Israel Epstein
Israel Epstein (né le à Varsovie, Pologne et mort le 26 mai, 2005 à Pékin, en Chine, nom chinois : 伊斯雷尔•爱泼斯坦, Pinyin: Yīsīléi'ěr Àipōsītǎn) est un journaliste et écrivain d’origine polonaise naturalisé chinois. Il fut l’un des rares citoyens chinois nés à l’étranger et d'origine non chinoise à devenir membre du Parti communiste chinois.
Naissance |
Varsovie, Pologne |
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Décès |
Beijing, Chine |
Activité principale |
Langue d’écriture | anglais, chinois |
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Genres |
essai, biographie, mémoires |
Œuvres principales
- The People's War in China
- The Unfinished revolution in China
- From Opium War to Liberation
- Tibet Transformed
- Woman in World History: Soong Ching Ling
- I Visit Yan'an
- My China Eye: Memoirs of a Jew and a Journalist
Enfance et éducation
modifierIsrael Epstein naît le dans une famille juive à Varsovie (actuelle capitale de la Pologne), qui est à l’époque sous le contrôle de l’Empire russe. Son père, Lasar Epstein, est incarcéré par les autorités de la Russie tsariste pour avoir organisé une révolte ouvrière tandis que sa mère est exilée pendant une courte période en Sibérie. Après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, son père est envoyé par l'Union générale des travailleurs juifs (le Bund) en Asie[1]. Lorsque l'armée allemande arrive aux abords de Varsovie, sa mère et lui, à peine âgé de deux ans, s'enfuient et rejoignent Lasar en Asie. Ils s'installent à Tientsin en 1920 après avoir séjourné pendant trois ans à Harbin[2],[3].
Journalisme
modifierLorsque les Japonais envahissent la Chine en 1937, les Epstein embarquent à bord d'un bateau pour les États-Unis mais leur fils, qui, dès l’âge de 15 ans, a commencé à travailler pour le Beijing-Tianjin Times, journal anglophone dont le siège était à Beijing, reste sur place et couvre la guerre à Guangzhou pour l’agence UPI ainsi que pour l’agence Allied Labor News (sise à New York)[4],[5]. Il collabore aussi au New York Times[6]. Il se rend en tant que correspondant de guerre dans la province du Shaanxi dans le nord-ouest du pays et dans les bases révolutionnaires du Shanxi-Suiyuan dans le nord-est. Il s’entretient avec Mao Zedong, Zhou Enlai et d’autres dirigeants du parti communiste chinois[7]. Ses reportages rendent compte de la lutte des Chinois pour l’indépendance et la libération de leur pays[8].
En 1939, le jeune Epstein adhère à la Ligue de défense de la Chine, un organisme ayant pour but de faire connaître à l'étranger la cause de ce pays et qui a été créé par Soong Qinling, veuve de Sun Yat-Sen, le premier président de la Chine post-impériale, et sœur de Song Meiling, plus connue sous le nom de Madame Chiang Kai-Shek. Israel Epstein, devenu grand admirateur de Soong Qingling, en rédigera la première biographie en 1993)[9].
En 1941, un entrefilet du New York Times rapporte la nouvelle de sa mort mais il s’agit d’une feinte de sa part pour détourner l’attention des Japonais qui sont à sa recherche[10].
Au début des années 1940, il divorce d’avec sa première épouse, Edith Bihovsky Epstein[11].
Pendant la Seconde Guerre mondiale, son père coordonne la distribution des secours aux réfugiés juifs européens à Shanghai[12].
La Seconde Guerre mondiale terminée, Epstein va s'établir aux États-Unis avec sa seconde épouse, Elsa Fairfax-Cholmeley, la fille d'un nobliau du Yorkshire influencé par les idées sociales de William Morris. Israel et Elsa se sont rencontrés en Chine et bien qu'elle soit de 10 ans son aînée, ils forment tous deux un couple vivant en harmonie (elle s'implique fortement dans le travail de son mari)[13].
Ils retournent en Chine à l'invitation de Soong Qingling en 1951 pour participer à la fondation de China Reconstructs, ou La Chine en construction en français[14]. Elsa l'accompagnera dans son travail en Chine jusqu'à sa mort en 1984. Elle travaillera comme correctrice et professeur d'anglais pour la revue.
Auparavant sans nationalité, Epstein devient citoyen chinois en 1957 (avec l'aval du premier ministre chinois Zhou Enlai) et membre du Parti communiste chinois en 1964[15].
