Larcy Charles Paulin Roger de 1805-1882
p. 373-376
Texte intégral
1Charles Paulin Roger Saubert de Larcy né au Vigan (Gard) le 2 fructidor an XIII (20 août 1805) appartenait à une famille que son cheminement avait conduit de la marchandise à la robe puis à la carrière militaire. Son arrière-grand-père, Jacques Saubert d’abord marchand au Vigan, devint conseiller à la cour des comptes de Montpellier. Son grand-père, Louis Saubert fut capitaine au régiment de la Marche avant de reprendre la charge paternelle. Son père, Anne François Louis (1765-1828), propriétaire dans la région du Vigan, servit au régiment d’Ile-de-France puis dans l’armée des émigrés. A son retour, il occupa les fonctions de conseiller municipal, puis de maire du Vigan (1812) avant d’être nommé sous-préfet de l’arrondissement le 3 juillet 1815 (il le restera jusqu’en 1818) et d’obtenir le titre de baron héréditaire (1820).
2Roger de Larcy qui hérita du titre de baron en 1828, fit ses études au collège Henri IV à Paris, puis à l’École de droit où il accéda au titre de bachelier en droit (1825) puis de licencié (1826). Il devint avocat en 1826, entra ensuite dans la magistrature comme auditeur au tribunal de Privas en avril 1827, puis substitut au procureur du roi à Alès en janvier 1829. La chute de Charles X interrompit cette carrière. Larcy refusa le serment au nouveau pouvoir. Mais il se lança dans la vie politique car il récusait l’abstention. Membre influent du Cercle de l’Évêché à Alès, il fut élu conseiller municipal en novembre 1831, puis en 1833 conseiller général d’Alès, fonction qu’il conserva jusqu’en 1845, puis de 1846 à 1852. Dans l’Hérault où il était propriétaire du domaine du Colombier près de Marsillargues et où il s’était fait connaître en soutenant les exilés polonais après la révolte de 1831, il fut, en 1837, candidat sans succès à la députation dans le collège de Montpellier (extra-muros), puis l’emporta dans le même collège en 1839 grâce à l’appui du clergé, succès qui fut confirmé en 1842. Fidèle au comte de Chambord, il fit en décembre 1843 avec quatre autres députés légitimistes une visite à Belgrave Square et fut à ce titre "flétri" comme ses collègues par la majorité de la Chambre le 29 janvier 1844. Démissionnaire, il fut réélu sans difficulté la même année, mais en 1846, l’administration réussit à le faire battre, ce qui provoqua quelques incidents à Montpellier. A la Chambre il intervint à plusieurs reprises, notamment pour appuyer la construction du chemin de fer de Montpellier à Nîmes (1840), pour défendre la viticulture héraultaise alors en difficulté (1842), pour demander l’établissement d’un suffrage à deux degrés qui aurait permis l’abaissement du cens (1842 et 1844). Jeune, séduisant, très actif, il était donc devenu une personnalité en vue du parti légitimiste et un leader populaire. Il avait épousé le 9 juillet 1833 la fille d’un propriétaire alésien, Marie Antoinette Adèle Pouget-Reynaud qui lui avait apporté 200 000 francs de dot. Deux filles Valentine et Alice naquirent de ce mariage. En 1833, Roger de Larcy acquit le domaine de La Tour à Saint-Chaptes (Gard) qui devint le siège de la famille.
3La révolution de 1848 relança la carrière politique de Roger de Larcy, car le suffrage universel permettait désormais aux légitimistes languedociens de profiter de leur supériorité numérique. Larcy fut élu représentant du Gard et de l’Hérault le 23 avril 1848 et opta pour le Gard. Il soutint Louis-Napoléon Bonaparte lors de l’élection à la présidence, et fut facilement réélu le 13 mai 1849. Personnalité brillante, orateur apprécié, il devint également président du conseil général du Gard. A l’Assemblée nationale, Larcy appuya les mesures conservatrices (loi Falloux, expédition de Rome, loi du 31 mai 1850 – cette dernière avec quelques réserves). Sous son impulsion, le conseil général du Gard se prononça en septembre 1850 en faveur d’une révision de la constitution dans le respect des formes légales, ce qui impliquait que la seule révision possible devait avoir pour effet la restauration monarchique. Ce vœu fut renouvelé en septembre 1851. Lors du coup d’État de décembre 1851, Larcy fit partie des députés qui se réunirent à la mairie du Xème arrondissement le 2 décembre, proclamèrent la déchéance de Louis-Napoléon Bonaparte et furent emmenés par la troupe à la caserne d’Orsay, puis à Vincennes. Ayant refusé de prêter le serment exigé par la constitution de 1852, Larcy perdit aussi son siège de conseiller général et rentra momentanément dans la vie privée. Il se consacra alors à des études historico-politiques, portant sur l’Ancien Régime et les premières années de la Révolution, il publia notamment en 1860 Des vicissitudes de la France. Il y regrettait que la monarchie après s’être imposée au détriment de la classe nobiliaire n’ait pas su préparer l’avènement d’un ordre social nouveau en ouvrant la noblesse à l’exemple de l’Angleterre et en l’associant au gouvernement de l’État. Ces publications lui valurent d’entrer à l’Académie du Gard en février 1867.
