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« Artaxiades » : différence entre les versions

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{{Entête label|AdQ|année=2008}}
{{Histoire de l'Arménie}}
{{voir homonyme|Artaxiades (Ibérie)}}
Les [[Liste des rois d'Arménie|rois]] d'[[Arménie]] de la '''dynastie artaxiade''' (les '''Artaxiades''', en [[arménien]] ''Արտաշեսյաններ'') ont régné sur ce [[royaume d'Arménie|royaume]] d'environ [[-189|189]] av. J.-C. à environ [[12]] apr. J.-C. Sous cette dynastie, le pays subit deux influences majeures : une influence [[perse]], qui poursuit son action, et une influence [[époque hellénistique|hellénistique]] croissante ; il s'ouvre en outre au commerce international. Sous l'un des rois artaxiades, [[Tigrane II d'Arménie|Tigrane II]], l'Arménie va connaître son expansion maximale, avant de devenir un enjeu, sous ses successeurs, entre [[Parthie|Parthes]] et [[Rome antique|Romains]].


Les '''Artaxiades''' ou '''Artašesian''' (en [[arménien]] {{lang|hy|Արտաշեսյաններ}}) sont des [[Liste des rois d'Arménie|rois d'Arménie]] qui ont régné sur ce [[royaume d'Arménie|royaume]] d'environ {{date|189 av. J.-C.}} à environ {{date|12|apJC=oui}} Sous cette dynastie, le pays subit deux influences majeures : une influence [[Empire perse|perse]], qui poursuit son action, et une influence [[époque hellénistique|hellénistique]] croissante ; il s'ouvre en outre au commerce international. Sous l'un des rois artaxiades, {{souverain2|Tigrane II d'Arménie}}, l'Arménie va connaître son expansion maximale, avant de devenir un enjeu, sous ses successeurs, entre [[Parthie|Parthes]] et [[Rome antique|Romains]].
À la fin de cette dynastie, au début de l'[[Anno Domini|ère chrétienne]], le royaume est proche de l'[[anarchie]] et sera pendant plusieurs décennies gouverné par des souverains étrangers, avant de connaître l'avènement d'une nouvelle dynastie, la [[Arsacides (Arménie)|dynastie arsacide]].

À la fin de cette dynastie, au début de l'[[Anno Domini|ère chrétienne]], le royaume est au bord de l'[[anarchie]] et sera pendant plusieurs décennies gouverné par des souverains étrangers, avant de connaître l'avènement d'une nouvelle dynastie, la [[Arsacides (Arménie)|dynastie arsacide]].


À la différence de certains de ses membres, la dynastie artaxiade se caractérise par une [[historiographie]] peu développée. Elle est en même temps considérée par la République d'Arménie comme une des quatre dynasties historiques arméniennes et figure à ce titre sur ses [[Armoiries de l'Arménie|armoiries]].
À la différence de certains de ses membres, la dynastie artaxiade se caractérise par une [[historiographie]] peu développée. Elle est en même temps considérée par la République d'Arménie comme une des quatre dynasties historiques arméniennes et figure à ce titre sur ses [[Armoiries de l'Arménie|armoiries]].
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{{Article général|Liste des rois d'Arménie}}
{{Article général|Liste des rois d'Arménie}}


Les dates de règne des rois artaxiades d'Arménie sont bien souvent incertaines, ainsi que le nombre exact de rois ayant porté le nom « Artavazde ». La liste suivante ne tient pas compte de toutes les nuances, que l'on retrouvera dans les articles consacrés à chacun de ces rois<ref>Les dates reprises sont celles proposées par Cyrille Toumanoff (cf. [[Cyrille Toumanoff]], ''Manuel de généalogie et de chronologie pour l'histoire de la Caucasie chrétienne (Arménie, Géorgie, Albanie)'', Éd. Aquila, Rome, 1976, chapitre A. II « Rois d'Arménie », § b. « Artaxiades et leurs successeurs (Deuxième monarchie arménienne) », p. 514-516), excepté celles en italiques (pour Artavazde {{Ier}} et Tigrane {{Ier}}) tenant compte de l'existence d'Artavazde II ({{Ouvrage|titre=Histoire de l'Arménie des origines à 1071|éditeur=Payot|auteur=[[René Grousset]]|année=1947|lieu=Paris|publi=1984, 1995, 2008|passage=84|isbn=978-2-228-88912-4}}, et {{en}} {{Ouvrage|auteur=Vahan M. Kurkjian|titre=A history of Armenia|année=1958|publi=1964|éditeur=Vantage Press|lieu=New York|passage=502}}).</ref> :
Les dates de règne des rois artaxiades d'Arménie sont bien souvent incertaines, ainsi que le nombre exact de rois ayant porté le nom « Artavazde ». La liste suivante ne tient pas compte de toutes les nuances, que l'on retrouvera dans les articles consacrés à chacun de ces rois<ref>Les dates reprises sont celles proposées par Cyrille Toumanoff (cf Toumanoff-), excepté celles en italiques (pour {{Ier}} et {{Ier}}) tenant compte de l'existence d'Artavazde II ({{|Grousset|1947|=|=|=}}, et {{en|auteur=Vahan M. Kurkjian|titre=A history of Armenia|année=1958|publi=1964|éditeur=Vantage Press|lieu=New York|passage=502}}).</ref> :
* {{souverain2|Artaxias Ier}} (189-{{date-|159 av. J.-C.}}) ;

*[[Artaxias Ier|Artaxias {{Ier}}]] (189-159 av. J.-C.) ;
* {{Ier}} (-159 av. J.-C.) ;
*[[Artavazde Ier d'Arménie|Artavazde {{Ier}}]] (159-123 av. J.-C. — ''ou 159-149 av. J.-C.'') ;
* {{Ier}} (123 av. J.-C. — ''ou 149 av. J.-C.'') ;
*[[Tigrane Ier|Tigrane {{Ier}}]] (123-95 av. J.-C. ''ou 149-123 av. J.-C.'') ;
*[[ | {{}}]] (123-95 av. J.-C. ' ) ;
* {{souverain2|Tigrane II d'Arménie|le Grand}} (95-{{date-|55 av. J.-C.}}) ;
**''[[Artavazde II]] (123-95 av. J.-C.) (roi dont l'existence est discutée) ;''
*[[Tigrane II d'Arménie|Tigrane II le Grand]] (95-55 av. J.-C.) ;
*[[ II| II ]] (55 av. J.-C.) ;
** ''[[Alexandre Hélios]] (34-{{date-|30 av. J.-C.}}) (hors dynastie, fils de [[Marc Antoine]] et de {{souverain2|Cléopâtre VII}} d'[[Égypte]]) ;''
*[[Artavazde III|Artavazde II ou III]] (55-34 av. J.-C.) ;
* {{souverain2|Artaxias II}} (30-{{date-|20 av. J.-C.}}), vassal des [[Parthie|Parthes]] ;
**''[[Alexandre Hélios]] (34-30 av. J.-C.) (hors dynastie, fils de [[Marc Antoine]] et de [[Cléopâtre VII]] d'[[Égypte]]) ;''
*[[Artaxias II]] (30-20 av. J.-C.), vassal des [[Parthie|Parthes]] ;
* (20 av. J.-C.), vassal [[|]] ;
*[[Tigrane III]] (20-6 av. J.-C.), vassal de [[Rome antique|Rome]] ;
*[[ III]] (-6 av. J.-C.), vassal de [[Rome antique|Rome]] ;
*[[Artavazde IV|Artavazde III ou IV]] (6 av. J.-C. - 1 apr. J.-C.), vassal de [[Rome antique|Rome]] ;
* | ]] (6 av. J.-C. - 1), [[|]] ;
** ''[[Ariobarzane II d'Atropatène|Ariobarzane]] (1-{{date-|4|apJC=oui}}) (hors dynastie), vassal de [[Rome antique|Rome]] ;''
*[[Tigrane IV ]] et [[Érato d'Arménie|Érato]] (6 av. J.-C. - 1 apr. J.-C.), vassaux des [[Parthie|Parthes]] ;
**''[[Ariobarzane II d'Atropatène|Ariobarzane]] (1-4 apr. J.-C.) (hors dynastie), vassal de [[Rome antique|Rome]] ;''
**''[[ Ariobarzane]] (4-) (hors dynastie), vassal de [[Rome antique|Rome]] ;''
**''[[Artavazde V Ariobarzane|Artavazde IV ou V]] (4-6 apr. J.-C.) (hors dynastie), vassal de [[Rome antique|Rome]] ;''
**'' V (- -) (hors dynastie), vassal de [[Rome antique|Rome]] ;''
**''[[Tigrane V Hérode]] (6-vers 12 apr. J.-C.) (hors dynastie), vassal de [[Rome antique|Rome]] ;''
*[[ ]] (vers 12), [[|]]
*[[Érato d'Arménie|Érato]] (vers 12 apr. J.-C.), vassale des [[Parthie|Parthes]].


== L'Arménie sous les Artaxiades ==
== L'Arménie sous les Artaxiades ==
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==== Débuts prometteurs ====
==== Débuts prometteurs ====
À la veille de l'établissement de la dynastie artaxiade, l'Arménie est dirigée par {{souverain2|Orontès IV}} de la [[Orontides|dynastie orontide]]. Les représentants de cette dynastie s'octroient le titre de roi mais ne sont guère plus que des [[satrape]]s sous suzeraineté [[Séleucides|séleucide]]<ref name="iranica">{{iranica|url=articles/armenia-index|article=Armenia and Iran|date=16 décembre 2011}}.</ref>. Dès la moitié du {{-s|III|e}}, leur territoire a en outre été fortement réduit par l'expansion du dynaste d'[[Atropatène]]<ref name="Dédéyan 114">{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=114}}.</ref>.
[[Image:Artaxias.jpg|thumb|left|Artaxias {{Ier}}, le fondateur<ref name="Badmoutioun Hayots, Volume I">{{hy}} Mihran Kurdoghlian, ''Badmoutioun Hayots, Volume I'', Hradaragoutioun Azkayin Oussoumnagan Khorhourti, Athènes, 1994, p. 64.</ref>.]]


{{souverain2|Artaxias Ier}} est traditionnellement considéré comme le fondateur de la dynastie artaxiade, bien que des inscriptions en [[araméen]] découvertes dans le [[régions de l'Arménie|''marz'']] de [[Syunik]] le disent fils d'un Zariadrès de la dynastie orontide régnant en Arménie<ref name="Dédéyan 114" />. Général d'[[Antiochos III|Antiochos le Grand]], il se rend maître de l'[[Arménie]], dont il est gouverneur ([[stratège|''stratēgós'']]), et en fait un État indépendant en {{date|189 av. J.-C.}} après la défaite du [[séleucides|Séleucide]] à [[Manisa|Magnésie]] ; un autre gouverneur séleucide et peut-être un proche parent<ref name="iranica"/>, également nommé Zariadrès, en fait de même en [[Sophène]]<ref name="Strabon">[[Strabon]], ''Géographie'', {{XI}}, 14, 15 {{lire en ligne|lien=http://www.mediterranees.net/geographie/strabon/XI-14.html|date=18 juin 2008}}.</ref>. Les deux nouveaux monarques s'allient afin de reconquérir les régions périphériques peuplées d'Arméniens<ref name="Dédéyan 115">{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=115}}.</ref> ; dans le cas d'Artaxias, les conquêtes à partir de la vallée de l'[[Araxe]] se font principalement aux dépens de l'[[Royaume d'Ibérie|Ibérie]] et de la [[Atropatène|Médie-Atropatène]]<ref name="iranica"/>. Marquant ainsi son indépendance par rapport à [[Rome antique|Rome]]<ref name="Dédéyan 115"/>, il donne asile à [[Hannibal Barca|Hannibal]] après la [[bataille de Zama]]. Sur ses conseils, Artaxias bâtit sa nouvelle capitale, [[Artachat|Artaxate]] (« joie d'Artaxias »), sur les rives de l'[[Araxe]]<ref name="Dédéyan 116">{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=116}}.</ref>{{,}}<ref>{{RefRA|Plu|Lucullus|XLVI}}.</ref>. Au niveau du royaume, il fait procéder au bornage de propriétés<ref name="iranica"/> et mène une politique d'intégration linguistique<ref name="Dédéyan 116"/>. Mais vers {{date|165 av. J.-C.}}, Artaxias est défait par le roi séleucide {{souverain2|Antiochos IV}} ; fait prisonnier, il ne recouvre sa liberté qu'en reconnaissant la suzeraineté du Séleucide<ref name="Dédéyan 115"/>. Il règne jusqu'environ {{date|159 av. J.-C.}}, non sans avoir tenté de remettre en cause cette situation<ref>{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=115-116}}.</ref>.
À la veille de l'établissement de la dynastie artaxiade, l'Arménie est dirigée par la [[dynastie orontide]]. Les représentants de cette dynastie s'octroient le titre de roi mais ne sont guère plus que des [[satrape]]s sous suzeraineté [[Séleucides|séleucide]]<ref name="iranica">{{en}} {{lien web|url=http://www.iranica.com/newsite/articles/v2f4/v2f4a071a.html|titre=« Armenia and Iran », dans ''Encyclopædia Iranica''|consulté le=20 juillet 2008}}.</ref>. Dès la moitié du {{-s|III|e}}, leur territoire a en outre été fortement réduit par l'expansion du dynaste d'[[Atropatène]]<ref>Gérard Dédéyan (dir.), ''Histoire du peuple arménien'', Privat, Toulouse, 2007 {{ISBN|978-2-7089-6874-5}}, p. 114.</ref>.


