Manufacture de la Savonnerie

Fabrication de tapisseries

La manufacture de la Savonnerie est une manufacture de tapis située à Paris et Lodève et faisant actuellement partie du Mobilier national.

Manufacture de la Savonnerie
Métier de haute lisse de la manufacture de la Savonnerie.
Présentation
Type
Manufacture de tapisserie (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Fondation
Localisation
Localisation

La manufacture était à l'origine spécialisée dans la fabrication de tapis veloutés et de garnitures de siège. Ces tapis étaient utilisés par la cour de France ou comme présents royaux. Ce sont des tapis souvent de grandes dimensions, d'une qualité exceptionnelle. Ceux tissés sur les cartons de Charles Le Brun pour la Grande galerie du palais du Louvre sont parmi les plus célèbres.

Historique

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Première manufacture royale de tapis fondée en France, la Savonnerie tire son nom d'une ancienne savonnerie située à Chaillot, à peu près à l'emplacement actuel du palais de Tokyo. Cette savonnerie est transformée en orphelinat par Marie de Médicis[1]. La main d'œuvre bon marché procurée par les orphelins attire deux lissiers, Pierre Dupont (1560-1640) et Simon Lourdet (vers 1590-1667)[1], qui transfèrent sur le site en 1631 la manufacture qu'ils ont fondée en 1627 ou 1628 par ordre de Louis XIII avec achat[2] et agrandissement de la manufacture en 1630[3].

Dupont avait effectué un voyage en Turquie d'où il avait ramené la technique du point noué, permettant de tisser « des tapis veloutés façon du Levant »[1].

À leur suite, la manufacture fut divisée en deux ateliers distincts, dirigés chacun par les descendants des fondateurs : Louis puis Bertrand Dupont d'une part, Philippe Lourdet, sa veuve Jeanne Haffrey puis leur fils, d'autre part. En 1714, Bertrand Dupont réunit les deux ateliers. Son neveu par alliance, Jacques Noinville, devint régisseur de la Savonnerie de 1720 à 1742.

De 1743 à 1826, trois Duvivier se succèdent à la tête de l'entreprise : Pierre-Charles (1743-1773), Nicolas-Cyprien (1774-1807), et Ange-Pierre (1807-1826[4]).

Par ordonnance royale du , Charles X réunit la manufacture de la Savonnerie à celle des Gobelins, mais les métiers n'y sont envoyés qu'au début de l'année 1826[5],[6]. L'ancienne manufacture abandonnée à Chaillot est remplacée à partir de 1836 par un dépôt de vivres appelé Manutention militaire, qui disparaît lors de la construction du Palais de Tokyo pour l'exposition de 1937[7].

La manufacture est illustrée par Jean-Charles Develly sur une des assiettes du service des arts industriels produit par la manufacture de Sèvres entre 1820 et 1835[8].

Dans l'enclos des Gobelins, l'atelier des tapis de Savonnerie constitua, et constitue encore, une unité particulière. Depuis 1968, il est installé sur deux niveaux dans le bâtiment des nouvelles manufactures au 3, rue Berbier du Mets. Aujourd'hui 40 lissiers y travaillent[1].

Technique

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La Savonnerie utilise un métier à tisser de haute lisse identique à celui des Gobelins, en plus massif ; mais le lissier effectue un point noué avec sa broche (appelé nœud Ghordès). Les lissiers travaillent à partir d'un modèle appelé carton, réalisé par un artiste. Il est agrandi à l'échelle d'exécution. Les lissiers doivent interpréter le carton de l'artiste en échantillonnant à partir de pompons référencés au NIMES (Nuancier Informatique des Manufactures). Un essai technique est soumis à l'artiste pour avoir la validation du tissage.

L'ourdissage permet de préparer la chaîne, en dévidant l'écheveau de chaîne sur un dévidoir pour former les différentes piennes qui constituent la chaîne. Celle-ci permet d'avoir une nappe de fils avant et une de fils arrière.

Puis vient l'étape du montage. Les piennes sont réparties sur le métier afin de constituer l'armature verticale du tapis. Ensuite on confectionne des lices en coton, qui permettent de ramener les fils arrière vers l'avant lors du tissage.

Le tapis est réalisé par une succession de nœuds et de boucles. Le lissier passe une broche derrière le fil avant puis tire la lice pour avancer le fil arrière. Le nœud est glissé vers le bas. Puis l'opération est répétée sur le fil avant suivant en ménageant une boucle entre chaque nœud. Le tapis est réalisé de gauche à droite. Après avoir réalisé une ligne, une duite (deux fils de lin) est passé entre les fils avant et les fils arrière sur toute la longueur). Puis un fil de trame vient se placer sur le dessus en actionnant les lisses. Il serpente autour des fils avant et arrière. Ensuite, le lissier tasse à l'aide d'un peigne en métal toute sa rangée de points afin d'obtenir une bonne horizontalité[9].

L'étape suivante est celle de la tonte. Le lissier pose un gabarit (une planchette de bois) au-dessus de sa ligne pour couper les boucles à la longueur désirée. Une première coupe grossière permet d'enlever du volume. La seconde coupe, effectuée à l'aide d'une paire de ciseaux coudés posée à plat, tond le velours à la hauteur exacte du gabarit. Ensuite l'artiste lissier démêle les brins à l'aide d'une aiguille avant de remettre chaque brin à sa place avec la pointe supérieure de ciseaux tandis que la pointe inférieure repose sur un carton. Cela permet de fixer le motif[9].

Quand le tapis est fini on le fait « tomber du métier », c'est-à-dire que l'on coupe les fils de chaîne au-dessus de la lisière.