La revue La Chine en construction
modifierEn 1951, la vice-présidente de l'époque, Soong Ching-ling en personne, l'invite à revenir en Chine pour prendre la tête de la rédaction de la revue La Chine en construction (rebaptisée par la suite La Chine au présent)[16]. C'est lui et Elsa qui impriment manuellement la première édition en anglais à Shanghaï en 1952, puis apparaissent les versions française, allemande, russe, arabe et portugaise. La revue devient très prisée parmi les cercles communistes et maoïstes car très au courant de l'actualité chinoise. Elle est aujourd'hui une revue généraliste présentant la Chine sous tous ses aspects. Epstein reste le rédacteur en chef de La Chine au présent jusqu'en 1985, où il devient, à l'âge de 70 ans, rédacteur en chef honoraire.
Voyages dans la région autonome du Tibet
modifierEn 1955, il se rend pour la première fois dans la région autonome du Tibet, le voyage en bus et en camion depuis le Sichuan prend une semaine[17]. Il y retourne en 1965 puis en 1976 et, s'appuyant sur ses trois séjours, publie le livre Tibet Transformed en 1983[18]. En 1985, à l’âge de 70 ans, il se rend une quatrième fois au Tibet, à l’occasion du 20e anniversaire de la fondation de la région autonome[19]. Dans les dernières années de sa vie, il souhaite y retourner une dernière fois mais par le train. Malheureusement la ligne Qinghai-Tibet n’entre en service qu’après sa mort[20].
La Révolution culturelle
modifierAu début de la révolution culturelle, Israel Epstein met beaucoup d'espoirs dans le mouvement. Il est d'ailleurs l'un des premiers étrangers après Anna Strong à prêter allégeance totale aux idées de Mao et rédige même un dazibao dans lequel il demande que les privilèges octroyés aux experts étrangers à l'époque soient annulés et qu'ils puissent, comme les Chinois, participer au mouvement révolutionnaire.
En 1968, lors de la révolution culturelle, comme beaucoup d'étrangers en Chine à l'époque, après avoir pris part aux factions de Gardes rouges au début de la révolution culturelle, il est emprisonné et maintenu en isolement cellulaire dans la prison d'État de Qincheng, dans le nord de Pékin. Sa femme y est également emprisonnée.
Cet emprisonnement est certainement dû à l'influence du groupe de Gardes rouges étrangers dont il fait partie : le groupe de combat Norman Bethune de Yan'an. Le magazine La Chine en construction tombe aux mains des révolutionnaires. Le motif d'emprisonnement officiel est qu'il est un espion international.
Il est libéré en 1973, reçoit des excuses de Zhou Enlai et voit ses droits restaurés[21]. À sa sortie de prison, il déclare ne craindre qu’une chose : devoir quitter la Chine[22].
En 1983, il est élu membre de la Conférence consultative politique du peuple chinois[23].
En tant qu’ancien journaliste, Epstein continua à se préoccuper du développement des médias chinois en langue étrangère, dont China Daily[24].
Hommages
modifierAu cours de son existence, Israel Epstein a rencontré Zhou Enlai, Mao Zedong, Deng Xiaoping, Jiang Zemin et Hu Jintao.
Deng Xiaoping assista à la cérémonie de son départ à la retraite en 1985. Le Hu Jintao lui rendit visite, le remerciant de tout ce qu’il avait apporté à la Chine[25].
Funérailles
modifierSes cendres reposent au cimetière des révolutionnaires de Babaoshan, dans le quartier de Shijingshan à Pékin, où eut lieu, le , un service funèbre en présence de nombreuses personnalités dont le président Hu Jintao, le premier ministre Wen Jiabao, ainsi que Jia Qinglin et Li Changchun, membres du Comité permanent du bureau politique du parti communiste chinois[26].
Israel Epstein laisse derrière lui sa troisième épouse, Mme Huang Huanbi, et ses deux enfants, et deux enfants adoptés lors de son second mariage avec Elsa Fairfax-Cholmeley (morte en 1984)[27],[28].
Critiques
modifierPour Jamyang Norbu, un écrivain tibétain en exil et partisan de l'indépendance du Tibet[29], Israel Epstein relaye la propagande de la République populaire de Chine[30].
Le professeur John Powers, de l'Université nationale australienne, affirme qu'Israel Epstein, dont il compare les écrits à ceux d’A. Tom Grunfeld, avalise avec enthousiasme la version chinoise des événements et utilise le même langage que les écrivains chinois pour décrire les conditions au Tibet d'avant les années 1950[31].
Ouvrages et articles publiés
modifier- The People's War. [An Account of the War in China to the Fall of Hankow], V. Gollancz, 1939, 384 p.
- The Unfinished Revolution in China, Little, Brown and Company, 1947, 442 p.
- (en collaboration avec Julian R. Friedman) Notes on Labor Problems in Nationalist China, International Secretariat, Institute of Pacific Relations, 1949, 159 p.
