Concours Eurovision de la chanson 1968
Le Concours Eurovision de la chanson 1968 fut la treizième édition du concours. Il se déroula le samedi 6 avril 1968, à Londres, au Royaume-Uni. Il fut remporté par l'Espagne, avec la chanson La, la, la, interprétée par Massiel. Le Royaume-Uni, pays hôte, termina deuxième et la France, troisième[1].
Finale | 6 avril 1968 |
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Lieu |
Royal Albert Hall Londres, Royaume-Uni |
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Présentateur(s) | Katie Boyle |
Directeur musical | Norrie Paramor |
Superviseur exécutif | Clifford Brown |
Télédiffuseur hôte | BBC |
Ouverture | Vues du Royal Albert Hall |
Entracte | Impressions from London |
Nombre de participants | 17 |
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Débuts | Aucun |
Retour | Aucun |
Retrait | Aucun |
- Pays participants
- Pays ayant participé dans le passé
Chanson gagnante |
La, la, la par Massiel Espagne |
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Système de vote | Un jury par pays, composé de 10 membres. Chaque membre attribuait un vote à sa chanson préférée. |
Nul point | Aucun |
Organisation
modifierLe Royaume-Uni, qui avait remporté l'édition 1967, se chargea de l'organisation de l'édition 1968[2].
Pays participants
modifierDix-sept pays participèrent au treizième concours.
Il n'y eut ni abstention, ni retour. Le premier jour des répétitions, des personnes se présentèrent à l'Albert Hall, prétendant être la délégation albanaise. La rumeur circula alors des débuts de l’Albanie. Il s’avéra ensuite qu’il s’agissait d’une plaisanterie, montée par des comédiens[1].
Format
modifierLe concours eut lieu au Royal Albert Hall[2], salle de concert inaugurée en 1871 par la reine Victoria.
Pour la toute première fois, le concours fut filmé et diffusé en couleurs. Mais seuls six pays tirèrent bénéfice de cette innovation technique : l'Allemagne, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. Les autres pays le diffusèrent en noir et blanc[2].
L'orchestre était installé dans une fosse, au pied de la scène. Celle-ci comportait trois podiums distincts, un au centre pour les artistes, un autre à gauche pour les choristes et un dernier à droite pour la présentatrice. Les artistes firent leur entrée par le fond de la scène, en passant au travers d'un agrandissement métallique et doré du logo de l'Eurovision, qui servait d'arrière-fond. Derrière le logo, un écran montrait un portrait des artistes, avant de prendre des teintes bleutées. Le tableau de vote était situé à la droite de la scène. Le tout était entouré de tentures bleu clair.
Le programme dura près d'une heure et trente-sept minutes.
Déroulement
modifierLa vidéo introductive débuta par une vue de la scène, qui allant en s'élargissant, dévoila l'orchestre puis le public. L'orchestre joua alors une reprise de la chanson gagnante de l'année précédente, Puppet on a String.
La présentatrice de la soirée fut à nouveau Katie Boyle[2]. Ce fut la troisième fois qu'elle présenta le concours, après les éditions 1960 et 1963. Elle raconta par la suite, avoir dû prendre sur elle durant toute la cérémonie. Son mariage traversait alors une phase difficile et elle avait tellement pleuré ce jour-là qu’elle dut rester allongée plusieurs heures auparavant avec de pommes de terre crues sur les yeux[3].
L'orchestre était dirigé par Norrie Paramor[2].
Chansons
modifierDix-sept chansons concoururent pour la victoire.
Les bookmakers étaient certains de la victoire du représentant britannique, Cliff Richard, qui avait déjà remporté de nombreux succès auparavant, en musique et au cinéma. Le titre de sa chanson était à l’origine I think I love you, mais fut changé en Congratulations à la dernière minute. Après le concours, ce fut elle qui remporta le plus grand succès commercial[4]. En 2005, lors de l'émission spéciale Congratulations, elle fut élue huitième meilleure chanson jamais présentée au concours[5].
À l'origine, la chanson espagnole devait être interprétée par Joan Manuel Serrat. Mais celui-ci insista pour la chanter en catalan. Or cette langue et son usage étaient réprimés dans l’Espagne franquiste. Les dirigeants de la télévision publique espagnole remplacèrent d’autorité Serrat par Massiel. Cette dernière ne fut prévenue que quelques jours avant le début des répétitions, alors qu’elle était en tournée au Mexique. Elle chanta donc en espagnol, après que La, la, la eut reçu un nouvel arrangement par Bert Kaempfert[4].
Les représentants yougoslaves, Luciano Kapurso et Hamo Hajdarhodžić, faisaient partie du groupe Dubrovački Trubaduri, les troubadours de Dubrovnik. Trois autres membres du groupe les accompagnèrent sur scène comme choristes. Ils interprétèrent tous leur chanson, costumés en troubadours médiévaux[3].
Chefs d'orchestre
modifierEntracte
modifierLe spectacle d'entracte fut une vidéo intitulée Impressions from London[2]. Elle consistait en plusieurs prises de vues touristiques de la capitale britannique, de jour puis de nuit. Apparurent ainsi à l'écran le palais de Westminster, Big Ben, Tower Bridge, la tour de Londres, le palais de Buckingham, Hyde Park, la cathédrale Saint-Paul, l'abbaye de Westminster, Trafalgar Square et Piccadilly Circus. L'accompagnement musical fut joué en direct par l'orchestre.
