Théry Antoine Théodore 1807-1896
p. 477-479
Texte intégral
1 Antoine Théodore Théry est né à Lille le 4 mai 1807. Il est issu d’une famille de l’ancienne bourgeoisie lilloise. Son arrière-grand-père, Vincent Falligan (1704-1787), était un négociant aisé qui exerçait la profession de grossier-mercier. Sa fille Pélagie épousa François Théry (1738-1816) qui n’était qu’un modeste apprenti mais devint un notable. Il joua un rôle important sous la Révolution et l’Empire comme conseiller municipal puis maire de Lille en 1799-1800, devenant ensuite conseiller général (1800-1801) et conseiller de préfecture. La grand-mère maternelle d’Antoine Théodore Théry, Michèle Cuvelier, appartenait à la haute bourgeoisie marchande lilloise du XVIIIème siècle. Sa mère, Pélagie Sophie Falligan, petite nièce de Vincent Falligan épousa son cousin Antoine François Théry (1766- 1849) qui fut membre de la Chambre de commerce de Lille. La gestion avisée de ce négociant après les crises commerciales de l’Empire accrut le patrimoine familial. Il était estimé à sa mort en 1849 à 267 000 francs et Antoine Théodore Théry, l’un des trois héritiers, hérite de 78 000 francs.
2Il reçut une éducation soignée tout d’abord à Lille où son père lui fit donner des leçons de rhétorique de 1817 à 1825, éducation rigide aussi. Pendant ses études à la Faculté de droit de Paris (1826-1829), il est placé dans un pensionnat. A l’issue de ces dernières, il est reçu avocat stagiaire à Lille puis inscrit au barreau (1832). Il acquiert une notoriété incontestable et exerce ensuite à plusieurs reprises la fonction de bâtonnier. Le 4 juin 1832, il épouse lui aussi une cousine en la personne de Caroline Joseph Leclercq, arrière-petite-fille de Vincent Falligan. Les Leclercq appartenaient au monde du négoce et de l’industrie et s’étaient spécialisés dans le commerce des toiles et du sarrau. Sa femme lui donna quatre enfants.
3L’engagement politique d’Antoine Théodore Théry fut progressif. Il semble s’être accommodé comme son père du régime de la Monarchie de Juillet. La radicalisation de ses opinions est imputable à la révolution de 1848 et à l’ébranlement politique et social qui s’ensuit. Elle le rejette désormais dans le camp des légitimistes absolutistes. Il approuve le coup d’État du 2 décembre comme acte salvateur et il est élu en 1852 conseiller municipal de Lille. Président du conseil de fabrique de la paroisse Saint-André, il a reçu de son père l’empreinte du catholicisme social et il se préoccupe de la misère ouvrière à Lille et de l’insalubrité des logements. Membre de la commission municipale d’agrandissement de Lille en 1858 et plus particulièrement chargé des problèmes juridiques posés par les expropriations, il proteste contre l’oubli des ouvriers de Saint-Sauveur dans les plans d’urbanisme. Victime malgré tout de la poussée libérale de 1860, il est éliminé du conseil municipal, mais le préfet Vallon qui partage ses opinions en matière de catholicisme social le nomme juge de paix suppléant le 7 juillet 1’861 (alors que les magistrats ne l’avaient proposé qu’en second rang).
4A la fin de l’Empire, Antoine Théry attire l’attention sur lui lors des élections de 1869. Il est condamné à six mois de prison pour propos séditieux et finalement gracié le 15 août tout en étant jugé responsable des désordres qui eurent lieu à Lille à la suite des élections.
5La révolution du 4 septembre 1870 lui ouvre paradoxalement la carrière politique. Le 30 octobre 1870, il est nommé juge suppléant au tribunal de Lille. Le 8 février 1871, il est élu député du Nord sur la liste conservatrice, le vingt-troisième sur vingt-huit où il représente avec Pajot l’extrême droite légitimiste. Il siège à la réunion des réservoirs et s’occupe plus particulièrement à l’Assemblée des questions d’affaires. Il est ainsi chargé en 1871 de présenter divers rapports sur les propositions de loi relatives aux poursuites puis saisies immobilières, aux protets de commerce ; aux privilèges des propriétaires en cas de faillite, à la mise en retraite des magistrats. Nommé rapporteur de la proposition de loi de Mortimer-Termaux sur l’obligation pour les journaux de publier un compte rendu sommaire des débats de l’Assemblée, il prend part à la discussion le 21 février 1873 et conclut à son adoption. Se démarquant de nombre de ses collègues légitimistes, il se range auprès de Thiers pour refuser le développement des pouvoirs des conseils généraux, mais il refuse à deux reprises l’impôt sur les matières premières, préférant un relèvement de celui sur le chiffre d’affaires. Il est un des rares membres de la députation du Nord à ne pas voter contre la réduction à trois ans du service militaire et à s’opposer à la libération après six mois de service d’une fraction du contingent soumis au service d’un an, manifestant sa préférence pour un service plus égalitaire. Il est très tôt un adversaire irréductible de Thiers. Membre de la première commission des Trente, il s’oppose à toute discussion de lois constitutionnelles, vote contre la loi du 15 mars 1873. Au lendemain de la chute de Thiers, il est à la pointe du combat des conservateurs du Nord contre le préfet Séguier dont il dénonce les complaisances envers le personnel républicain et obtient son remplacement. Il vote le septennat, mais s’oppose aux projets constitutionnels du ministère Broglie après avoir voté en faveur du rétablissement de la monarchie. Il s’oppose à la création d’une Faculté d’État de médecine à Lille. Bénéficiaire comme Pajot du pacte entre légitimistes et républicains, il est élu sénateur inamovible le 11 décembre 1875 au troisième tour de scrutin par 350 voix, le 28ème des 75. Il combat la législation républicaine au Sénat, prône la désobéissance à la loi Ferry sur l’obligation scolaire. En 1883, après la mort du comte de Chambord, il conteste les droits des Orléans et se rallie à la branche d’Anjou et à Jacques 1er. Il refuse de même le ralliement des catholiques à la République.
6Antoine Théry est décédé à Lille le 28 décembre 1896. Ses fils Gustave (1836-1928), avocat, et Charles, notaire, continuèrent le combat politique et religieux de leur père. Gustave, membre actif des comités catholiques du Nord et du Pas-de-Calais, fit partie de la délégation qui remit au comte de Chambord en 1872 à Anvers le drapeau blanc à fleur de lys. Il adhéra ensuite comme son frère à l’Action française.
Bibliographie
Sources et bibliographie :
A. N. BB 6 II 405 dossier personnel ;
Emmanuel Corfmat, Les desseins d’une famille exaltée : Les Théry, Université de Lille, maîtrise, 1990 ; Pierre Pierrard, La vie ouvrière à Lille sous le second Empire, Paris, Bond et Gay, 1965, 532 p. ; Bernard Ménager, La vie politique dans le département du Nord de 1851 à 1877, Lille, Atelier National de Reproduction des Thèses, 1983, 3 vol.
Auteur
Professeur. Université de Lille III
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