- From Opium War to Liberation, New World Press, Pékin, 1956, 146 p.(traduit du chinois)
- Democracy in China, Far East Reporter, 1956, 7 p.
- (en collaboration avec Elsie Fairfax-Cholmeley) Laos in the Mirror of Geneva, 1961, 37 p.
- en collaboration avec Felix Greene, Rewi Alley, China facts for American readers: correcting popular tales, 1962, 16 p.
- Tibet Transformed, New World Press, Pékin, 1983, 563 p, (ISBN 0-8351-1087-7) (traduit du chinois)
- Refuting Western Media About Tibet: Background Facts from History, Maud Russell, 1984, 48 p. (origine : Far East Reporter)
- History Says Tibet Is Part of China, Beijing Review, No 43, 1987, p. 19
- Woman in World History: Life and Times of Soong Ching Ling, New World Press, Beijing, 1993, 323 p. (ISBN 7-80005-161-7) (traduit du chinois)
- My China Eye: Memoirs of a Jew and a Journalist, Long River Press, 2005, 358 p. (ISBN 1-59265-042-2)
- History Should Not be Forgotten, 五洲传播出版社, 2005, 286 p.
Voir aussi
modifier- Richard Frey
- Jakob Rosenfeld
- Sidney Rittenberg
- en:Rewi Alley
- en:Sidney Shapiro
- Histoire des Juifs en Chine
- en:Round Eyes in the Middle Kingdom – a documentary about Israel Epstein
Références
modifier- (en) Chinese President Praises Jewish Journalist Israel Epstein, The Jewish Daily Forward, April 22, 2005: « Born in Poland in 1915, Epstein arrived in China as a toddler when his father, Lasar Epstein, began a 20-year tenure as the Bund’s representative in Tientsin. »
- (en) Israel Epstein, obituary, The Telegraph, 14 juin 2005 : « Israel Epstein was born in Warsaw on April 20 1915. His parents, who were Jews and socialists, had been imprisoned for their political activities by the Russian authorities then in control of the city, and his mother had briefly been exiled to Siberia. / Soon after the boy's birth, his father's employer sent him to Japan on business, and when the Germans threatened Warsaw his mother fled to Tokyo with her son. In 1917, when Israel was two, the couple moved to China, and in 1920 they settled in the port city of Tianjin. »
- (en) Sarah Wang, Israel Epstein: Lifelong Love for China, in 30th Anniversary of the Death of Madame Soong Ching Ling, 25 mai 2011 : « When he was two, his family moved to China and settled down in Tianjin following a three-year stay in Harbin. »
- Israel Epstein, obituary, op. cit. : « When the Japanese invaded China in 1937, the Epsteins took ship for the United States; but their son, who had begun working for an English-language newspaper based in Peking, remained behind to cover the war for Western news agencies. »
- (en) Israel Epstein, in Encyclopedia. The Communist Party of China (source : PLA daily 2005-07-26, updated 2010-09-29) : « Beginning from 1931 he did press work at the "Beijing-Tianjin Times". He served as reporter with UPI of the United States in 1937. [...] During the War of Resistance Against Japanese Aggression, when serving as a correspondent of the United Press and the Allied Labor News of the United States [...]. »
- Frédéric Bobin. Israël Epstein, journaliste et écrivain pro-Pékin Le Monde, 2 juin 2006
- (en) Hu, Wen say final farewell to Epstein, "Sohu.com" (en anglais), 4 juin 2005 : « When serving as a correspondent of the United Press and the Allied Labour News of the United States, Epstein visited Northwest China's Shaanxi Province and Shanxi-Suiyuan Anti-Japanese Base Areas, and interviewed Mao Zedong, Zhou Enlai and other CPC leaders. »
- (en) Israel Epstein and his Tibet, China Tibet Information Center, 21 avril 2005 : « He participated in China's revolution in the 1930s as a journalist, going to front-line revolutionary bases and writing eyewitness accounts of the bravery of the Chinese people as they fought for national independence and liberation. »
- Israel Epstein, obituary, op. cit. : « In 1938, however, he joined the China Defence League, an organisation which aimed to publicise the country's cause abroad and which had been founded by Soong Quinling, the widow of Sun Yat-Sen, the first president of post-imperial China, and sister of Mayling Soong, better known as Madame Chiang Kai-Shek. Epstein became a great admirer of Soong Quinling, and in 2003 [sic] published a biography of her. »
- (en) Douglas Martin, Israel Epstein, Prominent Chinese Communist, Dies at 90, The New York Times, 2 juin 2005 : « In 1941, a short item in The New York Times reported that he had been killed, but it later turned out that he had faked his death to divert the Japanese who were hunting him. »
- Douglas Martin, op. cit. : « his first was Edith Bihovsky Epstein, later Ballin, from whom he was divorced in the early 1940's. »
- (en) Chinese President Praises Jewish Journalist op. cit. : « During World War II, the elder Epstein coordinated aid distribution to European Jewish refugees in Shanghai, and after the war he immigrated to the United States and joined the staff of the Jewish Labor Committee. »
- Israel Epstein, obituary, op. cit. : « After the Second World War, Epstein moved to America with his wife, Elsie Fairfax-Cholmeley, the daughter of a Yorkshire squire himself much influenced by William Morris's advanced social theories. The couple had met in China, and though she was 10 years his senior they formed a harmonious pairing and she became much involved in his work. »
- (en) Liu Dong, Israel Epstein: A Special Chinese Citizen Who Brings China to the Outside World, View of a Life in China, china.org.cn : « T was the midsummer of 1951, and at the personal invitation of Soong Ching Ling, Israel Epstein and his late wife, Elsie Fairfax-Cholmeley, returned to China from the USA to help set up China Reconstructs in Beijing ».
