Lemoinne John Marguerite Émile 1815-1892
p. 390-392
Texte intégral
1 John Marguerite Émile Lemoinne naquit à Londres le 17 octobre 1815, d’un père français, Pierre Louis Lemoinne, et d’une mère anglaise, Catherine Hayes. Après des études effectuées dans des établissements privés en Grande-Bretagne, et, en France, au collège Stanislas, il embrassa une carrière d’homme de lettres. Il fut-un temps attaché au ministère des Affaires étrangères. En février 1846, il fut élevé au grade de chevalier de la Légion d’honneur. Sous le patronage de Guizot, protestant comme lui, il fut chargé de la correspondance anglaise au Journal des Débats, où il publia de nombreux articles sur la politique étrangère et la vie britanniques, et dont il devint le rédacteur en chef. Il collabora de plus à la Revue des Deux Mondes de 1842 à 1856. Il fut également associé, en tant que secrétaire, à plusieurs entreprises des Rothschild, dont le chemin de fer Madrid-Saragosse. Marié à Rose Elina Massel, il eut trois filles, Rose, née en 1860, Catherine, en 1862 et Marie, en 1864.
2Durant les premières années de la Troisième République, les prises de position de son journal – qui soutint en février 1871 une liste libérale et républicaine dans le département de la Seine, où John Lemoinne figurait en bonne place – furent souvent très nuancées. Lui-même, ami de Thiers et de Léon Say, inclinait vers une République modérée. En juin 1872, il condamna la manifestation de ceux qu’il appelait les "bonnets à poil” – se référant aux grenadiers de la Garde nationale qui avaient voulu conserver leur couvre-chef après la révolution de 1848 – leaders parlementaires qui voulaient que Thiers infléchît sa politique dans un sens conservateur. Cette prise de position ne fut d’ailleurs pas étrangère au départ des Débats des orléanistes Saint-Marc Girardin et Eugène Dufeuille. Pourtant, la trajectoire politique de John Lemoinne ne fut pas tout à fait linéaire. En effet, quelques semaines après la chute de Thiers, à partir du 19 août 1873, il se rallia à la tentative de restauration monarchique en faveur du comte de Chambord, pensant que l’introduction d’une monarchie constitutionnelle ne tarderait pas. Il mena à la fin du mois d’octobre une campagne vigoureuse dans ce sens.
3A la suite du nouveau refus du prétendant, à la fin d’octobre, John Lemoinne ne fut pas sans reconnaître l’échec de la tentative et son nom disparut quelques semaines des colonnes des Débats. Il ne renoua avec les articles de politique intérieure qu’en mars 1875. Ce même mois, le 13, il fut élu à sa première tentative à l’Académie française, au fauteuil de Jules Janin et fut reçu le 2 mars 1876 par Cuvillier-Fleury, autre collaborateur des Débats. Toujours dans ce journal, il combattit – de même qu’il avait protesté contre l’Ordre moral, mais avec plus de véhémence – le ministère Broglie-Fourtou, pendant la crise consécutive au 16 mai 1877, critiquant au passage le chef de l’État.
4Après avoir décliné une offre de Gambetta, qui lui proposait en janvier 1879 l’investiture républicaine contre le bonapartiste Godelle, dans le VIIIème arrondissement, il entra tardivement dans le monde parlementaire, à la faveur d’une élection sénatoriale partielle destinée à remplacer Léonce de Lavergne. Son succès très net – son concurrent le mieux placé, le général de Rivière, n’obtint que six voix, et Étienne Vacherot seulement trois, alors que lui-même en recueillit 142 – le 23 février 1880, fut l’œuvre de la gauche du Sénat, la droite s’étant abstenue, ainsi que quelques éléments du Centre gauche. Nommé ministre plénipotentiaire à Bruxelles le 17 avril 1880, il démissionna le 1er mai suivant. Il siégea silencieusement – il s’exprimait surtout par écrit, par exemple en faveur des mesures de laïcisation en 1880 – au Centre gauche, votant pour la loi sur le divorce, contre l’expulsion des princes, pour le scrutin d’arrondissement en février 1889, et il s’abstint à propos de la procédure de Haute Cour dirigée contre Boulanger. Il mourut le 13 décembre 1892, à son domicile, 43, rue Blanche, et eut des obsèques religieuses. Son siège à l’Académie française fut occupé par le critique Ferdinand Brunetière, reçu le 15 février 1894. L’une de ses filles, Rose, épousa en 1895 le peintre Jacques-Émile Blanche, dont elle n’eut pas de postérité. John Lemoinne et ses descendants ont été enterrés au cimetière de Passy.
5Il n’est pas aisé d’apprécier l’influence d’une personnalité dont la présence dans les milieux parlementaires fut limitée. Toutefois, en tant que figure du Journal des Débats, lié au Centre gauche, il tint incontestablement une place importante. Il fut avant tout un journaliste de tradition. Il avait d’ailleurs déclaré dans son discours de réception à l’Académie française : "Plus d’une fois, quand on me suggérait l’ambition de siéger parmi vous, on m’a dit : “Faites donc un livre ! Mon livre, messieurs, je l’ai fait tous les jours pendant trente ans, et je vous remercie de l’avoir découvert. "
Écrits de l’intéressé :
6Pour la plupart, les articles de John Lemoinne n’ont pas été recueillis ; pour ses études parues dans la Revue des Deux Mondes, voir la Table générale 1831-1874, Paris, 1875, p. 84 ; Les Elections en Angleterre, lettres publiées dans le Journal des Débats, Paris, Hetzel, 1841, 176 p. ; Affaires de Rome, Paris, E. Blanchard, 1850, 44 p. ; Etudes critiques et biographiques, Paris, Michel Lévy, 1852, XI-370 p. ; Le Passage du Nord, Strasbourg, Treuttel et Würtz, 1854, 44 p. (extrait du Journal des Débats) ; Nouvelles Etudes critiques et biographiques, Paris, Michel Lévy, 1863, 374 p. ; Discours de réception à l’Académie française de J. Lemoinne. Réponse de M. Cuvillier-Fleury, Paris, Firmin Didot, 1876, 55 p., – Paris, imp. Didier, 1876, 67 p.
Bibliographie
Sources et bibliographie :
Très peu d’éléments de première main, en dehors des documents d’état-civil et de la série des faire-parts (B.N. Ln1 77) ; Archives de l’Institut de France 1G50 ;
Discours de réception de Ferdinand Brunetière – Réponse du comte d’Haussonville, Paris, Calmann-Lévy, 1894, 116 p. ; La Pêche aux souvenirs, ouvrage posthume de Jacques-Emile Blanche, Paris, Flammarion, 1952, 458 p.
Auteur
Professeur. Université de Limoges
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