Trois rois dont on sait peu de choses<ref name="Dédéyan 119">{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=119}}.</ref> (au point que l'existence du dernier est contestée<ref name="Toumanoff">{{Ref-Toumanoff-Dynastie|passage=93}}</ref>) lui succèdent : {{souverain2|Artavazde Ier d'Arménie}} (qui serait à l'origine de la [[Artaxiades (Ibérie)|branche artaxiade ibérienne]]<ref>{{Ref-Toumanoff-Dynastie|passage=93-94}}.</ref>), {{souverain2|Tigrane Ier}} et [[Artavazde (II)|Artavazde ({{II}})]]. À la fin du règne de ce dernier, les Parthes attaquent l'Arménie et sont victorieux ; ils prennent comme otage le prince héritier, le futur roi {{souverain2|Tigrane II d'Arménie}}<ref name="iranica"/>, qui le reste jusqu'à la mort d'{{souverain-|Artavazde II}}, en {{date|95 av. J.-C.}} Il rachète alors sa liberté en cédant « soixante-dix vallées » en [[Atropatène]] aux Parthes<ref name="Strabon"/>{{,}}<ref name="Dédéyan 119"/>.
[[Artaxias Ier|Artaxias {{Ier}}]] est traditionnellement considéré comme le fondateur de la dynastie artaxiade, bien que des inscriptions en [[araméen]] découvertes dans le [[subdivisions de l'Arménie|''marz'']] de [[Syunik']] le disent fils d'un Zariadrès de la dynastie orontide régnant en Arménie<ref>Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 114.</ref>. Général d'[[Antiochos III |Antiochos le Grand]], il se rend maître de l'[[Arménie]], dont il est gouverneur ([[stratège|''stratēgós'']]), et en fait un État indépendant en [[-189]] après la défaite du [[séleucides|Séleucide]] à [[Magnésie]] ; un autre gouverneur séleucide et peut-être un proche parent<ref name="iranica"/>, également nommé Zariadrès, en fait de même en [[Sophène]]<ref name="Strabon">[[Strabon]], ''Géographie'', XI, 14, 15 {{lire en ligne|lien=http://www.mediterranees.net/geographie/strabon/XI-14.html|date=18 juin 2008}}.</ref>. Les deux nouveaux monarques s'allient afin de reconquérir les régions périphériques peuplées d'Arméniens<ref name="Dédéyan 115">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 115.</ref> ; dans le cas d'Artaxias, les conquêtes à partir de la vallée de l'[[Araxe]] se font principalement aux dépens de l'[[Ibérie]] et de la [[Atropatène|Médie-Atropatène]]<ref name="iranica"/>. Marquant ainsi son indépendance par rapport à [[Rome antique|Rome]]<ref name="Dédéyan 115"/>, il donne asile à [[Hannibal Barca|Hannibal]] après la [[bataille de Zama]]. Sur ses conseils, Artaxias bâtit sa nouvelle capitale, [[Artashat|Artaxate]] (« joie d'Artaxias »), sur les rives de l'[[Araxe]]<ref name="Dédéyan 116">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 116.</ref>{{,}}<ref>[[Plutarque]], ''Vies parallèles des hommes illustres'', « Lucullus », XLVI {{lire en ligne|lien=http://www.mediterranees.net/histoire_romaine/plutarque/lucullus/lucullus3.html#chap_46|date=18 juin 2008}}.</ref>. Au niveau du royaume, il fait procéder au bornage de propriétés<ref name="iranica"/> et mène une politique d'intégration linguistique<ref name="Dédéyan 116"/>. Mais vers [[-165]], Artaxias est défait par le roi séleucide [[Antiochos IV]] ; fait prisonnier, il ne recouvre sa liberté qu'en reconnaissant la suzeraineté du Séleucide<ref name="Dédéyan 115"/>. Il règne jusqu'environ [[-159]], non sans avoir tenté de remettre en cause cette situation<ref>Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 115-116.</ref>.


==== Apogée sous {{souverain-|Tigrane II}} ====
Trois rois dont on sait peu de choses<ref name="Dédéyan 119">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 119.</ref> (au point que l'existence du dernier soit contestée<ref name="Toumanoff">[[Cyrille Toumanoff]], ''ibid.''</ref>) lui succèdent : [[Artavazde Ier d'Arménie|Artavazde {{Ier}}]], [[Tigrane Ier|Tigrane {{Ier}}]] et [[Artavazde II]]. À la fin du règne de ce dernier, les Parthes attaquent l'Arménie et sont victorieux ; ils prennent comme otage le prince héritier, le futur roi [[Tigrane II d'Arménie|Tigrane II]]<ref name="iranica"/>, qui le reste jusqu'à la mort d'Artavazde II, en [[-95]]. Il rachète alors sa liberté en cédant « soixante-dix vallées » en [[Atropatène]] aux Parthes<ref name="Strabon"/>{{,}}<ref name="Dédéyan 119"/>.
[[Fichier:Artaxiad Armenia 80BC-fr.svg|thumb|upright=1.7|Expansion maximale de l'Arménie sous {{souverain-|Tigrane II}}<ref>L'emplacement de Tigranakert sur cette carte est approximatif, peu de fouilles ayant été menées dans la région où elle aurait été localisée. {{Harv|Dédéyan|2007|p=123-124}}.</ref>.]]
[[Fichier:Maps of the Armenian_Empire of Tigranes-fr.svg|thumb|upright=1.7|Carte situant l'[[Osroène]], l'[[Adiabène]], la [[Gordyène]] (ou Corduène), la [[Sophène]], la [[Commagène]] et l'[[Atropatène]] à l'époque de l'apogée de l'[[royaume d'Arménie|Arménie]] sous {{souverain2|Tigrane II d'Arménie}}.]]
Lorsque {{souverain2|Tigrane II d'Arménie}} prend le pouvoir, avec l'aide et sous vassalité parthe<ref name="Dédéyan 120">{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=120}}.</ref>, la base de la puissance arménienne à venir est déjà en place, grâce aux actions de ses prédécesseurs. Cependant, les montagnes arméniennes forment des barrières naturelles entre les différentes régions du pays, augmentant l'influence des [[nakharar]]k locaux. Cette situation ne convient pas à Tigrane, à la volonté plus centralisatrice ; le souverain se lance alors dans une œuvre de consolidation du pouvoir royal en Arménie même<ref name="iranica"/>{{,}}<ref name="Badmoutioun Hayots, Volume I">{{hy}} Mihran Kurdoghlian, ''Badmoutioun Hayots, {{nobr rom|Volume I}}'', Hradaragoutioun Azkayin Oussoumnagan Khorhourti, Athènes, 1994, {{p.}}67-76.</ref>. Il dépose également [[Artanès de Sophène|Artanès]], roi de [[Sophène]]<ref name="Strabon"/>{{,}}<ref name="Dédéyan 120"/>. Très tôt, Tigrane tisse des liens avec {{souverain2|Mithridate VI}}, roi du [[royaume du Pont|Pont]]<ref name="Dédéyan 120" />.


Après la mort de {{souverain3|Mithridate II de Parthie}}, en {{date|88 av. J.-C.}}, Tigrane tire avantage de la faiblesse de l'empire parthe, à la suite d'incursions [[scythes]] et de divisions internes. Jusqu'en {{date|85 av. J.-C.}}<ref name="iranica"/>, rejetant la vassalité de l'Arménie, il récupère les soixante-dix vallées de sa liberté, impose sa suzeraineté sur l'[[Atropatène]], l'[[Adiabène]], la [[Gordyène]], l'[[Osroène]] et une partie de la haute [[Mésopotamie]], et prend le titre de « roi des rois », réservé aux souverains parthes<ref name="Dédéyan 121">{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=121}}.</ref>.
==== Apogée sous Tigrane II ====
[[Image:Artaxiad Armenia 80BC-fr.svg|thumb|left|upright=1.7|Expansion maximale de l'Arménie sous Tigrane II<ref>L'emplacement de Tigranakert sur cette carte est approximatif, peu de fouilles ayant été menées dans la région où elle aurait été localisée. Cf. Gérard Dédéyan, ''op. cit.'', p. 123-124.</ref>.]]
[[Image:TigranStatue.jpg|thumb|right|Statue de Tigrane II à [[Erevan]].]]


[[Fichier:Antiochia, tigranes II, tetradracma, 83-69 ac ca.JPG|alt=tigran|vignette|Monnaie de {{souverain-|Tigrane II}}.]]
Lorsque [[Tigrane II d'Arménie|Tigrane II]] prend le pouvoir, avec l'aide et sous vassalité parthe<ref name="Dédéyan 120">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 120.</ref>, la base de la puissance arménienne à venir est déjà en place, grâce aux actions de ses prédécesseurs. Cependant, les montagnes arméniennes forment des barrières naturelles entre les différentes régions du pays, augmentant l'influence des [[nakharar]]k locaux. Cette situation ne convient pas à Tigrane, à la volonté plus centralisatrice ; le souverain se lance alors dans une œuvre de consolidation du pouvoir royal en Arménie même<ref name="iranica"/>{{,}}<ref name="Badmoutioun Hayots, Volume I">{{hy}} Mihran Kurdoghlian, ''Badmoutioun Hayots, Volume I'', Hradaragoutioun Azkayin Oussoumnagan Khorhourti, Athènes, 1994, p. 67-76.</ref>. Il dépose également Artanès, [[souverains de Sophène|souverain]] du royaume arménien de [[Sophène]]<ref name="Strabon"/>{{,}}<ref name="Dédéyan 120"/>. Très tôt, Tigrane tisse des liens avec [[Mithridate VI]], roi du [[royaume du Pont|Pont]]<ref name="Dédéyan 120" />.


En {{date|83 av. J.-C.}}, après une lutte sanglante entre [[Séleucides]] pour le trône de Syrie, les Syriens décident de faire de Tigrane le protecteur du royaume et lui offrent la couronne<ref>{{Lien web|langue=en|auteur1=Gevork Nazaryan|url=http://www.hyeetch.nareg.com.au/armenians/prominent_p5.html|titre=King {{souverain-|Tigran II}} - The Great|site=hyeetch.nareg.com.au|consulté le=20 juillet 2008}}.</ref>. Il conquiert donc ce pays, non sans mal, ainsi que la [[Phénicie]], la [[Cilicie]] et la [[Commagène]]<ref name="Dédéyan 121"/>. À la suite de ces conquêtes, le territoire contrôlé par Tigrane va du [[Caucase]] et des [[Chaîne pontique|Alpes pontiques]] jusqu'au nord de l'[[Irak]] et s'étend en [[Syrie]], jusqu'à [[Acre (Israël)|Ptolemaïs]]<ref>[[Appien]] le fait cependant descendre jusqu'aux frontières de l'[[Égypte]] : Appien, ''Syr.'', {{XI}}, 8.48.</ref>, et de la [[mer Caspienne]] à la [[mer Méditerranée]].
Après la mort de [[Mithridate II de Parthie]], en [[-88]], Tigrane tire avantage de la faiblesse de l'empire parthe, à la suite d'incursions [[scythes]] et de divisions internes. Jusqu'en [[-85]]<ref name="iranica"/>, rejetant la vassalité de l'Arménie, il récupère les soixante-dix vallées de sa liberté, impose sa suzeraineté sur l'[[Atropatène]], l'[[Adiabène]], la [[Gordyène]], l'[[Osroène]] et une partie de la haute [[Mésopotamie]], et prend le titre de « roi des rois », réservé aux souverains parthes<ref name="Dédéyan 121">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 121.</ref>.


Tigrane, repu de conquêtes, aspire à la paix mais se voit impliqué dans le conflit renaissant entre [[Rome antique|Rome]] et {{souverain2|Mithridate VI}} en {{date|74 av. J.-C.}} : après les victoires de [[Lucullus]] contre Mithridate, celui-ci se réfugie chez Tigrane qui refuse de le livrer aux Romains. Ceux-ci envahissent ses États, et Lucullus s'empare de sa toute neuve capitale, [[Tigranakert|Tigranocerte]] en {{date|69 av. J.-C.}}<ref name="Badmoutioun Hayots, Volume I"/>. La même année, les forces combinées de Mithridate et de Tigrane rencontrent les troupes de Lucullus devant [[Artachat|Artaxate]], l'ancienne capitale. Mais à la suite de lourdes pertes, les légions romaines se révoltent<ref name="Badmoutioun Hayots, Volume I"/>, et Lucullus se retire vers le sud<ref>{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=131}}.</ref>. Ce qui consiste malgré tout un échec de Lucullus lui vaut son rappel à Rome et son remplacement par [[Pompée]].
En [[-83]], après une lutte sanglante entre [[Séleucides]] pour le trône de Syrie, les Syriens décident de faire de Tigrane le protecteur du royaume et lui offrent la couronne<ref>{{en}} Gevork Nazaryan, {{lien web|url=http://www.hyeetch.nareg.com.au/armenians/prominent_p5.html|titre=« King Tigran II - The Great » sur Hye Etch|consulté le=20 juillet 2008}}.</ref>. Il conquiert donc ce pays, non sans mal, ainsi que la [[Phénicie]], la [[Cilicie]] et la [[Commagène]]<ref name="Dédéyan 121"/>. À la suite de ces conquêtes, le territoire contrôlé par Tigrane va du [[Caucase]] et des [[Chaîne pontique|Alpes pontiques]] jusqu'au nord de l'[[Irak]] et s'étend en [[Syrie]], jusqu'à [[Acre (Israël)|Ptolemaïs]]<ref>[[Appien]] le fait cependant descendre jusqu'aux frontières de l'[[Égypte]] : Appien, ''Syr.'', XI, 8.48.</ref>, et de la [[mer Caspienne]] à la [[mer Méditerranée]].


