Non-citoyens de Lettonie
Les résidents non-citoyens (nepiliečiai) ou résidents non-ressortissants (nepilsoņi) sont des habitants de Lettonie qui n’ont aucune citoyenneté, ni lettone ni autre.
Ce sont des personnes ayant perdu leur citoyenneté soviétique du fait de la disparition de l'URSS, et leurs descendants, en majorité russophones (russes baltes, ukrainiens ou biélorusses). En 1991 il y avait 700 000 résidents non citoyens. Leur nombre est descendu à 260 000 en 2015, soit 12,0 % de la population totale[1].
Histoire
[modifier | modifier le code]Après avoir recouvré son indépendance le , la Lettonie avait accordé la citoyenneté lettone aux personnes qui l’avaient avant le 17 juin 1940 et à leurs descendants[2]. Ceux qui ne remplissaient pas ces conditions devaient demander la nationalité lettonne, et pour l’obtenir, passer un examen de langue lettone (sous le régime soviétique, seul le russe était « langue de communication interethnique » - язык межнационального общения). Les personnes qui n’ont ni réussi cet examen, ni demandé la nationalité russe, ukrainienne ou biélorusse, sont devenues des résidents non-citoyens.
Droits
[modifier | modifier le code]Le statut spécial des résidents non-citoyens lettons (différent du statut d’apatride bezvalstnieks en droit letton) a été créé par une loi[3] en 1995. Aux termes de cette loi, pour vivre en Lettonie et avoir les mêmes droits sociaux que les citoyens lettons, les résidents non-citoyens n’ont besoin d’aucun permis spécial. Le comité letton des droits de l'homme (FIDH) a répertorié 80 différences dans les droits entre citoyens et non-citoyens lettons en 2011, dont la principale est que les résidents non-citoyens n’ont pas le droit de vote, ne peuvent pas travailler comme fonctionnaires, ni devenir juges, procureurs, avocats, assistants d’avocat, notaires ou encore militaires[4] (sous le régime soviétique, la situation était inverse : les russophones étaient des « citoyens soviétiques titulaires » - титульный советский гражданин soit, en pratique, prioritaires dans l’encadrement, les grades de l’armée et toutes les fonctions importantes). En revanche, ils peuvent aujourd’hui voyager librement dans l’Espace Schengen et aussi, contrairement aux citoyens lettons, en Russie sans visas[5].
Naturalisation
[modifier | modifier le code]La naturalisation des non-citoyens a commencé en 1995, par classes d’âge et moyennent un examen d’histoire lettone, de Constitution et de langue lettone du niveau B1[6]. Depuis 1998, il n’y a plus de limitation à telle ou telle classe d’âge : tout candidat peut passer ces mêmes examens ou avoir étudié dans une école dans laquelle les enseignements sont dispensés en letton[7].
Les réactions internationales
[modifier | modifier le code]Les recommandations internationales sont :
- d’accélérer la naturalisation[8],[9] ;
- d’accorder le droit de vote aux non-citoyens aux élections locales[10],[11] ;
- de réduire le nombre des différences entre droits des citoyens et non-citoyens[12],[13] ;
- d’éviter de demander aux candidats à la naturalisation d’adopter des convictions contraires à leur vision de l’histoire[14] : ce point est le plus litigieux, car beaucoup de russophones, à quelques universitaires près, partagent la vision russe de l’histoire, largement relayée par les médias russes et les réseaux sociaux, selon laquelle les pays baltes n’ayant jamais été des états indépendants avant 1918, n’étaient que des provinces que l’Empire russe avait libérées de l’« oppression suédoise » ou « polonaise », tandis que l’indépendance des années 1918-1940 aurait été « factice » en raison de l’« oppression capitaliste », de sorte que là encore l’URSS ne les a pas « occupés » mais au contraire « libérés » en 1940[15].
Les obstacles locaux
[modifier | modifier le code]- Selon un sondage de 2005, 42,8 % des citoyens lettons (soit 35,6 % des habitants) étaient « contre » le fait d'accorder le droit de vote aux non-citoyens aux élections locales alors que 45,9 % des citoyens (soit 38,4 % des habitants) étaient « pour », le reste ne se prononçant pas. Les Lettons étaient « contre » à 55,9 % et les russophones à 7,8 % (74,6 % des russophones et 24,8 % des Lettons étaient « pour »)[16].
