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mardi 12 mars 2019

Des nouvelles de la Galaxie (suite)


De nouveau quelques notes sur quelques nouvelles de SF parues dans Galaxie ou dans Fiction dans les années 60. À la base, je me suis mis à relire ma collection parce que je me suis mis moi-même à écrire des nouvelles SF à tendance rigolote et, trouvant que dans la production actuelle, ça manque un peu, je suis allé me ressourcer… chez Sheckley d'abord puis à la redécouverte, un peu au hasard, de nos grands et petits anciens, pas seulement "les histoires d'humour de la SF", mais celles qui prennent une résonnance spéciale, vues de maintenant.
J'en profite pour scanner quelques illustrations dans les pages jaunies de ces vieux Galaxie, images que je poste sur la page FB Stéréoscopages dont je suis co-administrateur (du Finlay, pour l'instant, mais il y en aura d'autres…)
L'ami Georges Bormand a relevé, dans le Galaxie N°1 la nouvelle de Silverberg "Voir l'homme invisible", pas foncièrement marrante, mais superbe et faisant partie de ces anticipations politico-sociales qui tombent à pic. L'homme "invisible" de l'histoire ne l'est que socialement, par condamnation. Pendant un an, marqué au front, il vit sa vie au milieu des humains sans aucun contact : personne ne lui parle, il ne doit parler à personne, tout le monde l'ignore. Il ne peut pas travailler mais il peut voler, entrer partout sans payer, personne ne l'en empêchera, etc. On peut comparer ça à bien des situations modernes, celle d'un interdit bancaire comme celle d'un sans papier…
Et comme par hasard, dans le N° suivant, une autre perle du même Silverberg, "La souffrance paie", où l'on est en pleine trash TV. Une chaîne paie les familles de malades hospitalisés plus ou moins mourants pour avoir le droit de filmer leur opération… ou leur agonie. Et paient plus cher s'ils acceptent que ça se passe sans anesthésie ! (Le parfaitement cynique producteur de l'émission subira à son tour le même sort… Il y a une morale, quand même !)
Dans ce même N°2 de 1964, Brian W. Aldiss, dans "L'impossible étoile", décrit ce que l'on n'appelait pas encore un trou noir.
Et, toujours dans ce N°2, une nouvelle de Mary Carlson, "Ceux qui possèdent la terre",  évoque ceux qu'on nomme maintenant "les 1%", en réduisant leur nombre à une centaine. « J'ai tenté une estimation en additionnant le revenu national brut de chaque pays de la Terre et en divisant par la somme nécessaire pour acheter le gouvernement de l'une des plus grandes nations industrielles. » Hum, hum…
Mais comme je ne relis pas les vieux Galaxie systématiquement dans l'ordre, je tombe sur le N° 65 de 1969 et sur "Votez Kafka", de Norman Kagan, et là, les relations avec notre temps sont foison. « Je ne peux voter pour aucun des candidats et pour aucun des programmes en présence. Ils me paraissent sans rapport avec les vrais problèmes qui se posent à la nation et à moi-même en ce qui concerne ma vie. Je crois qu'il y a dans notre société un défaut exigeant une réforme plus profonde. » Ça, c'est l'ouverture. Après, ça parle des machines « qui avaient rendus superflus la plupart des hommes et avaient poussé le reste au bord de la démence ».
On a aussi cette idée que les fantômes des individus que l'automation avait remplacés habitaient les machines, comme si celles-ci s'étaient emparés de leurs esprits… Image, certes, mais pensons-y quand nous irons au supermarché et que nous verrons les spectres des caissières évincées planer au-dessus des nouvelles caisses automatiques.
Question boulot, le seul travail qui reste c'est celui qui consiste à détruire le travail. On peut préciser le seul travail correctement rémunéré qui reste c'est celui de programmeur informaticien qui consiste à détruire le travail.
Et sur le plan politique, on est en pleine prise généralisée du pouvoir par l'informatique (ICM, dans la nouvelle !). On parle de ces prophéties autoréalisatrices que sont les sondages. Et on parle d'une absurde candidature présidentielle "Kafka", c'est-à-dire "aliénation", c'est-à-dire "rien". « À l'origine, le principe [de cette candidature Kafka bidon] était de découvrir quels étaient les citoyens qui se foutaient de leur bulletin de vote et quels étaient ceux qui étaient sincèrement désenchantés. Mais contrairement à toute attente il s'est révélé que tout le monde est aliéné et malheureux. Or notre système social est désormais si complexe […] que nous ne pouvons plus lui apporter de modifications fondamentales. Alors l'aliénation s'étend, on est toujours plus malheureux et le nombre des bulletins Kafka augmente à chaque élection. » Inutile de dire qu'à la fin de l'histoire Kafka est élu… un peu comme si tout à coup on prenait en compte les bulletins blancs et qu'on élise… rien. (Ou Donald Trump…)