Galerie de photos

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Liste des dirigeants

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  • Ils sont d'abord à deux familles :
  • 1627 : Pierre Dupont († d'après Lacordaire). Il possède déjà un brevet de logement dans les galeries du Louvre depuis le [10], et le quitte pour la Savonnerie le [réf. nécessaire].
  • 1627 : également son ancien apprenti Simon Lourdet (1627- † ).
  • Philippe Lourdet est associé a son père Simon pour la direction par brevet du [11] mort en 1670, puis lui succède Jeanne Haffrey sa veuve, morte le (Vittet).
  • Louis Dupont, fils de Pierre Dupont, reçoit survivance du logement de son père Louis en 1687.
  • Bertrand-François Dupont, reçoit survivance du logement de son père Louis en 1687.
  • Jacques de Noinville, neveu de B.-F. Dupont, reçoit brevet de survivance le (Guiffrey, 1892, cède en 1742).
  • Pierre-Charles Duvivier (1743-1773).
  • Nicolas-Cyprien Duvivier (1774-1807).
  • Ange-Pierre Duvivier 1807-1826), (Almanach Travaillant depuis longtemps à la manufacture lui succède. impérial 1812, [1] [2]; 1816, [3] [4])
  • À partir de cette date, voir les dirigeants de la manufacture des Gobelins et de la Savonnerie.

Inventaire

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Sources

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  • Des papiers concernant la manufacture de la Savonnerie sont conservés aux Archives nationales sous la cote 497AP[12].

Bibliographie

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  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Notice historique sur les manufactures nationales de tapisseries des Gobelins et de tapis de la Savonnerie. Catalogue des tapisseries exposées et de celles qui ont été brûlées dans l'incendie du , Paris, Manufacture des Gobelins, , 62 p., sur gallica (lire en ligne).
  • [Braquenié & Magnac 1924] Louis Braquenié et Jean Magnac, La manufacture de la Savonnerie du Quai De Chaillot, Paris, éd. Albert Morancé, coll. « Documents d'art », , 32 pl. + 79 (ASIN B001STXYPA).
  • [Burchard 2012] (en) Wolf Burchard, « Savonnerie Reviewed: Charles Le Brun and the "Grand Tapis de Pied d'Ouvrage a la Turque" woven for the Grande Galerie at the Louvre », Furniture History, vol. 48,‎ , p. 1-43 (ISSN 0016-3058, OCLC 888885534, présentation en ligne).
  • [Burchard 2016] (en) Wolf Burchard (préf. Christopher Le Brun), « Unity through Variety: The Louvre's Savonnerie Carpets », dans The Sovereign Artist: Charles Le Brun and the Image of Louis XIV, London, , 287 p. (ISBN 9781911300052 et 1911300059, OCLC 951724540), p. 155-195.
  • [Guiffrey 1892] Jules Guiffrey, Les Manufactures parisiennes de tapisseries au XVIIe siècle. Hôpital de la Trinité - Grande galerie du Louvre - Savonnerie - Faubourg Saint-Marcel - Faubourg Saint-Germain - Gobelins, Paris, , sur gallica (lire en ligne).  .
  • [Havard & Vachon 1889] Henry Havard et Marius Vachon, Les Manufactures nationales. Les Gobelins, la Savonnerie, Sèvres, Beauvais, Paris, Georges Decaux librairie illustrée, , 632 p., sur gallica (lire en ligne).
  • [Jarry 1966] Jarry, The Carpets of the Manufacture de la Savonnerie, Leigh-on-Sea, éd. F. Lewis, , sur _ _ _.
  • [Lacordaire 1855] Louis Lacordaire, Notice historique sur les Manufactures impériales de tapisseries des Gobelins et de tapis de la Savonnerie, précédée du catalogue des tapisseries qui y sont exposées (avec notamment la liste des directeurs / administrateurs, chefs d'ateliers), Paris, Manufacture des Gobelins, , 3e éd., 147 p., sur gallica (lire en ligne).  .

Notes et références

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  1. a b c et d « La Savonnerie ».
  2. Lacordaire 1855.
  3. Guiffrey 1892, p. 25.
  4. Nadine Gastaldi, « Fonds Duvivier (1626-1813). Répertoire (497AP/1-497AP/4) », 10 p. [PDF], sur siv.archives-nationales.culture.gouv.fr, Archives nationales (consulté en ).
  5. [Darcel 1885] Alfred Darcel, Les manufactures nationales de tapisserie des Gobelins et de tapis de la Savonnerie et catalogue des Tapisseries et des tapis, Paris, Imprimeries réunies, , 96 p., sur gallica (lire en ligne), p. 54.
  6. [Coural 1989] Jean Coural, Les Gobelins, Nouvelles Éditions latines, , sur books.google.fr (lire en ligne), p. 47.
  7. [Hillairet 1963] Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, Paris, Les Éditions de Minuit, (ISBN 2-7073-0092-6), p. 179.
  8. « La Savonnerie, Service des Arts Industriels. Véritable vitrine artistique de l'histoire sociale, le Service des arts industriels met en lumière les techniques et le travail de l'artisanat et de l'industrie du début du 19e siècle », sur sevresciteceramique.fr (consulté en ). Cette page sur la préparation du décor La Savonnerie montre un dessin de projet pour une assiette illustrant la manufacture de la Savonnerie. Voir côte à côte le même dessin et l'assiette finie et une vue rapprochée de l'assiette finie, sur alamy.com.
  9. a et b [Alberte 2006] Grynpas Nguyen Alberte, Tapis, tapisseries d'artistes contemporains : manufactures nationales Gobelins, Beauvais, Savonnerie : 1960 à nos jours, Flammarion, (ISBN 978-2-08-011415-0 et 2080114158, OCLC 174099503, lire en ligne).
  10. Guiffrey 1892, p. 14.
  11. Guiffrey 1892.
  12. Archives nationales.

Liens externes

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