Coulisses
modifierDès qu’il eut quitté le podium, Cliff Richard, tenaillé par l’angoisse, alla s’enfermer dans les toilettes. Il y resta jusqu’au bout du vote et ce fut donc là que son manager lui apprit sa défaite[6].
Vote
modifierLe vote fut décidé entièrement par un panel de jurys nationaux. Les différents jurys furent contactés par téléphone, selon l'ordre de passage des pays participants.
Le système de vote fut le même que l'année précédente. Les jurys se composaient de dix personnes. Chaque juré attribuait un vote à la chanson qu'il estimait la meilleure. Les votes des jurés étaient ensuite additionnés, chaque jury national attribuant finalement dix votes[2].
Les résultats des votes furent annoncés oralement, selon l'ordre de passage des pays participants.
Le superviseur délégué sur place par l'UER fut Clifford Brown[2]. Il n'intervint qu'une seule fois, à l'issue du vote. Celui-ci vit tout d'abord la France mener en tête, avant d'être dépassée à la mi-temps par le Royaume-Uni, sous les vivats du public. L'Espagne rattrapa progressivement son retard et remporta la victoire, à la suite d'un dénouement surprenant. L’avant-dernier jury, le jury allemand, attribua en effet deux votes au Royaume-Uni et six à l’Espagne. L'Espagne totalisa alors 29 votes et le Royaume-Uni, 28. Mais le dernier jury, le jury yougoslave, n’attribua aucun point à ces deux pays. Il y eut des cris de surprise dans la salle. À cet instant, Clifford Brown pria Katie Boyle de rappeler le jury yougoslave qui avait attribué un vote surnuméraire. Après une communication confuse avec Skopje, les résultats furent validés par le superviseur et l'Espagne proclamée vainqueur.
Résultats
modifierL'Espagne remporta le concours pour la première fois. Seuls dix pays sur dix-sept lui attribuèrent des votes. Le Royaume-Uni, lui, reçut des votes de la part de douze pays[7].
La médaille du grand prix fut remise par Sandie Shaw, la gagnante de l'année précédente. Massiel commença sa reprise par ces mots : « Thank you all the Europe ! Merci beaucoup ! » Elle interpréta ensuite La, la, la en espagnol et en anglais. Sa reprise reçut un accueil réservé du public de l’Albert Hall et certains spectateurs quittèrent la salle avant la fin de la retransmission[8].
Le lendemain, la presse britannique se répandit en récriminations sur les résultats et la défaite du Royaume-Uni. Massiel, quant à elle, retourna en Espagne où elle fut accueillie en héroïne nationale[8].
Pour la première fois depuis 1961, aucun pays ne termina le vote avec « nul point »[7].
Controverse
modifierEn mai 2008, selon un documentaire espagnol intitulé 1968. Yo viví el mayo español, diffusé sur la chaîne La Sexta, le résultat du concours et la victoire de l'Espagne auraient été truqués par le général Franco en personne. Le dictateur aurait envoyé des émissaires officiels de la télévision publique, partout en Europe, pour promettre de l'argent et des contrats en l'échange de votes pour son pays. Cette affirmation se base sur le témoignage de José María Íñigo, employé à l'époque de la TVE[9].
La vainqueur du concours, la chanteuse Massiel, fut offensée par le documentaire. Elle accusa son auteur Montse Fernández Villa et la chaîne La Sexta d'avoir forgé de toutes pièces ces allégations. José María Íñigo finit par s'excuser publiquement, affirmant n'avoir fait que répéter une rumeur répandue à l'époque[10].
Anciens participants
modifierArtiste | Pays | Année(s) précédente(s) |
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Isabelle Aubret | France | 1962 (vainqueur) |
Tableau des votes
modifierTélédiffuseurs
modifierLe concours fut également diffusé en direct dans huit autres pays : l'Allemagne de l'Est, la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Tchécoslovaquie, la Tunisie et l'Union soviétique.
Notes et références
modifier- Kennedy O'Connor 2005, p. 32.
- http://www.eurovision.tv/page/history/by-year/contest?event=285#About the show
- Kennedy O'Connor 2005, p. 33.
- Feddersen et Lyttle 2005, p. 6.
- http://www.eurovision.tv/page/history/congratulations-show
- Kennedy O'Connor 2005, p. 34.
- http://www.eurovision.tv/page/history/by-year/contest?event=285#Scoreboard
- Kennedy O'Connor 2005, p. 35.
- (es) « Massiel sí, Madelman, no : así fue el Mayo del 68 en España », sur Público (consulté le ).
- (es) « Massiel e Iñigo acusan a La Sexta de 'urdir todo para favorecer a Chikilicuatre' », sur El Mundo (consulté le ).
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- (en) John Kennedy O'Connor, The Eurovision Song Contest. 50 Years. The Official History, Londres, Carlton Books Limited, .
- (en) Jan Feddersen et Ivor Lyttle, Congratulations. 50 Years of The Eurovision Song Contest. The Official DVD. 1956-1980, Copenhague, CMC Entertainement, .
- Jean-Pierre Hautier, La folie de l’Eurovision, Bruxelles, Éditions de l’Arbre, .
Ressources radiophoniques
modifier- Philippe Roizes, « Castagnettes en coulisses » [audio], émission Une histoire particulière, série « 1968 : les dessous de l’Eurovision » (28 min), France Culture, .
- Philippe Roizes, « Bruits de couloir et symphonie pour corruption » [audio], émission Une histoire particulière, série « 1968 : les dessous de l’Eurovision » (29 min), France Culture, .