- Israel Epstein, sur china.org.cn, op. cit. : « In 1957, with the approval of Premier Zhou Enlai, Epstein became a Chinese citizen. He joined the Communist Party of China in 1964. »
- (en) Israel Epstein, sur china.org.cn, 19 avril 2013 : « Shortly after the founding of the People's Republic of China in 1949, Epstein and his wife returned to China to help Soong Ching Ling set up China Reconstructs (now renamed China Today) magazine in Beijing. »
- Sarah Wang, op. cit. : « Host: He first visited Tibet in the 1950s. Ms. Huang: The first time was in 1956. It took him a week to travel from Sichuan to Tibet by bus and truck. It was a hard journey but he was young at the time and could stand it. »
- (en) The Life and Death of israel Epstein, 06/10/05 Radio Free Asia .
- (en) Israel Epstein and his Tibet, op. cit. : « Epstein's fourth visit to Tibet at age 70, on the 20th anniversary of the founding of the Tibet Autonomous Region (1985). »
- Sarah Wang, op. cit. : « He had visited Tibet four times over the past decades. His biggest wish was to go there again by train. Unfortunately, the Qinghai-Tibet Railway was put to use only after he passed away. »
- (en) Israel Epstein. Emigre journalist whose devotion to Communist China withstood even imprisonment during the Cultural Revolution, The Times, June 8, 2005.
- Sarah Wang, op. cit. : « But he never complained. When he got out of the prison, he continued his work happily. He said: "I fear nothing but letting me part from China." »
- (en) Premier Wen Congratulates Israel Epstein's 88th Birthday, People's Daily Online, 21 avril 2003 : « Since 1983, he has been a member of the Standing Committee of the National Committee of the Chinese People's Political Consultative Conference. »
- Hu, Wen say final farewell to Epstein, op. cit. « As a veteran journalist, Epstein also concerned himself with the development of China's foreign language news media, including China Daily, which launched its first issue 24 years ago. »
- Douglas Martin, op. cit. : « Deng attended Mr Epstein's retirement reception in 1985. On April 17, the Chinese president, Hu Jintao, visited him and praised his "special contributions" to China. »
- (en) Top leaders pay final farewell to Israel Epstein, SINA English, 2005-06-03 : « A memorial ceremony was held at the Babaoshan Revolutionary Cemetery here Friday for journalist Israel Epstein, who died in Beijing at age 90 on May 26. Top leaders Hu Jintao, Wen Jiabao, Jia Qinglin and Li Changchun were among the many officials attending the ceremony. Epstein's body was cremated after the funeral service. »
- Douglas Martin, op. cit. : « He is survived by his wife, Wan Bi, two children and two stepchildren. »
- Hu, Wen say final farewell to Epstein, op. cit. : « He and Cholmeley did not have children of their own but adopted two Chinese children. Cholmeley died in 1984. »
- (en) Topden Tsering, « 'Hands off' isn't enough for Tibet. Dalai Lama stops short of autonomy », site SFgate.com, 24 juillet 2005 : « […] Jamyang Norbu, a 51-year-old Tibetan novelist, playwright and activist who is widely seen as the enduring voice of Tibetan independence ».
- (en) Jamyang Norbu, Black Annals: Goldstein & The Negation Of Tibetan History (Part II), 27 juillet 2008.
- (en) John Powers, History as propaganda: Tibetan exiles versus the People's Republic of China, 2004, p. 20 : « Israel Epstein and Tom Grunfeld enthusiastically endorse the Chinese version of events and use much the same language as do Chinese writers to describe conditions in Tibet prior to the 1950s.36. »
Liens externes
modifier
- Ressource relative à la vie publique :
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Obituary People's Daily Online
- Biography by China Tibet Information Center
- Xinhua Newsitem on funeral
- Views of a life in China, China.org.cn