4Il ne renonçait pas cependant à toute activité politique. En 1864, il se présenta à une élection législative partielle dans la troisième circonscription du Gard (Alès) mais fut battu par le candidat du gouvernement, Fabre. Il se représenta dans la même circonscription, toujours à l’occasion d’une partielle en août 1868, comme "catholique libéral" et arriva en seconde position assez loin derrière le candidat officiel, Ernest Dumas, fils du célèbre chimiste. En 1869, il fut candidat dans la première circonscription de l’Hérault (Montpellier) mais fut devancé par Ernest Picard au profit de qui il se retira au second tour. Il fonda enfin en mai 1870 une Ligue de la décentralisation qui réclamait "l’émancipation de la commune et du département, le libre développement des initiatives et responsabilités locales par l’action du suffrage universel et sous son contrôle".
5La chute de l’Empire lui permit de revenir à l’Assemblée nationale. Le 8 février 1871, il fut en effet élu dans le Gard en 8ème position sur 9 sièges à pourvoir, puis rentra en octobre 1871 au conseil général du Gard comme représentant du 3ème canton de Nîmes, fief traditionnel des légitimistes. Dès le 19 février également, il fit partie en tant que ministre des Travaux publics du cabinet formé par Thiers. A ce titre, il fit voter des crédits pour l’étude du projet Dumont de canaux dérivés du Rhône. Désapprouvant toute tentative de consolider les institutions républicaines, il menaça de démissionner après le vote de la loi Rivet et finit par quitter le gouvernement le 30 novembre 1872. Il fut alors membre de la réunion des réservoirs, présida jusqu’à l’été 1874 la commission des Trente. Il rentra au gouvernement avec la même fonction ministérielle dans le cabinet Broglie du 26 novembre 1873 au 21 mai 1874. Défendant toujours avec intransigeance les intérêts royalistes, il vota contre les lois constitutionnelles de 1875. Après la séparation de l’Assemblée nationale, ayant échoué aux élections sénatoriales, il n’occupa plus de mandat jusqu’à son élection comme sénateur inamovible en remplacement du marquis de Franclieu le 4 décembre 1877. Il accéda plus tard à la vice-présidence du Sénat en janvier 1881. Dans ses moments de moindre activité politique, Larcy continua ses études historiques, écrivit pour le Correspondant entre 1867 et 1876 plusieurs articles traitant des moments cruciaux de l’histoire du mouvement royaliste pendant la Révolution (le 13 vendémiaire, le 18 fructidor) ainsi qu’une intéressante histoire de la Restauration (1877-1878). Ses dernières années furent endeuillées par la mort de sa fille, Madame de Roux-Larcy, et de son petit-fils, victime de la typhoïde.
6Roger de Larcy mourut à Pierrelatte (Drôme) alors qu’il était en visite chez un ami le 8 novembre 1882. Sa disparition provoqua dans la région et bien au delà une vive émotion. Sa personnalité très séduisante, tant du fait de sa beauté physique que de ses qualités intellectuelles et humaines, l’identifiait comme on l’a écrit au "type du chevalier français avec l’exquise courtoisie, la grâce, l’esprit et la pointe de galanterie d’un autre âge” (La France nouvelle, 9 novembre 1882). Bien qu’elle fût un peu anachronique, sa fidélité royaliste, absolument sans faille, lui avait valu d’autre part le respect non seulement de ses amis, mais aussi de ses adversaires politiques.
Écrits de l’intéressé :
7Outre plusieurs articles dans le Correspondant, on retiendra La Révolution et la France en 1831, Paris, Sté pour la publication des brochures, 1831, 32 p., rééd. Alès, 1831, 43 p. ; Des vicissitudes politiques de la France, études historiques, Paris, Amyot, 1860, 527 p. ; Congrès scientifique de France 33ème session tenue à Aix-en-Provence. Discours prononcé par M. de Larcy, Marseille, imp. Vve Molive, 1867, 32 p. ; Maximes et pensées choisies du Comte de Nugent précédées d’une notice biographique par M. le baron de Larcy, sénateur, Paris, P. Wattelier, 1882, 315 p.
Bibliographie
Sources et bibliographie :
A.D. Gard 1 Mi 161, R 3 à 28. dossiers personnels très complets sur la carrière de Larcy et abondante correspondance non encore exploitée ; A. N. BB 30 1692 à 94 élections départementales 1865 ;
"Notice biographique sur M. le baron de Larcy", Revue générale biographique et littéraire publiée sous la dir. de E. Pascalet, Paris, 1846, 8 p. ; Annuaire du Gard, 1865, p. 115 ; A la mort de R. de Larcy de très nombreux journaux ont publié une notice nécrologique ; Dictionnaire biographique départemental du Gard, Paris, Flammarion 1905, p. 375 ; chanoine Marcel Bruyere, Alès capitale des Cévennes. Vie politique religieuse, intellectuelle, économique et sociale, Nîmes, chez l’auteur, 1948, 808 p. ; B. Fitzpatr1ck, Catholic Royalism in the department of Gard 1814-52, Cambridge, Cambridge university Press, 1983, 216 p. ; Françoise Odon de Bearn, La vie sociale et politique à Lunel de 1815 à 1851, Université de Montpellier, maîtrise, 1993, dir. R. Huard.
Auteur
Professeur émérite. Université de Montpellier III
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