Le fils de Tigrane, également nommé [[Tigrane le Jeune|Tigrane]], se rebelle alors contre son père mais échoue et se réfugie à la cour du roi parthe {{souverain2|Phraatès III}}{{sfn|Chaumont|2001-2002|p=227|loc=|id=}}. Après une seconde tentative infructueuse, il se réfugie auprès de Pompée<ref name="Dédéyan 132">{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=132}}.</ref>. Tigrane a alors récupéré une bonne portion de son territoire, et est définitivement en froid avec Mithridate{{sfn|Chaumont|2001-2002|p=229|loc=|id=}}. En {{date|66 av. J.-C.}}, Pompée entre en Arménie avec Tigrane le Jeune. Tigrane, alors âgé d'environ soixante-quinze ans, se rend, dépose son diadème aux pieds de Pompée et se prosterne devant lui ; il est toutefois traité généreusement par Pompée, qui le relève et lui rend son diadème{{sfn|Chaumont|2001-2002|p=230|loc=|id=}}. Cédant la [[Cappadoce]] et la Sophène, il rachète les restes de son royaume<ref name="Dédéyan 132"/>. Désormais allié de Rome, {{souverain-|Tigrane II}} continue de régner sur l'Arménie jusqu'à sa mort, en {{date|55 av. J.-C.}}<ref>{{en}} J.F.C. Fuller, ''Julius Caesar: Man, Soldier, and Tyrant'', Da Capo Press, 1991 {{ISBN|0306804220}}, {{p.}}45.</ref>.
Tigrane, repu de conquêtes, aspire à la paix mais se voit impliqué dans le conflit renaissant entre [[Rome antique|Rome]] et [[Mithridate VI]] en [[-74]] : après les victoires de [[Lucullus]] contre Mithridate, celui-ci se réfugie chez Tigrane qui refuse de le livrer aux Romains. Ceux-ci envahissent ses États, et Lucullus s'empare de sa toute neuve capitale, [[Tigranakert|Tigranocerte]] en [[-69]]<ref name="Badmoutioun Hayots, Volume I"/>. La même année, les forces combinées de Mithridate et de Tigrane rencontrent les troupes de Lucullus devant [[Artashat|Artaxate]], l'ancienne capitale. Mais à la suite de lourdes pertes, les légions romaines se révoltent<ref name="Badmoutioun Hayots, Volume I"/>, et Lucullus se retire vers le sud<ref>Gérard Dédéyan, ''op. cit.'', p. 131.</ref>. Ce qui consiste malgré tout un échec de Lucullus lui vaut son rappel à Rome et son remplacement par [[Pompée]].

Le fils de Tigrane, également nommé Tigrane, se rebelle alors contre son père mais échoue et se réfugie à la cour du roi parthe [[Phraatès III]]<ref>Marie-Louise Chaumont, « Tigrane le Jeune, fils de Tigrane le Grand : Révolte contre son père et captivité à Rome », dans ''Revue des études arméniennes'', vol. 28 (2001-2002), p. 227.</ref>. Après une seconde tentative infructueuse, il se réfugie auprès de Pompée<ref name="Dédéyan 132">Gérard Dédéyan, ''op. cit.'', p. 132.</ref>. Tigrane a alors récupéré une bonne portion de son territoire, et est définitivement en froid avec Mithridate<ref name="Chaumont 229">Marie-Louise Chaumont, ''op. cit.'', p. 229.</ref>. En [[-66]], Pompée entre en Arménie avec Tigrane le Jeune. Tigrane, alors âgé d'environ soixante-quinze ans, se rend, dépose son diadème aux pieds de Pompée et se prosterne devant lui ; il est toutefois traité généreusement par Pompée, qui le relève et lui rend son diadème<ref>Marie-Louise Chaumont, ''op. cit.'', p. 230.</ref>. Cédant la [[Cappadoce]] et la Sophène, il rachète les restes de son royaume<ref name="Dédéyan 132"/>. Désormais allié de Rome, Tigrane II continue de régner sur l'Arménie jusqu'à sa mort, en [[-55]]<ref>{{en}} J.F.C. Fuller, ''Julius Caesar: Man, Soldier, and Tyrant'', Da Capo Press, 1991 {{ISBN|0306804220}}, p. 45.</ref>.


==== Déclin, entre Rome et les Parthes ====
==== Déclin, entre Rome et les Parthes ====
[[Image:Queenerato.jpg|thumb|left|Érato, dernier membre régnant de la dynastie artaxiade.]]
[[:Queenerato.jpg|thumb|left|Érato, dernier membre régnant de la dynastie artaxiade.]]


Co-roi avec son père<ref>D'après Memnon d'Héraclée. Cf. {{de}} C. Müller, ''Fragmenta Historicorum Graecorum (FHG)'', III, 556.</ref>, [[Artavazde III]] succède à Tigrane II en [[-55]], en tant que roi [[clientélisme (Rome)|client]] de Rome. En [[-53]], [[Crassus]], [[proconsul (Rome)|proconsul]] de [[Syrie (province romaine)|Syrie]], décide de lancer une campagne contre les [[Parthie|Parthes]] et reçoit notamment l'aide d'Artavazde. Ce dernier se retrouve toutefois immobilisé dans son royaume par une attaque des troupes parthes d'[[Orodès II]]. Tombée dans un piège des Parthes, l'armée romaine est sévèrement battue lors de la [[bataille de Carrhes]], et Crassus est tué peu après<ref>[[Plutarque]], ''Vies parallèles des hommes illustres'', « Crassus », XLI {{lire en ligne|lien=http://users.skynet.be/remacle/Plutarque/crassus.htm|date=18 juin 2008}}.</ref>. En [[-36]], il fournit à nouveau des troupes<ref>Plutarque, ''op. cit. '', « Antoine », XXXVII {{lire en ligne|lien=http://remacle.org/bloodwolf/historiens/Plutarque/antoine.htm|date=18 juin 2008}}.</ref> à [[Marc Antoine]] lorsque ce dernier décide de mener une nouvelle campagne contre les Parthes<ref name="Dédéyan 135">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 135.</ref>. Une partie des troupes romaines est néanmoins attaquée par surprise par la cavalerie parthe, tandis qu'Artavazde préfère se retirer. Marc Antoine considère ce retrait comme une traîtrise<ref>Plutarque, ''op. cit.'', « Antoine », LIV.</ref> : en [[-34]], arrivé non loin d'[[Artachat|Artaxate]], il convoque à son camp Artavazde, le fait arrêter et envoyer en [[Égypte]] où il meurt en [[-30]]<ref name="Dédéyan 136"/>. Marc Antoine s'assure alors le contrôle de l'Arménie et impose sur le trône son fils [[Alexandre Hélios]]<ref name="Dédéyan 136">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 136.</ref>. À la suite de sa défaite lors de la [[bataille d'Actium]] en [[-31]], Marc Antoine se désengage d'Arménie<ref name="Dédéyan 136"/>, ce qui permet à [[Artaxias II]], fils d'Artavazde III, aidé par ses alliés parthes<ref name="iranica"/>, de mettre fin au règne nominal d'Alexandre Hélios et de récupérer le trône arménien en [[-30]].
Co-roi avec son père<ref>D'après Memnon d'Héraclée. Cf {{de}} C. Müller, ''Fragmenta Historicorum Graecorum (FHG)'', III, 556.</ref>, Artavazde succède à Tigrane II en 55, en tant que roi [[clientélisme (Rome)|client]] de Rome. En 53, [[Crassus]], [[ (Rome)|proconsul]] de [[Syrie (province romaine)|Syrie]], décide de lancer une campagne contre les [[Parthie|Parthes]] et reçoit notamment l'aide d'Artavazde. Ce dernier se retrouve toutefois immobilisé dans son royaume par une attaque des troupes parthes d'Orodès II. Tombée dans un piège des Parthes, l'armée romaine est sévèrement battue lors de la [[bataille de Carrhes]], et Crassus est tué peu après<ref>{{||}}.</ref>. En -, il fournit à nouveau des troupes<ref>{{||}}.</ref> à [[Marc Antoine]] lorsque ce dernier décide de mener une nouvelle campagne contre les Parthes<ref name="Dédéyan 135">Dédéyanp135.</ref>. Une partie des troupes romaines est néanmoins attaquée par surprise par la cavalerie parthe, tandis qu'Artavazde préfère se retirer. Marc Antoine considère ce retrait comme une traîtrise<ref>AntoineLIV.</ref> : en 34, arrivé non loin d'[[Artachat|Artaxate]], il convoque à son camp Artavazde, le fait arrêter et envoyer en [[Égypte]] où il meurt en 30<ref name="Dédéyan 136"/>. Marc Antoine s'assure alors le contrôle de l'Arménie et impose sur le trône son fils [[Alexandre Hélios]]<ref name="Dédéyan 136">Dédéyanp136.</ref>. À la suite de sa défaite lors de la [[bataille d'Actium]] en -, Marc Antoine se désengage d'Arménie<ref name="Dédéyan 136"/>, ce qui permet à Artaxias II, fils d'Artavazde , aidé par ses alliés parthes<ref name="iranica"/>, de mettre fin au règne nominal d'Alexandre Hélios et de récupérer le trône arménien en 30.


[[Auguste]] ne voit cependant pas d'un bon œil ce roi pro-parthe et charge en [[-20]] [[Tibère]] de le remplacer par son frère cadet [[Tigrane III]]<ref name="Chaumont 74">Marie-Louise Chaumont, « L'Arménie entre Rome et L'Iran : I de l'avènement d'Auguste à l'avènement de Dioclétien », dans ''[[Aufstieg und Niedergang der römischen Welt]]'', II, 9.1, 1976, p. 74.</ref>. Le règne de ce dernier, ex-otage d'Auguste<ref name="Chaumont 74"/>, correspond à l'établissement pacifique du protectorat romain en Arménie<ref>René Grousset, ''op. cit.'', p. 104.</ref>. À sa mort en [[-6]], une lutte de succession s'engage entre d'une part ses enfants [[Tigrane IV]] et [[Érato d'Arménie|Érato]], pro-parthes, et d'autre part [[Artavazde IV]], pro-romain<ref name="Dédéyan 137">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 137.</ref>, probablement un autre de ses frères<ref name="Toumanoff"/>. Auguste tire alors profit de la division de la cour arménienne et impose Artavazde IV<ref name="Tacite">[[Tacite]], ''[[Annales]]'', Livre II, chapitre III {{lire en ligne|lien=http://remacle.org/bloodwolf/historiens/tacite/annales2.htm|date=18 juin 2008}}.</ref>. Face à la rébellion alimentée par le roi parthe [[Phraatès IV]]<ref name="Dédéyan 137"/>, Artavazde semble ne pas avoir réussi à se maintenir très longtemps sur le trône<ref>Marie-Louise Chaumont, ''op. cit.'', p. 76.</ref>, et Tigrane et Érato sont restaurés.
[[Auguste]] ne voit cependant pas d'un bon œil ce roi pro-parthe et charge en 20 [[Tibère]] de le remplacer par son frère cadet Tigrane IIIChaumont1976p74. Le règne de ce dernier, ex-otage d'AugusteChaumont74, correspond à l'établissement pacifique du protectorat romain en ArménieGroussetp104>. À sa mort en -, une lutte de succession s'engage entre d'une part ses enfants Tigrane IV et [[Érato d'Arménie|Érato]], pro-parthes, et d'autre part Artavazde , pro-romain<ref name="Dédéyan 137">Dédéyanp137.</ref>, probablement un autre de ses frères<ref name="Toumanoff"/>. Auguste tire alors profit de la division de la cour arménienne et impose Artavazde <ref name="Tacite">, {{}}.</ref>. Face à la rébellion alimentée par le roi parthe Phraatès IV<ref name="Dédéyan 137"/>, Artavazde semble ne pas avoir réussi à se maintenir très longtemps sur le trôneChaumontp76, et Tigrane et Érato sont restaurés.