- Une partie des russophones ne parlent pas letton[17],[18],[19] ou ont de faibles bases[20].
Démographie des non-citoyens (2017)
[modifier | modifier le code]Groupe | Nombre des non-citoyens | % du groupe | % des non-citoyens |
---|---|---|---|
Russes | 155 931 | 28,2 | 65,6 |
Biélorusses | 32 672 | 47,7 | 13,7 |
Ukrainiens | 23 290 | 45,8 | 9,8 |
Polonais | 8 342 | 18,5 | 3,5 |
Lettons | 561 | 0,04 | 0,2 |
Juifs | 1 990 | 23,3 | 0,8 |
Total | 237 759 | 11,2 | 100 |
La plupart des résidents non-citoyens (122821, en 2017) vivent à Riga[22].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Le Monde du 1er avril 2015 p. 4
- (lv) Par Latvijas Republikas pilsoņu tiesību atjaunošanu un naturalizācijas pamatnoteikumiem, 15 octobre 1991.
- (en) Law On the Status of those Former USSR Citizens who do not have the Citizenship of Latvia or that of any Other State
- (en) Citizens of a Non-Existent State Riga: Averti-R, 2011 – p. 24-28
- « mfa.gov.lv/konsulara-informaci… »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
- unknown, « Šogad latviešu valodas prasmes pārbaudi nokārtojuši 51% pilsonības pretendentu », Diena, (lire en ligne, consulté le ).
- Lettre de la citoyenneté no 33 - mai-juin 1998.
- OSCE: Trop d'apatrides en Lettonie
- Troisième rapport sur la Lettonie — para. 117 Commission européenne contre le racisme et l'intolérance, 2007
- Lettonie: le Conseil de l'Europe recommande d'accorder le droit de vote aux non-citoyens
- Troisième rapport sur la Lettonie — para. 132 Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, 2007
- L'examen, par le Comité de l'ONU des droits des hommes, du deuxième rapport périodique de la Lettonie
- Troisième rapport sur la Lettonie — para. 118 Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, 2007
- PACE résolution n° 1527 (2006) — Section 17.9.
- K. Khoudoleï, (ru) Специфика балтийского нейтралитета в начальный период Второй мировой войны и политика СССР - сентябрь 1939 г. / июнь 1940 г. (« Les spécificités de la neutralité balte dans la période initiale de la Seconde Guerre mondiale et la politique soviétique »), Annales de l'Université de Saint-Petersbourg n° 1, série 6, pp. 109—120, année 2012.
- (lv) Uzskati par starpetniskajām attiecībām Latvijā — Rīga: SKDS, 2005. — 12.—13. lpp.
- 94 % des habitants peuvent communiquer en russe, 91 % — en letton. delfi.lv, 9 août 2005. : (lv); (ru)
- Les résultats du recensement 2000 (lv) (choisissez "Iedzīvotāju dzimtā valoda un citu valodu prasme") (en) (choisissez "Population by mother tongue and more widespread lamnguage skills")
- (lv) La connaissance des langues entre ethnicités différents (2000)
- (lv) Valoda. Atskaite. 2008. gada marts - aprīlis p. 22-23
- (lv) Latvijas iedzīvotāju sadalījums pēc nacionālā sastāva un valstiskās piederības (Datums=01.07.2017)
- Iedzīvotāju skaits pašvaldībās sadalījumā pēc valstiskās piederības
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- Français :
- Organisations internationales :
- Gouvernement letton :
- Gouvernements des pays francophones :
- Média :
- André Filler Riga: Arène d’affrontements politiques et identitaires autour de la citoyenneté Regard sur l'Est 2013
- Claire Hédon, Des «non-citoyens» dans l’Union européenne RFI
- Philippe Perchoc et Antoine Lanthony Identités et citoyenneté en Lettonie
- Zane Bandere Russes lettons cherchent citoyenneté en Europe, 2003
- 1. La question de la citoyenneté pour les minorités ethniques // Lettonie (3) La politique linguistique à l'égard des minorités nationales Université Laval Dernière mise à jour: 28 mars 2011
- Antoine Jacob Aliens de Lettonie Le Monde, 25 avril 2014