mardi 26 février 2019

Galaxie, humour et SF


Relisant ces temps-ci de vieux Fiction et de vieux Galaxie, je suis souvent éberlué par les idées "en avance sur leur temps" qu'on y trouve. Je ne parle pas de gadgets ou de trouvailles techniques, mais d'idées sociales, politiques, etc.
Exemples.
Galaxie N°38, Juin 1967. Mack Reynolds "Le Dernier astronaute" : « Aux premiers temps de l'État du Mieux-être, on avait commis une erreur en adaptant l'automation de la seconde révolution industrielle : on avait voulu donner du travail à chacun tout en réduisant le nombre d'heures et de jours ouvrables. Le ridicule, ou plutôt la confusion, devint manifeste lorsque les ouvriers ne travaillèrent plus que deux jours par semaine et deux heures par jour ; mieux valait évidemment un ouvrier travaillant trente-cinq heures et acquérant du métier qu'une légion d'employés forcément peu efficaces.
» La seule chose à faire était de laisser chômer les chômeurs, en leur donnant une prime de Basique inaliénable : ceux dont on avait encore besoin travaillaient un nombre raisonnable d'heures par jour, un nombre raisonnable de semaines par an et un nombre raisonnable d'années dans leur vie.
» On renouvelait la main-d'œuvre par tirage au sort. Toute personne ainsi désignée ne pouvait se soustraire à l'obligation de travailler ; en compensation on augmentait ses parts de Basique Variable, selon la tâche qu'elle avait à remplir… etc. »
On a là, comme ça en passant, la démonstration du principe du partage du travail (les 35 heures) et la démonstration par l'absurde de son inadaptation, dans un monde automatisé + l'invention du Revenu de Vie Universel Inconditionnel ou AU, Allocation Universelle, ici nommé Basique, avec sa part inaliénable et sa part variable pour ceux qui travaillent malgré tout. Et avec en plus cette trouvaille : on ne va quand même pas compter seulement sur la bonne volonté pour avoir les quelques travailleurs indispensables, mais on va en tirer au sort – avec obligation de. (Ce qui rend le Revenu Universel un peu moins inconditionnel qu'on le rêve…)
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Ce  Galaxie comprend aussi une nouvelle rigolote de Christopher Anvil "Ceux d'Arcturus", qui montre comment des Arcturiens faisant une tentative d'infiltration dans la société terrienne moderne ne s'en tirent pas, en particulier à cause de (ou grâce à) la pollution de l'air.
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Et je viens de relire, dans Galaxie N°2, juin 64, "Les pieds et les roues" de Fritz Leiber, évoquant les prémisses de la grande guerre entre les piétons et les automobilistes, allant de la grand-mère qui tente une traversée dans les clous armée d'un Magnum 357, lames de faux sur les chapeaux de roue, pare-choc aiguisés, pavés hérissés de pointes, port de grenades autorisé aux piétons aveugles. Avec ce détail que les piétons (dits "Pieds") affichent maintenant un QI de 41 et les automobilistes (dits "Roues") de 37 ! Avec ça encore que les autorités, police et autres, pour ne pas avoir l'air d'être d'un parti ou de l'autre, se déplacent dans des voitures mille-pattes ou en cannes sauteuses !