Cependant, lorsque Auguste envoie son petit-fils [[Caius Julius Caesar Vipsanianus|Caius César]] régler les affaires d'Arménie en [[1]], Tigrane est déjà mort, ayant été tué au cours d'une expédition contre les barbares, et Érato a abdiqué<ref>[[Dion Cassius]], ''Histoire romaine'', Livre LV, chapitre 10 {{lire en ligne|lien=http://remacle.org/bloodwolf/historiens/Dion/livre55fr.htm|date=18 juin 2008}}.</ref>. Caius rencontre néanmoins [[Phraatès V]] sur l'[[Euphrate]], et Parthes et Romains se mettent d'accord : l'Arménie revient sous l'autorité de Rome, qui lui donne pour nouveau roi [[Ariobarzane II d'Atropatène]]<ref name="Dédéyan 137"/>. Après les courts règnes de ce dernier ([[1]] à [[4]]) et de son fils [[Artavazde V Ariobarzane|Artavazde V]] ([[4]] à [[6]]<ref name="Toumanoff"/>), Auguste impose un autre roi étranger, [[Tigrane V Hérode]]<ref>Marie-Louise Chaumont, ''op. cit.'', p. 83.</ref>. Ce n'est qu'à la déposition de ce dernier par les nobles arméniens (vers [[12]]<ref>La date est très incertaine, cf. Gérard Dédéyan (dir.), ''ibid.''</ref>) qu'Érato remonte sur le trône, ultime sursaut de la dynastie artaxiade, alors que le pays sombre dans l'anarchie<ref>Marie-Louise Chaumont, ''op. cit.'', p. 84.</ref>. La même année, un roi parthe renversé, [[Vononès Ier|Vononès {{Ier}}]], se voit offrir le trône arménien<ref name="iranica"/>. Il devient ainsi le premier roi [[Arsacides (Arménie)|arsacide]] d'Arménie.
Cependant, lorsque Auguste envoie son petit-fils [[Caius Julius Caesar Vipsanianus|Caius César]] régler les affaires d'Arménie en [[1]], Tigrane est déjà mort, ayant été tué au cours d'une expédition contre les barbares, et Érato a abdiqué<ref>[[Dion Cassius]], ''Histoire romaine'', Livre LV, chapitre 10 {{lire en ligne|lien=http://remacle.org/bloodwolf/historiens/Dion/livre55fr.htm|date=18 juin 2008}}.</ref>. Caius rencontre néanmoins Phraatès V sur l'[[Euphrate]], et Parthes et Romains se mettent d'accord : l'Arménie revient sous l'autorité de Rome, qui lui donne pour nouveau roi Ariobarzane II d'Atropatène<ref name="Dédéyan 137"/>. Après les courts règnes de ce dernier ([[1]] à [[4]]) et de son fils Artavazde Ariobarzane ([[4]] à [[6]]<ref name="Toumanoff"/>), Auguste impose un autre roi étranger, Tigrane V HérodeChaumontp83. Ce n'est qu'à la déposition de ce dernier par les nobles arméniens (vers [[12]]<ref>La date est très incertaine, cf Gérard Dédéyan (dir.), ibid.</ref>) qu'Érato remonte sur le trône, ultime sursaut de la dynastie artaxiade, alors que le pays sombre dans l'anarchieChaumontp84. La même année, un roi parthe renversé, |Vononès Ier}}, se voit offrir le trône arménien<ref name="iranica"/>. Il devient ainsi le premier roi [[Arsacides (Arménie)|arsacide]] d'Arménie.

=== Généalogie des Artaxiades ===
Cyrille Toumanoff propose la généalogie suivante<ref>{{Harvsp|Toumanoff|1990|p=93-98}}.</ref> :
{{Arbre généalogique/début|align=center}}
{{Arbre généalogique| | | | | | | | | | | | | | | | | ZAR | | | | | | | | | | | | | border=1 | ZAR=<small>Zariadrès</small>}}
{{Arbre généalogique| | | | | | | | | | | | | | | | | |!| | | | | | | | | | | | | |}}
{{Arbre généalogique| | | | | | | | | | | | | | | | | ART | | | | | | | | | | | | | border=1
|ART=<small>{{souverain2|Artaxias Ier}}<br />roi d'Arménie<br />(-188-159)</small>}}
{{Arbre généalogique| | | | | | | | | | | | | |,|-|-|-|^|-|-|-|-|-|.| | | | | | | |}}
{{Arbre généalogique| | | | | | | | | | | | | TIG | | | | | | | | ART | | | | | MIR | | | | border=1
| TIG=<small>{{souverain2|Tigrane Ier}}<br />roi d'Arménie<br />(-149-123) ou (-123-95)</small>
| ART=<small>{{souverain2|Artavazde Ier d'Arménie}}<br />roi d'Arménie<br />(-159-149 ou -123) </small>
| MIR=<small>{{souverain2|Mirvan Ier d'Ibérie}}<br />roi d'Ibérie<br />(30-20)</small>}}
{{Arbre généalogique| | | | | | | |F|~|~|~|ÿ|-|^|-|.| | | | | | | |!| | | |,|-|-|^|-|-|.| |}}
{{Arbre généalogique| | | | | | | ART | | TIG | | GUR | | | | | | ARC |v| NE1 | | | | PAR | border=1
| TIG=<small>{{souverain2|Tigrane II d'Arménie}}<br />roi d'Arménie<br />(-95-55)</small>
| GUR=<small>Guras<br />vice-roi de Mygdonie</small>
| ART=<small>[[Artavazde (II)|Artavazde ({{II}})]]<br />roi d'Arménie ?<br />(-123-95)</small>
| ARC=<small>{{souverain2|Artaxias Ier d'Ibérie}}<br />roi d'Ibérie<br />(-90-78)</small>
| NE1=<small>Ne</small>
| PAR=<small>{{souverain2|Parnadjom Ier}}<br />roi d'Ibérie<br />(-109-90)</small>}}
{{Arbre généalogique| |,|-|-|-|v|-|-|-|v|-|^|-|v|-|-|-|v|-|-|-|Ÿ|~|~|~|!|~|~|~|7| | | |!| |}}
{{Arbre généalogique| ARY | | ZAR | | TIG | | AR2 | | NE1 | | NE2 | | ART | | |:| | | |!| | border=1
| ART=<small>{{souverain2|Artocès Ier}}<br />roi d'Ibérie<br />(-78-63)</small>
| ARY=<small>Aryazate-Automé<br />ép. {{souverain2|Mithridate II de Parthie}}<br />roi des Parthes</small>
| ZAR=<small>Zariadrès</small>
| TIG=<small>Tigrane le Jeune<br />[[Sophène|roi de Sophène]]<br />(-65)</small>
| AR2=<small>{{souverain2|Artavazde II}}<br />roi d'Arménie<br />(-55-34)</small>
| NE1=<small>Ne<br />{{souverain2|Mithridate Ier d'Atropatène}}<br />[[Atropatène|roi de Médie]]</small>
| NE2=<small>Ne<br />ép. {{souverain2|Pacorus Ier}}<br />roi des Parthes</small>}}
{{Arbre généalogique| |,|-|-|-|v|-|-|-|v|-|-|-|+|-|-|-|.| | | | | | | |!| | | |:| | | |!| |}}
{{Arbre généalogique| ART | | TIG | | ARZ | | NE1 | | NE2 | | | | | | BAR |v| NE3 |v| MIR | border=1
| ART=<small>{{souverain2|Artaxias II}}<br />roi d'Arménie<br />(-33-20)</small>
| TIG=<small>{{souverain2|Tigrane III}}<br />roi d'Arménie<br />(-20-6)</small>
| ARZ=<small>{{souverain2|Artavazde III}}<br />roi d'Arménie<br />(-6)</small>
| NE1=<small>Ne<br />demandée en mariage<br /> pour [[Alexandre Hélios]]</small>
| NE2=<small>Ne<br />ép. fils de {{souverain2|Déiotaros|Déiotaire Ier}}<br />roi de [[Galatie]]</small>
| MIR=<small>{{souverain2|Mirvan II d'Ibérie}}<br />roi d'Ibérie<br />(-30-20)</small>
| NE3=<small>Ne</small>
| BAR=<small>{{souverain2|Pharnabaze II}}<br />roi d'Ibérie<br />(-63-30)</small>}}
{{Arbre généalogique| | | |,|-|^|-|.| | | | | | | | | | | | | | | | | | | |!| | | |!| | | |}}
{{Arbre généalogique| | | TIG |-| ERA | | | | | | | | | | | | | | | | | | NE1 | | ARC | | | border=1
| TIG=<small>{{souverain2|Tigrane IV}}<br />roi d'Arménie<br />(-6+1)</small>
| ERA=<small>[[Érato d'Arménie|Érato]]<br />reine d'Arménie<br />(-6+1) et (+12)</small>
| NE1=<small>Ne<br />ép. [[Kartam d'Egrissi]]</small>
| ARC=<small>{{souverain2|Artaxias II d'Ibérie}}<br />roi d'Ibérie<br />(-20+1)</small>}}
{{Arbre généalogique/fin}}


=== Société et culture ===
=== Société et culture ===
Sous les souverains artaxiades, la société et la culture arméniennes, dans nombre de leurs aspects, continuent à subir l'influence [[Empire perse|perse]]. Mais dans le même temps, et parfois de manière voulue, elles s'ouvrent de manière croissante à l'influence [[époque hellénistique|hellénistique]]<ref name="iranica"/>. Cette conjonction s'illustre particulièrement sous le règne de {{souverain2|Tigrane II d'Arménie}}{{sfn|Grousset|1947|p=91|loc=|id=}}.


L'influence perse sur l'Arménie a débuté sous la période [[Mèdes|mède]] et s'est poursuivie sous les [[Achéménides]], en particulier sous le règne de {{souverain2|Darius Ier}}, touchant jusqu'à la [[arménien|langue arménienne]]{{sfn|Grousset|1947|p=116|loc=|id=}}. Le mouvement a continué sous les [[Orontides]], et est toujours marqué à l'époque artaxiade. Les souverains de cette dynastie portent ainsi des noms d'origine [[Persan|perse]], comme « Artaxias » et « Tigrane »{{sfn|Grousset|1947|p=83|loc=|id=}} ; il en va de même en [[toponymie]]. Le mode de vie des dirigeants se calque également sur celui des [[Satrape|satrapes perses]], avec la construction de somptueuses demeures agrémentées de [[parc animalier|parcs animaliers]] privés (des « paradis »<ref>{{iranica|url=articles/armeno-iranian-relations-in-the-pre-islamic-period|article=Armeno-Iranian relations in the pre-Islamic period|auteur=Nina Garsoian|date=16 décembre 2011}}.</ref>)<ref name="Dédéyan 106">{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=106}}.</ref>. Le [[zoroastrisme]] influence en outre considérablement le [[paganisme arménien]]{{sfn|Grousset|1947|p=117|loc=|id=}}, avec par exemple [[Aramazd]], le dieu suprême du panthéon local, ou [[Anahit]], déesse de la fécondité, inspirés respectivement par [[Ahura Mazda]] et [[Anahita]]<ref name="Dédéyan 108">{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=108}}.</ref>. Sous {{souverain-|Tigrane II}}, le caractère perse se retrouve de manière importante au niveau de l'organisation de l'État{{sfn|Grousset|1947|p=89|loc=|id=}}. Son vaste territoire connaît une organisation variée, certaines régions conservant le statut qu'elles connaissaient sous les rois parthes{{sfn|Grousset|1947|p=87|loc=|id=}}. Appelé « roi des rois », un titre parthe<ref name="iranica"/>, Tigrane reprend le principe de la monarchie absolue perse ; il est décrit comme n'apparaissant jamais en public sans être accompagné de quatre rois vassaux<ref name="Dédé_126">{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=126}}.</ref>, et il est représenté coiffé d'une [[tiare]], d'inspiration iranienne{{sfn|Grousset|1947|p=89-90|loc=|id=}}. Et quand Tigrane dépose son diadème aux pieds de [[Pompée]] en {{date|66 av. J.-C.}}, il ne fait que respecter une coutume parthe applicable aux rois vaincus<ref name="Dédéyan 134"/>. {{souverain-|Tigrane IV}} et Érato, de par leur union, illustrent également la persistance de l'influence iranienne{{sfn|Chaumont|1976|p=76|loc=note 29|id=}}.
Sous les souverains artaxiades, la société et la culture arméniennes, dans nombre de leurs aspects, continuent à subir l'influence [[perse]]. Mais dans le même temps, et parfois de manière voulue, elles s'ouvrent de manière croissante à l'influence [[époque hellénistique|hellénistique]]<ref name="iranica"/>. Cette conjonction s'illustre particulièrement sous le règne de [[Tigrane II d'Arménie|Tigrane II]]<ref>René Grousset, ''op. cit.'', p. 91.</ref>.


