Photo ZL Jardin des Plantes 29/01/13.
Il y a quelques jours, j'étais (encore!) de passage à Paris. J'ai pu soustraire une journée à consacrer au seul plaisir de la ville. En traversant sous la pluie le jardin des Plantes, désert à part les joggers qui suent sous les gouttes, j'ai croisé ce joli bronze ruisselant. J'allais en direction de l'Institut du Monde arabe à la rencontre des
Mille et une nuit, et de la belle Shéhérazade.
Étonnant comme cet univers nous est familier, il a été pourvoyeur de tant d'images -voire de clichés- sur l'Orient, il a inspiré tellement de créateurs, il a habité notre imaginaire dès le plus jeune âge et alimenté nos fantasmes érotiques.
Le livre lui-même a eu un destin romanesque. A l'origine mélange de contes transmis par la tradition orale, tardivement consigné par écrit dont Antoine Galland entreprend de 1704 à 1717 la traduction et l'enrichissement. Il ajoute en particulier les aventures de Sinbad, d'Aladin et d'Ali Baba, se transformant lui-même en Shéhérazade. Quand l'ouvrage est édité, il provoque un véritable engouement et déclenche une chasse aux nouveaux contes.
Le recueil va susciter diverses traductions dont celle de Joseph Charles Mardrus. C'est celle que j'ai lue, dans la collection Bouquins chez Laffont, du temps où je vivais au Moyen Orient. Celle que la mère de Proust n'osait refuser à Marcel tout en lui suggérant de préférer celle de Balland, expurgée des détails trop précis des batifolages qui sont légion dans ces contes.
L'exposition se présente en plusieurs salles thématiques. On peut s'installer à l'écoute des contes. dans une atmosphère nocturne et des mises en décor un peu kitch pour certaines . La première salle présente de nombreuses éditions anciennes richement illustrées du livre. Les suivantes déclinent les thématiques importantes dans les contes. L'amour, la guerre, les mondes occultes...
On apprend ainsi que la langue arabe classique fournit une cinquantaine de termes pour traduire les émotions liées à l'état amoureux.
Je suis passée un peu vite, je l'avoue dans la partie dédiée à la guerre, les armes, les films qui s'en inspirent.
En revanche j'ai contemplé la beauté du film d'animation de
Lotte Reiniger, Les aventures du Prince Ahmed (1926)
J'ai également été fascinée par un Méliès de 1905,
le Palais des mille et une nuits.
Sans oublier
Pasolini
Profusion de bijoux, ustensiles, instruments de musique, tentures, tapis .
Au nombre des peintures qui m'ont particulièrement séduite celle d' Etienne Dinet,
"Esclave d'amour et lumière des yeux"
Les décors de Léon Bakst, ou encore (ci-dessus)
de Jacques-Emile Blanche, Ida Runbinstein dans le rôle de Zobéide dans le ballet "Shéhérazadeé, musique de Rimsky-Korsakov .
L'ensemble bien qu'inégal propose une riche palette de variations inspirées par la Sultane et son exploit de parvenir à sauver sa peau -et celle de toutes les vierges qui étaient sinon promises à l’immolation- en tenant en haleine son sanguinaire de mari.
"Tout écrivain est Shéhérazade, tout écrivain a en lui une menace de mort". M. Butor, Entretiens avec Georges Chardonnier.
Voir aussi http://sexe.blog.lemonde.fr/2012/12/30/les-freres-musulmans-font-taire-scheherazade/