Longtemps ignoré par la critique française, Alan Clarke mérite pourtant sa place parmi les observateurs les plus incisifs de l'Angleterre des années 70, à l'instar de Ken Loach et Mike Leigh. Fils d'un maçon de Liverpool, il travaille comme ouvrier avant d'effectuer son service militaire à Hong Kong. Il s'installe ensuite au Canada pour étudier la réalisation et le métier d'acteur et, de retour en Angleterre en 1961, il est régisseur de plateau pour la télévision avant d'être promu réalisateur pour la BBC en 1969. En 1977, il signe un téléfilm de commande, SCUM, pour le groupe audiovisuel public. Mais la représentation sans concession des "borstals", ces maisons de redressement pour délinquants juvéniles, est jugé trop abrupte pour être diffusée sur le petit écran. Deux ans plus tard, Clarke réalise un "remake" de SCUM, cette fois pour le cinéma, en réalité à peine moins âpre que l'original.
En 1982, il aborde dans MADE IN BRITAIN les mouvances d'extrême-droite en mettant en scène un jeune skinhead (épatant Tim Roth, à ses débuts), qui cherche un dérivatif à son ennui existentiel à travers des occupations nihilistes. En 1988, il s'intéresse au hooliganisme dans THE FIRM, où Gary Oldman campe un père de famille d'une perversité inégalée. Constamment en quête de sujets portant un regard désenchanté sur son pays, Clarke met en scène un fascinant objet cinématographique avec ELEPHANT en 1989 : il se compose de 18 séquences d'assassinats juxtaposées sans lien apparent et surtout sans aucun dialogue. Portrait d'une violence moderne et aveugle, ELEPHANT inspirera bien entendu le chef d'œuvre éponyme de Gus Van Sant, consacré par la Palme d'Or en 2003.
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