En parallèle avec ce processus, l'hellénisme fait son apparition en Arménie avec le passage sous suzeraineté [[Séleucides|séleucide]] du pays (début du {{-s|III|e}}) et se manifeste au niveau de l'[[urbanisme]] : si les cités fondées par les Orontides, [[Ervandachat]] et Ervandakert, présentent encore largement des caractéristiques achéménides, on y retrouve également des influences hellénisantes{{sfn|Dédéyan|2007|p=111}}. La tendance est plus forte en [[Sophène]], plus proche de la [[Cappadoce]], avec la ville d'Arsamosate<ref name="Dédéyan 113">{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=113-114}}.</ref>. Cette influence sur l'urbanisme s'accroît sous les Artaxiades : les fouilles effectuées à [[Artachat]], la nouvelle capitale, ont révélé des éléments dignes d'une métropole hellénistique<ref name="Dédéyan 117">{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=117}}.</ref>{{,}}<ref>{{en}} {{Ouvrage|auteur=Anne Elizabeth Redgate|titre=The Armenians|éditeur=Blackwell Publishing|année=2000|lieu=Oxford|collection=The Peoples of Europe|isbn=0-631-22037-2|passage=84}}.</ref>. Le [[grec ancien|grec]] fait sous la dynastie orontide sa première apparition dans des inscriptions sur des rochers (à [[Armavir (Arménie)|Armavir]], contenant notamment des vers d'[[Euripide]])<ref name="Dédéyan 112">{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=112}}.</ref>. Sous les Artaxiades, il est, avec l'[[araméen]], l'une des deux langues de l'administration<ref name="Dédéyan 117"/>.
L'influence perse sur l'Arménie a débuté sous la période [[Mèdes|mède]] et s'est poursuivie sous les [[Achéménides]], en particulier sous le règne de [[Darius Ier|Darius {{Ier}}]], touchant jusqu'à la [[arménien|langue arménienne]]<ref>René Grousset, ''op. cit.'', p. 116.</ref>. Le mouvement a continué sous les [[Dynastie orontide|Orontides]], et est toujours marqué à l'époque artaxiade. Les souverains de cette dynastie portent ainsi des noms d'origine [[perse]], comme « Artaxias » et « Tigrane »<ref>René Grousset, ''op. cit.'', p. 83.</ref> ; il en va de même en [[toponymie]]. Le mode de vie des dirigeants se calque également sur celui des [[Satrape (Perse)|satrapes perses]], avec la construction de somptueuses demeures agrémentées de [[parc animalier|parcs animaliers]] privés (des « paradis »<ref>{{en}} {{lien web|url=http://www.iranica.com/newsite/articles/unicode/ot_grp5/ot_armeno_iran_rel_20041020.html|titre=« Armeno-Iranian relations in the pre-Islamic period » dans ''Encyclopædia Iranica''|consulté le=20 juillet 2008}}.</ref>)<ref name="Dédéyan 106">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 106.</ref>. Le [[zoroastrisme]] influence en outre considérablement le [[religion païenne arménienne|paganisme arménien]]<ref>René Grousset, ''op. cit.'', p. 117.</ref>, avec par exemple [[Aramazd]], le dieu suprême du panthéon local, ou [[Anahit]], déesse de la fécondité, inspirés respectivement par [[Ahura Mazda]] et [[Anahita]]<ref name="Dédéyan 108">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 108.</ref>. Sous Tigrane II, le caractère perse se retrouve de manière importante au niveau de l'organisation de l'État<ref name="Grousset 89">René Grousset, ''op. cit.'', p. 89.</ref>. Son vaste territoire connaît une organisation variée, certaines régions conservant le statut qu'elles connaissaient sous les rois parthes<ref>René Grousset, ''op. cit.'', p. 87.</ref>. Appelé « roi des rois », un titre parthe<ref name="iranica"/>, Tigrane reprend le principe de la monarchie absolue perse ; il est décrit comme n'apparaissant jamais en public sans être accompagné de quatre rois vassaux<ref>Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 126.</ref>, et il est représenté coiffé d'une [[tiare]], d'inspiration iranienne<ref>René Grousset, ''op. cit.'', p. 89-90.</ref>. Et quand Tigrane dépose son diadème aux pieds de [[Pompée]] en [[-66]], il ne fait que respecter une coutume parthe applicable aux rois vaincus<ref>Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 134.</ref>. Tigrane IV et Érato, de par leur union, illustrent également la persistance de l'influence iranienne<ref>Marie-Louise Chaumont, ''op. cit.'', p. 76, note 29.</ref>.


Le règne de {{souverain-|Tigrane II}} va donner un coup d'accélérateur à l'hellénisation : afin de renforcer l'homogénéité et la centralisation de son empire disparate, Tigrane va en effet encourager le processus d'hellénisation déjà en cours en Arménie<ref>{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=123, 125}}.</ref>{{,}}<ref name="iranica"/>. Des transferts de population des cités grecques de Syrie sont effectués, en particulier au profit de [[Tigranakert]] (''Tigranocerta'' en [[latin]]), sa nouvelle capitale fondée vers {{date|78 av. J.-C.}} ; la ville compte en effet une forte population grecque et présente de nombreuses caractéristiques architecturales grecques<ref>{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=124}}.</ref> (tout en conservant certains caractères perses des résidences royales, comme la présence à proximité de terrains de chasse<ref name="iranica"/>). Le [[grec ancien|grec]] devient la langue de l'administration et de la cour, où sont invités des lettrés grecs ; on retrouve parmi ceux-ci [[Métrodore de Scepsis]], qui rédigera une ''Histoire de Tigrane''<ref name="Dédé_126"/>. Le panthéon arménien est quant à lui progressivement assimilé aux divinités grecques<ref name="Dédéyan 127">{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=127}}.</ref>. Tigrane est le premier souverain arménien à frapper monnaie<ref>Un [[Orontides|Orontide]] (Orontès) a frappé monnaie avant lui, mais en tant que [[satrape]] de [[Mysie]] (et non d'Arménie). {{Cf|maj}} {{iranica|url=articles/orontes|article=Orontes|auteur=Rüdiger Schmitt|date=16 décembre 2011}}.</ref>, s'inspirant probablement de la tradition séleucide. Ses pièces sont frappées à [[Antioche]] et à [[Damas]] et consistent en [[Drachme antique grecque|tétradrachmes]] (en argent) et en pièces de cuivre, ainsi que d'or. Son portrait, surmonté d'une [[tiare]], orne l'une des deux faces ; sur l'autre figure la [[Tyché]] d'Antioche, avec, à ses pieds, le dieu-fleuve [[Oronte]]<ref name="Hellenistic Coinage">{{en}} Otto Mørkholm, ''Early Hellenistic Coinage from the Accession of Alexander to the Peace of Apamaea'', Cambridge University, 1991 {{ISBN|0521395046}}, {{p.}}176.</ref>. L'armée n'échappe pas au mouvement d'hellénisation : à côté des [[archer]]s et des [[fronde (arme)|fronde]]urs, des [[hoplite]]s font leur apparition au sein de l'[[infanterie]]<ref name="Dédéyan 127"/> ; la [[cavalerie]] légère se voit toutefois complétée d'une cavalerie lourde de [[cataphractaire]]s, à la parthe{{sfn|Chaumont|1976|p=72|loc=|id=}}. Quant au successeur de {{souverain-|Tigrane II}}, {{souverain-|Artavazde II}}, pétri de culture hellénistique, il a laissé des tragédies et des récits historiques<ref name="brit">{{Lien web|langue=en|url=http://www.britannica.com/EBchecked/topic/36733/Artavasdes-II|titre=« {{souverain-|Artavasdes II}} » sur ''Encyclopædia britannica''|consulté le=20 juillet 2008}}.</ref>, aujourd'hui perdus<ref name="Dédéyan 134">{{Harvsp|Dédéyan|2007|p=134}}.</ref>.
[[Image:Tigranes.jpg|thumb|right||upright=1.5|Pièce à l'effigie de Tigrane le Grand, portant ''ΒΑΣΙΛΕΩΣ ΤΙΓΡΑΝΟΥ'' (« du Basileus Tigrane »).]]

En parallèle avec ce processus, l'hellénisme fait son apparition en Arménie avec le passage sous suzeraineté [[Séleucides|séleucide]] du pays (début du {{-s|III|e}}) et se manifeste au niveau de l'[[urbanisme]] : si les cités fondées par les Orontides, [[Ervandachat]] et Ervandakert, présentent encore largement des caractéristiques achéménides, on y retrouve également des influences hellénisantes<ref name="Dédéyan 111">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 111.</ref>. La tendance est plus forte en [[Sophène]], plus proche de la [[Cappadoce]], avec la ville d'Arsamosate<ref name="Dédéyan 113">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 113-114.</ref>. Cette influence sur l'urbanisme s'accroît sous les Artaxiades : les fouilles effectuées à [[Artashat]], la nouvelle capitale, ont révélé des éléments dignes d'une métropole hellénistique<ref name="Dédéyan 117">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 117.</ref>{{,}}<ref>{{en}} {{Ouvrage|auteur=Anne Elizabeth Redgate|titre=The Armenians|éditeur=Blackwell Publishing|année=2000|lieu=Oxford|collection=The Peoples of Europe|isbn=0-631-22037-2|passage=84}}.</ref>. Le [[grec ancien|grec]] fait sous la dynastie orontide sa première apparition dans des inscriptions sur des rochers (à [[Armavir (Arménie)|Armavir]], contenant notamment des vers d'[[Euripide]])<ref name="Dédéyan 112">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 112.</ref>. Sous les Artaxiades, il est, avec l'[[araméen]], l'une des deux langues de l'administration<ref name="Dédéyan 117"/>.

Le règne de Tigrane II va donner un coup d'accélérateur à l'hellénisation : afin de renforcer l'homogénéité et la centralisation de son empire disparate, Tigrane va en effet encourager le processus d'hellénisation déjà en cours en Arménie<ref>Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 123, 125.</ref>{{,}}<ref name="iranica"/>. Des transferts de population des cités grecques de Syrie sont effectués, en particulier au profit de [[Tigranakert]] (''Tigranocerta'' en [[latin]]), sa nouvelle capitale fondée vers [[-78]] ; la ville compte en effet une forte population grecque et présente de nombreuses caractéristiques architecturales grecques<ref>Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 124.</ref> (tout en conservant certains caractères perses des résidences royales, comme la présence à proximité de terrains de chasse<ref name="iranica"/>). Le [[grec ancien|grec]] devient la langue de l'administration et de la cour, où sont invités des lettrés grecs ; on retrouve parmi ceux-ci [[Métrodore de Scepsis]], qui rédigera une ''Histoire de Tigrane''<ref>Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 126.</ref>. Le panthéon arménien est quant à lui progressivement assimilé aux divinités grecques<ref name="Dédéyan 127">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 127.</ref>. Tigrane est le premier souverain arménien à frapper monnaie<ref>Un [[Dynastie orontide|Orontide]] (Orontès) a frappé monnaie avant lui, mais en tant que [[satrape (Perse)|satrape]] de [[Mysie]] (et non d'Arménie). Cf. {{en}} {{lien web|url=http://www.iranica.com/articles/sup/Orontes.html|titre=« Orontes » (2), dans ''Encyclopædia Iranica''|consulté le=20 juillet 2008}}.</ref>, s'inspirant probablement de la tradition séleucide. Ses pièces sont frappées à [[Antioche]] et à [[Damas]] et consistent en [[tétradrachme]]s (en argent) et en pièces de cuivre, ainsi que d'or. Son portrait, surmonté d'une [[tiare]], orne l'une des deux faces ; sur l'autre figure la [[Tyché]] d'Antioche, avec, à ses pieds, le dieu-fleuve [[Oronte]]<ref name="Hellenistic Coinage">{{en}} Otto Mørkholm, ''Early Hellenistic Coinage from the Accession of Alexander to the Peace of Apamaea'', Cambridge University, 1991 {{ISBN|0521395046}}, p. 176.</ref>. L'armée n'échappe pas au mouvement d'hellénisation : à côté des [[archer]]s et des [[fronde]]urs, des [[hoplite]]s font leur apparition au sein de l'[[infanterie]]<ref name="Dédéyan 127"/> ; la [[cavalerie]] légère se voit toutefois complétée d'une cavalerie lourde de [[cataphractaire]]s, à la parthe<ref>Marie-Louise Chaumont, ''op. cit.'', p. 72.</ref>. Quant au successeur de Tigrane II, Artavazde III, pétri de culture hellénistique, il a laissé des tragédies et des récits historiques<ref name="brit">{{en}} {{lien web|url=http://www.britannica.com/EBchecked/topic/36733/Artavasdes-II|titre=« Artavasdes II » sur ''Encyclopædia britannica''|consulté le=20 juillet 2008}}.</ref>, aujourd'hui perdus<ref name="Dédéyan 134">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 134.</ref>.


=== Économie ===
=== Économie ===
[[Image:Vineyard in Montone.jpg|thumb|La vigne, dont la culture se développe en Arménie au {{-s-|I|er}}, sous les Artaxiades.]]
[[:Vineyard in Montone.jpg|thumb|La vigne, dont la culture se développe en Arménie au {{-s-|I|er}}, sous les Artaxiades.]]


Sous les Artaxiades, l'économie arménienne reste essentiellement telle qu'elle était : une économie agricole produisant des céréales, des fruits (dont la [[vigne]] dès le {{-s|I|er}}), etc<ref name="Dédéyan 128">Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 128.</ref>. Le pays connaît également l'élevage du bétail, et ses chevaux sont recherchés.
Sous les Artaxiades, l'économie arménienne reste essentiellement telle qu'elle était : une économie agricole produisant des céréales, des fruits (dont la [[vigne]] dès le {{-s|I|er}}), etc<ref name="Dédéyan 128">Dédéyanp128.</ref>. Le pays connaît également l'élevage du bétail, et ses chevaux sont recherchés.


