. Morandi, G. Colonna, « La gens titolare della tomba tarquiniese dell’Orco », SE 61 (1995), p. 95-102 ; Fr. Roncalli, « Iconographie funéraire et topographie de l’au-delà en Étrurie », dans Fr. Gaultier, D. Briquel, Les Étrusques, les plus religieux des hommes (1997), p. 37-54 ; St. Steingräber, Les fresques étrusques (2006), p. 188-189 ; ainsi que A. Rouveret, « Etruscan and Italic Tomb Painting : c. 400-200 B.C. », dans J. J. Pollitt (n. 1), p. 242-245.
73 G. Colonna, « Note di lessico etrusco », SE 48 (1980), p. 174-179.
74 M. Harari, LIMC VIII, 1 (1997), s.v. « Turms », p. 106, n° 103.
75 J. D. Beazley, Etruscan Vase Painting (1947), p. 9, 136-137, pl. 31, 2.
76 Munich 3296 attribué au Peintre des Enfers : RVAp I, p. 533, 18/283, pl. 195. Sur l’autre cratère du Peintre des Enfers (Munich 3297) placé dans la même tombe, figurant les Enfers : RVAp I, 18/282, pl. 194.
77 Plusieurs traits relient l’hypogée de Canosa et la tombe étrusque de l’Ogre. Le choix de groupes semblables, dans les scènes figurant les Enfers, par exemple le couple de Thésée et de Pirithoüs, semble indiquer l’existence d’un stock d’images et de thèmes-clés, fonctionnant sur le modèle des exemples rhétoriques, qui circulent de l’Apulie vers l’Étrurie par l’intermédiaire des milieux indigènes fortement hellénisés. Dans la céramique italiote, l’élément organisateur de la scène est l’édifice en trompe-l’œil qui figure le palais d’Hadès et de Perséphone. Ces représentations ont donné lieu à de nombreuses exégèses depuis le xixe s. On se reportera aux études de J.-M. Moret, « Les départs des Enfers dans l’imagerie apulienne », RA 1993-2, p. 293-351 ; M. Schmidt, « Aufbruch oder Verharren in der Unterwelt ? Nochmals zu den apulischen Vasenbildern mit Darstellungen des Hades », Antike Kunst 43 (2000), p. 86-101, avec bibliographie ; voir aussi C. Pouzadoux, LIMC Suppl. (2009), s.v. « Hadès », p. 234-236.
78 En particulier : « De la présentification de l’invisible à l’imitation de l’apparence », dans Image et Signification (1983), p. 25-37, repris dans Mythe et Pensée chez les Grecs3 (1996), p. 339-349 ; et « Naissance d’images », dans Religions, histoires, raisons (1979), p. 105-137 ; on se reportera également aux études publiées dans la première section « Montrer l’invisible » des actes du colloque Image et religion (n. 48), p. 15-85. Pour l’histoire du mot, voir S. Saïd (n. 15).
79 Contra M. Torelli (n. 72).
80 Odyssée XI 23-36 et pour la peinture de Polygnote à Delphes : Pausanias, X 29, 1. Voir aussi le sarcophage volsinien de Torre San Severo : F.-H. Pairault Massa, Iconologia e politica nell’Italia antica. Roma, Lazio, Etruria dal VII al I secolo a.C. (1992), p. 126-130, fig. 111.
81 A. E. Feruglio et al., Pittura Etrusca a Orvieto. Le tombe di Settecamini e degli Hescanas a un secolo dalla scoperta. Documenti e materiali (1982) ; F.-H. Pairault Massa, « Problemi di lettura della pittura funeraria di Orvieto », dans Ricerche di Pittura Ellenistica (1985), p. 19-42 ; St. Steingräber (n. 72), p. 211-214, fig. p. 225-227.
82 L’épisode est placé dans la niche du fond de la partie droite de la deuxième chambre, qui sera ensuite réaménagée par le percement du corridor reliant les deux tombes. Ce motif est souvent considéré comme postérieur à l’évocation des Enfers, voir cependant les remarques de M. Morandi, G. Colonna (n. 72), p. 100.
83 Odyssée XI 387-466.
84 Odyssée XI 543-564.
85 Odyssée X 493-495.
86 Voir la description d’Achille, Odyssée XI 475-76.
87 On pourrait rapprocher ce procédé de la femme cernée de noir peinte sur l’avant-dernière métope de la tombe de la Balançoire de Cyrène, conservée au musée du Louvre (Ma 4909) qui pourrait représenter une apparition de Déméter : A. Rouveret, Ph. Walter, Peintures grecques antiques. La collection hellénistique du musée du Louvre (2004), p. 103-109 et cat. p. 123-124. Le contraste est total entre la tête d’Eita dont l’invisibilité est marquée par sa coiffure en forme de tête de loup (transcription de l���῎Αϊδος κυνῆ) tandis qu’à Vergina, dans la tombe de Perséphone, à peu près contemporaine, les touches de couleurs non mélangées soulignent l’inquiétante étrangeté du visage sans regard du dieu de l’invisible.
88 Poétique 1456a et 1453b9.
89 Démosthène, Contre Aristogiton 52 ; Plaute, Captifs 998-1000.
90 A. Rouveret, « Figurer le corps ennemi : quelques remarques sur le thème du sacrifice des prisonniers troyens dans l’art funéraire étrusque et italique au ive siècle av. J.-C. », dans Chr. Müller, Fr. Prost (éds), Identités et cultures dans le Monde méditerranéen antique (2002), p. 345-366. À côté des exemples italiotes brièvement évoqués, on rappellera que dans la Nekuia de Polygnote figurait le démon Eurynomos aux chairs bleues et au bec d’oiseau de proie (Pausanias, X 28, 7). Plutarque choisit la Lesché de Delphes comme cadre de son traité Sur la disparition des oracles, un traité dans lequel il est aussi débattu de l’existence et de la fonction des démons dans la divination.
91 F.-H. Pairault Massa (n. 80), p. 118.
92 I. Baldassarre, « Documenti di Pittura Ellenistica da Napoli », dans L’Italie méridionale et les premières expériences de la peinture hellénistique (1998), p. 95-160, pour le détail de la coupe p. 138 et pl. 5.1, et pour la Gorgone p. 140-141 et pl. 4.1 ; V. Valerio, « Observations sur le décor peint de la tombe C du complexe monumental des Cristallini, Naples », dans S. Descamps-Lequime (n. 3), p. 149-162, en particulier p. 159 sqq.
Auteur
UMR 7041 du CNRS, ArScAn, université Paris Nanterre, France.
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