L'industrie minière se développe avec la période hellénistique, qui voit notamment l'exploitation de gisements de [[naphta|naphte]]. La production locale fournit également du sandyx (« couleur d'Arménie », une teinte d'[[ocre]]), de l'[[orpiment]], du [[borax]] et de l'''armenium'' ([[carbonate]] de [[cuivre]])<ref name="Dédéyan 128"/>.
L'industrie minière se développe avec la période hellénistique, qui voit notamment l'exploitation de gisements de [[naphta|naphte]]. La production locale fournit également du sandyx (« couleur d'Arménie », une teinte d'[[ocre]]), de l'[[orpiment]], du [[borax]] et de l'''armenium'' ([[carbonate]] de [[cuivre]])<ref name="Dédéyan 128"/>.


Sous les Artaxiades, l'économie arménienne s'ouvre au commerce international<ref>Aram Mardirossian, ''Le livre des canons arméniens (''Kanonagirk' Hayoc''') de Yovhannēs Awjnec'i'', Peeters, Louvain, 2004 {{ISBN|90-429-1381-9}}, p. 235, note 113.</ref> et tire profit de sa situation au carrefour des axes nord-sud et est-ouest du [[Moyen-Orient]] ; le sud du pays est en effet traversé par la route de l'[[Inde]]<ref name="Grousset 89"/> et l'ancienne [[route royale]] [[Perses|perse]]<ref name="iranica"/>, et voit passer de nombreuses marchandises auxquelles la production locale se joint<ref>Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 129.</ref>. Les découvertes archéologiques indiquent que l'essentiel des échanges a lieu avec la [[Syrie]] et la [[Phénicie]]<ref>Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 130.</ref>.
Sous les Artaxiades, l'économie arménienne s'ouvre au commerce international<ref>Aram Mardirossian, ''Le livre des canons arméniens (''Kanonagirk' Hayoc''') de Yovhannēs Awjnec'i'', Peeters, Louvain, 2004 {{ISBN|90-429-1381-9}}, p.235, note 113.</ref> et tire profit de sa situation au carrefour des axes nord-sud et est-ouest du [[Moyen-Orient]] ; le sud du pays est en effet traversé par la route de l'[[Inde]]=89 et l'ancienne [[route royale]] [[Perses|perse]]<ref name="iranica"/>, et voit passer de nombreuses marchandises auxquelles la production locale se joint<ref>Dédéyanp129.</ref>. Les découvertes archéologiques indiquent que l'essentiel des échanges a lieu avec la [[Syrie]] et la [[Phénicie]]<ref>Dédéyanp130.</ref>.


== Historiographie et représentations historiques ==
== Historiographie et représentations historiques ==
[[Image:Artaxiad standard.svg|thumb|Reconstitution hypothétique de l'étendard des Artaxiades<ref>D'après {{en}} H.K. Babessian, ''Atlas of Historical Armenia''.</ref>.]]
[[:Artaxiad .svg|thumb|Reconstitution hypothétique de l'étendard des Artaxiades<ref>D'après {{en}} K. Babessian, ''Atlas of Historical Armenia''.</ref>.]]


L'[[historiographie]] de la dynastie artaxiade, et son étude peut-être encore plus, sont peu développées, contrairement à celles de certains de ses membres, principalement [[Tigrane II d'Arménie|Tigrane II]] et [[Artaxias Ier|Artaxias {{Ier}}]]. Son étude et celle des représentations historiques de la dynastie se sont principalement portées sur l'œuvre de [[Moïse de Khorène]], l’''Histoire de l'Arménie'' (ainsi que, dans une moindre mesure, sur l'œuvre de Yovhannēs Drasxanakertc'i, l’''Histoire d'Arménie'', qui s'en inspire<ref>{{Ouvrage|auteur=Yovhannēs Drasxanakertc'i|titre=Histoire d'Arménie|trad=Patricia Boisson-Chenorhokian|éditeur=Peeters|année=2004|lieu=Louvain|isbn=90-429-1369-x|passage=21|chap=Introduction}}.</ref>). Celle-ci mentionne les souverains artaxiades mais en les décalant parfois de plusieurs siècles par rapport à l'époque où ils vécurent<ref>{{Ouvrage|auteur=Moïse de Khorène|titre=Histoire de l'Arménie|trad=Annie et Jean-Pierre Mahé|collection=L'aube des peuples|éditeur=Gallimard|année=1993|lieu=Paris|isbn=2-07-072904-4|passage=76|chap=Introduction}}.</ref>. Plus encore, et tout comme pour les [[dynastie orontide|Orontides]], Moïse ne distingue pas cette dynastie de celle des [[Arsacides (Arménie)|Arsacides]], qu'il fait remonter à [[Haïk]] et donc à [[Noé (patriarche)|Noé]]<ref>{{en}} Robert H. Hewson, « ''The primary history of Armenia'': an examination of the validity of an immemorially transmitted historical tradition », dans ''History in Africa'', vol. 2 (1975), p. 95.</ref>, et mélange allègrement les rois de chacune<ref>Moïse de Khorène, ''op. cit.'', p. 77.</ref>. Cet amalgame pourrait s'expliquer par une tentative de replacement de la dynastie artaxiade dans une perspective arsacide<ref>Gérard Dédéyan (dir.), ''op. cit.'', p. 147.</ref>, mais tout en respectant notamment une séquence artaxiade : chez Moïse, ''Artachês'', ''Artavazd'', ''Tiran'' et ''Tigrane'' se succèdent, reproduisant la séquence historique [[Artaxias Ier|Artaxias {{Ier}}]], [[Artavazde Ier|Artavazde {{Ier}}]], [[Tigrane Ier|Tigrane {{Ier}}]] et [[Tigrane II d'Arménie|Tigrane II]]<ref>Moïse de Khorène, ''ibid.''</ref>. Cet imbroglio, que l'on retrouve également dans la ''Chronique géorgienne médiévale''<ref name="Toumanoff"/>, s'est cependant longtemps perpétué dans l'historiographie arménienne<ref>{{en}} {{lien web|url=http://www.iranica.com/newsite/articles/v2f5/v2f5a012.html|titre=« The Arsacids », dans ''Encyclopædia Iranica''|consulté le=20 juillet 2008}}.</ref>.
L'[[historiographie]] de la dynastie artaxiade, et son étude peut-être encore plus, sont peu développées, contrairement à celles de certains de ses membres, principalement Tigrane II d'Arménie et |Artaxias Ier}}. Son étude et celle des représentations historiques de la dynastie se sont principalement portées sur l'œuvre de [[Moïse de Khorène]], l’''Histoire de l'Arménie'' (ainsi que, dans une moindre mesure, sur l'œuvre de Yovhannēs Drasxanakertc'i, l’''Histoire d'Arménie'', qui s'en inspire<ref>{{Ouvrage|=Yovhannēs Drasxanakertc'i|titre=Histoire d'Arménie|éditeur=Peeters|année=2004|=|isbn=90-429-1369-|=|=Introduction}}.</ref>). Celle-ci mentionne les souverains artaxiades mais en les décalant parfois de plusieurs siècles par rapport à l'époque où ils vécurent{{|Moïse de Khorène|1993|=|=|=}}. Plus encore, et tout comme pour les [[Orontides]], Moïse ne distingue pas cette dynastie de celle des [[Arsacides (Arménie)|Arsacides]], qu'il fait remonter à [[Haïk]] et donc à [[Noé (patriarche)|Noé]]<ref>{{en}} Robert H. , « ''The primary history of Armenia'': an examination of the validity of an immemorially transmitted historical tradition », dans ''History in Africa'', vol.2 (1975), p.95.</ref>, et mélange allègrement les rois de chacuneMoïse de Khorènep77. Cet amalgame pourrait s'expliquer par une tentative de replacement de la dynastie artaxiade dans une perspective arsacide<ref>Dédéyanp147.</ref>, mais tout en respectant notamment une séquence artaxiade : chez Moïse, ''Artachês'', ''Artavazd'', ''Tiran'' et ''Tigrane'' se succèdent, reproduisant la séquence historique |Artaxias Ier}}, Artavazde Ier }}, |Tigrane Ier}} et Tigrane II d'Arménie|Moïse de Khorène. Cet imbroglio, que l'on retrouve également dans la ''Chronique géorgienne médiévale''<ref name="Toumanoff"/>, s'est cependant longtemps perpétué dans l'historiographie arménienne<ref>{{|url=articles/|= , = }}.</ref>.


== Usage contemporain de l'emblème artaxiade ==
== Usage contemporain de l'emblème artaxiade ==
{{Article détaillé|Armoiries de l'Arménie}}
{{Article détaillé|Armoiries de l'Arménie}}


L'emblème des Artaxiades a été repris dans les armoiries de l'Arménie, aux côtés de ceux des trois autres dynasties arméniennes historiques : [[Arsacides (Arménie)|Arsacides]], [[Bagratides]] et [[Maison Roupénide|Roupénides]]<ref name="gov">{{en}} {{lien web|url=http://www.gov.am/enversion/armenia/emblem.htm|titre=« The National Coat of Arms of the Republic of Armenia » sur le site du gouvernement de la République d'Arménie|consulté le=20 juillet 2008}}.</ref>. On le retrouve dans les armoiries de la [[Première République d'Arménie]] ([[1918]] - [[1921]]), créées par [[Alexandre Tamanian]] et Hakob Kojoyan<ref>{{en}} {{lien web|url=http://www.president.am/information/eng/?task=52|titre=« State Symbols of the Republic of Armenia » sur le site de la Présidence de la République d'Arménie|consulté le=20 juillet 2008}}.</ref>, ainsi que dans celles de l'Arménie moderne<ref name="gov"/>. Il figure dans les deux cas au troisième [[Armes composées#Quartiers|quartier]] (en bas à gauche) et [[Blasonnement|se blasonne]] ainsi (pour les secondes) : ''d'[[azur (héraldique)|azur]] à deux têtes d'aigles affrontées d'[[wikt:argent#Adjectif|argent]]''.
L'emblème des Artaxiades a été repris dans les armoiries de l'Arménie, aux côtés de ceux des trois autres dynasties arméniennes historiques : [[Arsacides (Arménie)|Arsacides]], [[Bagratides]] et [[Roupénides]]<ref name="gov">{{en}} {{ web|url=http://www.gov.am///|titre=« » sur le site du gouvernement de la République d'Arménie|consulté le= }}.</ref>. On le retrouve dans les armoiries de la [[Première République d'Arménie]] ([[1918]]-[[1921]]), créées par [[Alexandre Tamanian]] et Hakob Kojoyan<ref>{{en}} {{ web|url=http://www.president.am//eng/|titre=« State Symbols of the Republic of Armenia » sur le site de la Présidence de la République d'Arménie|consulté le= }}.</ref>, ainsi que dans celles de l'Arménie moderne<ref name="gov"/>. Il figure dans les deux cas au troisième [[Armes composées#Quartiers|quartier]] (en bas à gauche) et [[Blasonnement|se blasonne]] ainsi (pour les secondes) : ''d'[[azur (héraldique)|azur]] à deux têtes d'aigles affrontées d'[[wikt:argent#Adjectif|argent]]''.


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Image:Coat of Arms of the DRA.png|<center>Armoiries de la Première République d'Arménie.</center>
:Coat of Arms of the .png|<center>Armoiries de la Première République d'Arménie.</center>
Image:Coat of Arms of Armenia.svg|<center>Armoiries de l'Arménie moderne.</center>
:Coat of of Armenia.svg|<center>Armoiries de l'Arménie moderne.</center>
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== Notes et références ==
== Notes et références ==
{{Références |colonnes=2}}
{{Références}}


== Voir aussi ==
== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===

* [[Histoire de l'Arménie]]
* [[Histoire de l'Arménie]]
* [[Royaume d'Arménie]]
* [[Royaume d'Arménie]]
Ligne 111 : Ligne 154 :
* [[Empire romain]]
* [[Empire romain]]
* [[Parthie]]
* [[Parthie]]
* [[Artaxiades (Ibérie)]]


=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===
==== Auteurs anciens ====
==== Auteurs anciens ====
* [[Lucius Ampelius]], ''Liber memorialis''.

* [[Ampélius]], ''Liber memorialis''.
* [[Appien]], ''Histoire romaine'', « Guerre syrienne » et « Guerre mithridatique ».
* [[Appien]], ''Histoire romaine'', « Guerre syrienne » et « Guerre mithridatique ».
* [[Dion Cassius]], ''Histoire romaine''.
* [[Dion Cassius]], ''Histoire romaine''.
* [[Fauste de Byzance]] ''Histoire de l'Arménie''.
* [[Fauste de Byzance]] ''Histoire de l'Arménie''.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Moïse de Khorène]]|traducteur=Annie et Jean-Pierre Mahé|titre=Histoire de l'Arménie|éditeur=Gallimard|collection=L'aube des peuples|lieu=Paris|année=1993|pages totales=455|passage=|isbn=978-2-07-072904-3|isbn10=2-07-072904-4|bnf=35602722|id=moise}}.
* [[Moïse de Khorène]], ''Histoire de l'Arménie''.
* [[Plutarque]], ''Vies parallèles des hommes illustres'', « Antoine », « Crassus » et « Lucullus ».
* , « Antoine », « Crassus » et « Lucullus ».
* {{StrGéo}}.
* [[Strabon]], ''Géographie''.
* {{TacAnn}}.
* [[Tacite]], ''[[Annales]]''.


==== Auteurs modernes ====
==== Auteurs modernes ====
* {{Article |langue= |auteur1=Marie-Louise Chaumont |titre= L'Arménie entre Rome et l'Iran : {{I}} de l'avènement d'Auguste à l'avènement de Dioclétien |périodique=[[Aufstieg und Niedergang der römischen Welt]] |volume=II |numéro=9.1 |date=1976 |pages= |issn= |e-issn= |lire en ligne= |consulté le= |id= }}.

* {{Article |langue= |auteur1=Marie-Louise Chaumont |titre= Tigrane le Jeune, fils de Tigrane le Grand : Révolte contre son père et captivité à Rome |périodique=[[Revue des études arméniennes]] |volume=28 |numéro= |date= 2001-2002|pages= |issn= |e-issn= |lire en ligne= |consulté le= |id= }}
* Marie-Louise Chaumont, « L'Arménie entre Rome et L'Iran : I de l'avènement d'Auguste à l'avènement de Dioclétien », dans ''[[Aufstieg und Niedergang der römischen Welt]]'', II, 9.1, 1976.
* {{Ref-Dedeyan-PeupleArménien|passage=}}.
* Gérard Dédéyan (dir.), ''Histoire du peuple arménien'', Privat, Toulouse, 2007 {{ISBN|978-2-7089-6874-5}}.
* {{en}} {{lien web|url=http://www.iranica.com/newsite/articles/v2f4/v2f4a071a.html|titre=« Armenia and Iran », dans ''Encyclopædia Iranica''|consulté le=20 juillet 2008}}.
* {{|url=articles/|=Armenia and Iran|= }}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[René Grousset]]|titre=Histoire de l'Arménie|sous-titre=des origines à 1071|éditeur=Payot|lieu=Paris|année=1947|réimpression=1984, 1995, 2008|pages totales=644|isbn=978-2-228-88912-4}}.
* {{Ref-Grousset-Arménie}}.
* {{Ref-Toumanoff-Dynastie|passage=93-98 et 500-501}}.
* [[Cyrille Toumanoff]], ''Manuel de généalogie et de chronologie pour l'histoire de la Caucasie chrétienne (Arménie, Géorgie, Albanie)'', Éd. Aquila, Rome, 1976, chapitre « Rois d'Arménie », « Artaxiades et leurs successeurs (Deuxième monarchie arménienne) », p. 514-516.
* André Verstanding, ''Histoire de l'Empire parthe'', Le Cri, Bruxelles, 2001 {{ISBN|2-87106-279-X}}.
* André Verstanding, ''Histoire de l'Empire parthe'', Le Cri, Bruxelles, 2001 {{ISBN|2-87106-279-X}}.
* {{Ouvrage|auteur=Édouard Will|titre=Histoire politique du monde hellénistique (323-30 av. J.-C.)|éditeur=Seuil|collection=Points Histoire|année=1967|publi=2003|lieu=Paris|isbn=2-02-060387-X}}.
* {{Ouvrage|=Édouard Will|titre=Histoire politique du monde hellénistique (323-30 av. J.-C.)|éditeur=Seuil|collection=Points Histoire|année=1967|=2003|=|isbn=2-02-060387-X}}.



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Les Artaxiades ou Artašesian (en arménien Արտաշեսյաններ) sont des rois d'Arménie qui ont régné sur ce royaume d'environ à environ Sous cette dynastie, le pays subit deux influences majeures : une influence perse, qui poursuit son action, et une influence hellénistique croissante ; il s'ouvre en outre au commerce international. Sous l'un des rois artaxiades, Tigrane II, l'Arménie va connaître son expansion maximale, avant de devenir un enjeu, sous ses successeurs, entre Parthes et Romains.

À la fin de cette dynastie, au début de l'ère chrétienne, le royaume est au bord de l'anarchie et sera pendant plusieurs décennies gouverné par des souverains étrangers, avant de connaître l'avènement d'une nouvelle dynastie, la dynastie arsacide.

À la différence de certains de ses membres, la dynastie artaxiade se caractérise par une historiographie peu développée. Elle est en même temps considérée par la République d'Arménie comme une des quatre dynasties historiques arméniennes et figure à ce titre sur ses armoiries.

Liste des rois artaxiades

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Les dates de règne des rois artaxiades d'Arménie sont bien souvent incertaines, ainsi que le nombre exact de rois ayant porté le nom « Artavazde ». La liste suivante ne tient pas compte de toutes les nuances, que l'on retrouvera dans les articles consacrés à chacun de ces rois[1] :

L'Arménie sous les Artaxiades

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Débuts prometteurs

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À la veille de l'établissement de la dynastie artaxiade, l'Arménie est dirigée par Orontès IV de la dynastie orontide. Les représentants de cette dynastie s'octroient le titre de roi mais ne sont guère plus que des satrapes sous suzeraineté séleucide[2]. Dès la moitié du IIIe siècle av. J.-C., leur territoire a en outre été fortement réduit par l'expansion du dynaste d'Atropatène[3].

Artaxias Ier est traditionnellement considéré comme le fondateur de la dynastie artaxiade, bien que des inscriptions en araméen découvertes dans le marz de Syunik le disent fils d'un Zariadrès de la dynastie orontide régnant en Arménie[3]. Général d'Antiochos le Grand, il se rend maître de l'Arménie, dont il est gouverneur (stratēgós), et en fait un État indépendant en après la défaite du Séleucide à Magnésie ; un autre gouverneur séleucide et peut-être un proche parent[2], également nommé Zariadrès, en fait de même en Sophène[4]. Les deux nouveaux monarques s'allient afin de reconquérir les régions périphériques peuplées d'Arméniens[5] ; dans le cas d'Artaxias, les conquêtes à partir de la vallée de l'Araxe se font principalement aux dépens de l'Ibérie et de la Médie-Atropatène[2]. Marquant ainsi son indépendance par rapport à Rome[5], il donne asile à Hannibal après la bataille de Zama. Sur ses conseils, Artaxias bâtit sa nouvelle capitale, Artaxate (« joie d'Artaxias »), sur les rives de l'Araxe[6],[7]. Au niveau du royaume, il fait procéder au bornage de propriétés[2] et mène une politique d'intégration linguistique[6]. Mais vers , Artaxias est défait par le roi séleucide Antiochos IV ; fait prisonnier, il ne recouvre sa liberté qu'en reconnaissant la suzeraineté du Séleucide[5]. Il règne jusqu'environ , non sans avoir tenté de remettre en cause cette situation[8].

Trois rois dont on sait peu de choses[9] (au point que l'existence du dernier est contestée[10]) lui succèdent : Artavazde Ier (qui serait à l'origine de la branche artaxiade ibérienne[11]), Tigrane Ier et Artavazde (II). À la fin du règne de ce dernier, les Parthes attaquent l'Arménie et sont victorieux ; ils prennent comme otage le prince héritier, le futur roi Tigrane II[2], qui le reste jusqu'à la mort d'Artavazde II, en Il rachète alors sa liberté en cédant « soixante-dix vallées » en Atropatène aux Parthes[4],[9].

Apogée sous Tigrane II

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Expansion maximale de l'Arménie sous Tigrane II[12].
Carte situant l'Osroène, l'Adiabène, la Gordyène (ou Corduène), la Sophène, la Commagène et l'Atropatène à l'époque de l'apogée de l'Arménie sous Tigrane II.

Lorsque Tigrane II prend le pouvoir, avec l'aide et sous vassalité parthe[13], la base de la puissance arménienne à venir est déjà en place, grâce aux actions de ses prédécesseurs. Cependant, les montagnes arméniennes forment des barrières naturelles entre les différentes régions du pays, augmentant l'influence des nakharark locaux. Cette situation ne convient pas à Tigrane, à la volonté plus centralisatrice ; le souverain se lance alors dans une œuvre de consolidation du pouvoir royal en Arménie même[2],[14]. Il dépose également Artanès, roi de Sophène[4],[13]. Très tôt, Tigrane tisse des liens avec Mithridate VI, roi du Pont[13].

Après la mort de Mithridate II de Parthie, en , Tigrane tire avantage de la faiblesse de l'empire parthe, à la suite d'incursions scythes et de divisions internes. Jusqu'en [2], rejetant la vassalité de l'Arménie, il récupère les soixante-dix vallées de sa liberté, impose sa suzeraineté sur l'Atropatène, l'Adiabène, la Gordyène, l'Osroène et une partie de la haute Mésopotamie, et prend le titre de « roi des rois », réservé aux souverains parthes[15].

tigran
Monnaie de Tigrane II.

En , après une lutte sanglante entre Séleucides pour le trône de Syrie, les Syriens décident de faire de Tigrane le protecteur du royaume et lui offrent la couronne[16]. Il conquiert donc ce pays, non sans mal, ainsi que la Phénicie, la Cilicie et la Commagène[15]. À la suite de ces conquêtes, le territoire contrôlé par Tigrane va du Caucase et des Alpes pontiques jusqu'au nord de l'Irak et s'étend en Syrie, jusqu'à Ptolemaïs[17], et de la mer Caspienne à la mer Méditerranée.

Tigrane, repu de conquêtes, aspire à la paix mais se voit impliqué dans le conflit renaissant entre Rome et Mithridate VI en  : après les victoires de Lucullus contre Mithridate, celui-ci se réfugie chez Tigrane qui refuse de le livrer aux Romains. Ceux-ci envahissent ses États, et Lucullus s'empare de sa toute neuve capitale, Tigranocerte en [14]. La même année, les forces combinées de Mithridate et de Tigrane rencontrent les troupes de Lucullus devant Artaxate, l'ancienne capitale. Mais à la suite de lourdes pertes, les légions romaines se révoltent[14], et Lucullus se retire vers le sud[18]. Ce qui consiste malgré tout un échec de Lucullus lui vaut son rappel à Rome et son remplacement par Pompée.

Le fils de Tigrane, également nommé Tigrane, se rebelle alors contre son père mais échoue et se réfugie à la cour du roi parthe Phraatès III[19]. Après une seconde tentative infructueuse, il se réfugie auprès de Pompée[20]. Tigrane a alors récupéré une bonne portion de son territoire, et est définitivement en froid avec Mithridate[21]. En , Pompée entre en Arménie avec Tigrane le Jeune. Tigrane, alors âgé d'environ soixante-quinze ans, se rend, dépose son diadème aux pieds de Pompée et se prosterne devant lui ; il est toutefois traité généreusement par Pompée, qui le relève et lui rend son diadème[22]. Cédant la Cappadoce et la Sophène, il rachète les restes de son royaume[20]. Désormais allié de Rome, Tigrane II continue de régner sur l'Arménie jusqu'à sa mort, en [23].

Déclin, entre Rome et les Parthes

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Érato, dernier membre régnant de la dynastie artaxiade.

Co-roi avec son père[24], Artavazde II succède à Tigrane II en , en tant que roi client de Rome. En , Crassus, proconsul de Syrie, décide de lancer une campagne contre les Parthes et reçoit notamment l'aide d'Artavazde. Ce dernier se retrouve toutefois immobilisé dans son royaume par une attaque des troupes parthes d'Orodès II. Tombée dans un piège des Parthes, l'armée romaine est sévèrement battue lors de la bataille de Carrhes, et Crassus est tué peu après[25]. En , il fournit à nouveau des troupes[26] à Marc Antoine lorsque ce dernier décide de mener une nouvelle campagne contre les Parthes[27]. Une partie des troupes romaines est néanmoins attaquée par surprise par la cavalerie parthe, tandis qu'Artavazde préfère se retirer. Marc Antoine considère ce retrait comme une traîtrise[28] : en , arrivé non loin d'Artaxate, il convoque à son camp Artavazde, le fait arrêter et envoyer en Égypte où il meurt en [29]. Marc Antoine s'assure alors le contrôle de l'Arménie et impose sur le trône son fils Alexandre Hélios[29]. À la suite de sa défaite lors de la bataille d'Actium en , Marc Antoine se désengage d'Arménie[29], ce qui permet à Artaxias II, fils d'Artavazde II, aidé par ses alliés parthes[2], de mettre fin au règne nominal d'Alexandre Hélios et de récupérer le trône arménien en

Auguste ne voit cependant pas d'un bon œil ce roi pro-parthe et charge en Tibère de le remplacer par son frère cadet Tigrane III[30]. Le règne de ce dernier, ex-otage d'Auguste[30], correspond à l'établissement pacifique du protectorat romain en Arménie[31]>. À sa mort en , une lutte de succession s'engage entre d'une part ses enfants Tigrane IV et Érato, pro-parthes, et d'autre part Artavazde III, pro-romain[32], probablement un autre de ses frères[10]. Auguste tire alors profit de la division de la cour arménienne et impose Artavazde III[33]. Face à la rébellion alimentée par le roi parthe Phraatès IV[32], Artavazde semble ne pas avoir réussi à se maintenir très longtemps sur le trône[34], et Tigrane et Érato sont restaurés.

Cependant, lorsque Auguste envoie son petit-fils Caius César régler les affaires d'Arménie en 1, Tigrane est déjà mort, ayant été tué au cours d'une expédition contre les barbares, et Érato a abdiqué[35]. Caius rencontre néanmoins Phraatès V sur l'Euphrate, et Parthes et Romains se mettent d'accord : l'Arménie revient sous l'autorité de Rome, qui lui donne pour nouveau roi Ariobarzane II d'Atropatène[32]. Après les courts règnes de ce dernier (1 à 4) et de son fils Artavazde IV (4 à 6[10]), Auguste impose un autre roi étranger, Tigrane V Hérode[36]. Ce n'est qu'à la déposition de ce dernier par les nobles arméniens (vers 12[37]) qu'Érato remonte sur le trône, ultime sursaut de la dynastie artaxiade, alors que le pays sombre dans l'anarchie[38]. La même année, un roi parthe renversé, Vononès Ier, se voit offrir le trône arménien[2]. Il devient ainsi le premier roi arsacide d'Arménie.

Généalogie des Artaxiades

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Cyrille Toumanoff propose la généalogie suivante[39] :

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Zariadrès
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Artaxias Ier
roi d'Arménie
(-188-159)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Tigrane Ier
roi d'Arménie
(-149-123) ou (-123-95)
 
 
 
 
 
 
 
Artavazde Ier
roi d'Arménie
(-159-149 ou -123)
 
 
 
 
Mirvan Ier
roi d'Ibérie
(30-20)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Artavazde (II)
roi d'Arménie ?
(-123-95)
 
Tigrane II
roi d'Arménie
(-95-55)
 
Guras
vice-roi de Mygdonie
 
 
 
 
 
Artaxias Ier
roi d'Ibérie
(-90-78)
 
Ne
 
 
 
Parnadjom Ier
roi d'Ibérie
(-109-90)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Aryazate-Automé
ép. Mithridate II
roi des Parthes
 
Zariadrès
 
Tigrane le Jeune
roi de Sophène
(-65)
 
Artavazde II
roi d'Arménie
(-55-34)
 
Ne
Mithridate Ier
roi de Médie
 
Ne
ép. Pacorus Ier
roi des Parthes
 
Artocès Ier
roi d'Ibérie
(-78-63)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Artaxias II
roi d'Arménie
(-33-20)
 
Tigrane III
roi d'Arménie
(-20-6)
 
Artavazde III
roi d'Arménie
(-6)
 
Ne
demandée en mariage
pour Alexandre Hélios
 
Ne
ép. fils de Déiotaire Ier
roi de Galatie
 
 
 
 
 
Pharnabaze II
roi d'Ibérie
(-63-30)
 
Ne
 
Mirvan II
roi d'Ibérie
(-30-20)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Tigrane IV
roi d'Arménie
(-6+1)
 
Érato
reine d'Arménie
(-6+1) et (+12)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Ne
ép. Kartam d'Egrissi
 
Artaxias II
roi d'Ibérie
(-20+1)
 
 
 

Société et culture

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Sous les souverains artaxiades, la société et la culture arméniennes, dans nombre de leurs aspects, continuent à subir l'influence perse. Mais dans le même temps, et parfois de manière voulue, elles s'ouvrent de manière croissante à l'influence hellénistique[2]. Cette conjonction s'illustre particulièrement sous le règne de Tigrane II[40].

L'influence perse sur l'Arménie a débuté sous la période mède et s'est poursuivie sous les Achéménides, en particulier sous le règne de Darius Ier, touchant jusqu'à la langue arménienne[41]. Le mouvement a continué sous les Orontides, et est toujours marqué à l'époque artaxiade. Les souverains de cette dynastie portent ainsi des noms d'origine perse, comme « Artaxias » et « Tigrane »[42] ; il en va de même en toponymie. Le mode de vie des dirigeants se calque également sur celui des satrapes perses, avec la construction de somptueuses demeures agrémentées de parcs animaliers privés (des « paradis »[43])[44]. Le zoroastrisme influence en outre considérablement le paganisme arménien[45], avec par exemple Aramazd, le dieu suprême du panthéon local, ou Anahit, déesse de la fécondité, inspirés respectivement par Ahura Mazda et Anahita[46]. Sous Tigrane II, le caractère perse se retrouve de manière importante au niveau de l'organisation de l'État[47]. Son vaste territoire connaît une organisation variée, certaines régions conservant le statut qu'elles connaissaient sous les rois parthes[48]. Appelé « roi des rois », un titre parthe[2], Tigrane reprend le principe de la monarchie absolue perse ; il est décrit comme n'apparaissant jamais en public sans être accompagné de quatre rois vassaux[49], et il est représenté coiffé d'une tiare, d'inspiration iranienne[50]. Et quand Tigrane dépose son diadème aux pieds de Pompée en , il ne fait que respecter une coutume parthe applicable aux rois vaincus[51]. Tigrane IV et Érato, de par leur union, illustrent également la persistance de l'influence iranienne[52].

En parallèle avec ce processus, l'hellénisme fait son apparition en Arménie avec le passage sous suzeraineté séleucide du pays (début du IIIe siècle av. J.-C.) et se manifeste au niveau de l'urbanisme : si les cités fondées par les Orontides, Ervandachat et Ervandakert, présentent encore largement des caractéristiques achéménides, on y retrouve également des influences hellénisantes[53]. La tendance est plus forte en Sophène, plus proche de la Cappadoce, avec la ville d'Arsamosate[54]. Cette influence sur l'urbanisme s'accroît sous les Artaxiades : les fouilles effectuées à Artachat, la nouvelle capitale, ont révélé des éléments dignes d'une métropole hellénistique[55],[56]. Le grec fait sous la dynastie orontide sa première apparition dans des inscriptions sur des rochers (à Armavir, contenant notamment des vers d'Euripide)[57]. Sous les Artaxiades, il est, avec l'araméen, l'une des deux langues de l'administration[55].

Le règne de Tigrane II va donner un coup d'accélérateur à l'hellénisation : afin de renforcer l'homogénéité et la centralisation de son empire disparate, Tigrane va en effet encourager le processus d'hellénisation déjà en cours en Arménie[58],[2]. Des transferts de population des cités grecques de Syrie sont effectués, en particulier au profit de Tigranakert (Tigranocerta en latin), sa nouvelle capitale fondée vers  ; la ville compte en effet une forte population grecque et présente de nombreuses caractéristiques architecturales grecques[59] (tout en conservant certains caractères perses des résidences royales, comme la présence à proximité de terrains de chasse[2]). Le grec devient la langue de l'administration et de la cour, où sont invités des lettrés grecs ; on retrouve parmi ceux-ci Métrodore de Scepsis, qui rédigera une Histoire de Tigrane[49]. Le panthéon arménien est quant à lui progressivement assimilé aux divinités grecques[60]. Tigrane est le premier souverain arménien à frapper monnaie[61], s'inspirant probablement de la tradition séleucide. Ses pièces sont frappées à Antioche et à Damas et consistent en tétradrachmes (en argent) et en pièces de cuivre, ainsi que d'or. Son portrait, surmonté d'une tiare, orne l'une des deux faces ; sur l'autre figure la Tyché d'Antioche, avec, à ses pieds, le dieu-fleuve Oronte[62]. L'armée n'échappe pas au mouvement d'hellénisation : à côté des archers et des frondeurs, des hoplites font leur apparition au sein de l'infanterie[60] ; la cavalerie légère se voit toutefois complétée d'une cavalerie lourde de cataphractaires, à la parthe[63]. Quant au successeur de Tigrane II, Artavazde II, pétri de culture hellénistique, il a laissé des tragédies et des récits historiques[64], aujourd'hui perdus[51].

La vigne, dont la culture se développe en Arménie au Ier siècle av. J.-C., sous les Artaxiades.

Sous les Artaxiades, l'économie arménienne reste essentiellement telle qu'elle était : une économie agricole produisant des céréales, des fruits (dont la vigne dès le Ier siècle av. J.-C.), etc.[65]. Le pays connaît également l'élevage du bétail, et ses chevaux sont recherchés.

L'industrie minière se développe avec la période hellénistique, qui voit notamment l'exploitation de gisements de naphte. La production locale fournit également du sandyx (« couleur d'Arménie », une teinte d'ocre), de l'orpiment, du borax et de l'armenium (carbonate de cuivre)[65].

Sous les Artaxiades, l'économie arménienne s'ouvre au commerce international[66] et tire profit de sa situation au carrefour des axes nord-sud et est-ouest du Moyen-Orient ; le sud du pays est en effet traversé par la route de l'Inde[47] et l'ancienne route royale perse[2], et voit passer de nombreuses marchandises auxquelles la production locale se joint[67]. Les découvertes archéologiques indiquent que l'essentiel des échanges a lieu avec la Syrie et la Phénicie[68].

Historiographie et représentations historiques

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Reconstitution hypothétique de l'étendard des Artaxiades[69].

L'historiographie de la dynastie artaxiade, et son étude peut-être encore plus, sont peu développées, contrairement à celles de certains de ses membres, principalement Tigrane II et Artaxias Ier. Son étude et celle des représentations historiques de la dynastie se sont principalement portées sur l'œuvre de Moïse de Khorène, l’Histoire de l'Arménie (ainsi que, dans une moindre mesure, sur l'œuvre de Yovhannēs Drasxanakertc'i, l’Histoire d'Arménie, qui s'en inspire[70]). Celle-ci mentionne les souverains artaxiades mais en les décalant parfois de plusieurs siècles par rapport à l'époque où ils vécurent[71]. Plus encore, et tout comme pour les Orontides, Moïse ne distingue pas cette dynastie de celle des Arsacides, qu'il fait remonter à Haïk et donc à Noé[72], et mélange allègrement les rois de chacune[73]. Cet amalgame pourrait s'expliquer par une tentative de replacement de la dynastie artaxiade dans une perspective arsacide[74], mais tout en respectant notamment une séquence artaxiade : chez Moïse, Artachês, Artavazd, Tiran et Tigrane se succèdent, reproduisant la séquence historique Artaxias Ier, Artavazde Ier, Tigrane Ier et Tigrane II[73]. Cet imbroglio, que l'on retrouve également dans la Chronique géorgienne médiévale[10], s'est cependant longtemps perpétué dans l'historiographie arménienne[75].

Usage contemporain de l'emblème artaxiade

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L'emblème des Artaxiades a été repris dans les armoiries de l'Arménie, aux côtés de ceux des trois autres dynasties arméniennes historiques : Arsacides, Bagratides et Roupénides[76]. On le retrouve dans les armoiries de la Première République d'Arménie (1918-1921), créées par Alexandre Tamanian et Hakob Kojoyan[77], ainsi que dans celles de l'Arménie moderne[76]. Il figure dans les deux cas au troisième quartier (en bas à gauche) et se blasonne ainsi (pour les secondes) : d'azur à deux têtes d'aigles affrontées d'argent.

Notes et références

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  1. Les dates reprises sont celles proposées par Cyrille Toumanoff (cf. Cyrille Toumanoff, Les dynasties de la Caucasie chrétienne de l'Antiquité jusqu'au XIXe siècle : Tables généalogiques et chronologiques, Rome, , p. 500-501), excepté celles en italiques (pour Artavazde Ier et Tigrane Ier) tenant compte de l'existence d'Artavazde II (Grousset 1947, p. 84, et (en) Vahan M. Kurkjian, A history of Armenia, New York, Vantage Press, (réimpr. 1964), p. 502).
  2. a b c d e f g h i j k l m et n (en) « Armenia and Iran », dans Encyclopædia Iranica (lire en ligne).
  3. a et b Dédéyan 2007, p. 114.
  4. a b et c Strabon, Géographie, XI, 14, 15 [lire en ligne (page consultée le 18 juin 2008)].
  5. a b et c Dédéyan 2007, p. 115.
  6. a et b Dédéyan 2007, p. 116.
  7. Plutarque, Vies parallèles, Lucullus, XLVI.
  8. Dédéyan 2007, p. 115-116.
  9. a et b Dédéyan 2007, p. 119.
  10. a b c et d Cyrille Toumanoff, Les dynasties de la Caucasie chrétienne de l'Antiquité jusqu'au XIXe siècle : Tables généalogiques et chronologiques, Rome, , p. 93
  11. Cyrille Toumanoff, Les dynasties de la Caucasie chrétienne de l'Antiquité jusqu'au XIXe siècle : Tables généalogiques et chronologiques, Rome, , p. 93-94.
  12. L'emplacement de Tigranakert sur cette carte est approximatif, peu de fouilles ayant été menées dans la région où elle aurait été localisée. (Dédéyan 2007, p. 123-124).
  13. a b et c Dédéyan 2007, p. 120.
  14. a b et c (hy) Mihran Kurdoghlian, Badmoutioun Hayots, Volume I, Hradaragoutioun Azkayin Oussoumnagan Khorhourti, Athènes, 1994, p. 67-76.
  15. a et b Dédéyan 2007, p. 121.
  16. (en) Gevork Nazaryan, « King Tigran II - The Great », sur hyeetch.nareg.com.au (consulté le ).
  17. Appien le fait cependant descendre jusqu'aux frontières de l'Égypte : Appien, Syr., XI, 8.48.
  18. Dédéyan 2007, p. 131.
  19. Chaumont 2001-2002, p. 227.
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  61. Un Orontide (Orontès) a frappé monnaie avant lui, mais en tant que satrape de Mysie (et non d'Arménie). Cf. (en) Rüdiger Schmitt, « Orontes », dans Encyclopædia Iranica (lire en ligne).
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Articles connexes

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Bibliographie

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Auteurs anciens

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Auteurs modernes

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Liens externes

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