samedi 30 janvier 2021

Les Frenchies, glam métropolitain

 

Rayon curiosité des années 1970, un groupe éphémère de Villejuif (94) Les Frenchies.
Bordéliques, inconséquents, enthousiastes, guère virtuoses ni originaux, ils restent dans quelques mémoires pour avoir été un des rares représentants du Glam rock à la française (avec peut-être Alain Kan pour des raisons voisines) et pour avoir compté quelques futures célébrités dans leurs rangs. 
Après avoir tâté de la musique du Diable avec son collègue pied-noir Jo Leb dans Crium Delirium, le jeune Michaël Memmi (neveu du philosophe Albert Memmi) investit,en 1973, un pavillon de banlieue en compagnie Morgan Davis et Linn Legreën. Aussitôt rebaptisé Le Château, cette turne devient un lieu de recel de motos volées, de gooks (chèques volés dans l'argot d'alors) de coke à redistribuer et... de local de répétition.
 Michaël raconte la suite : Un jour, alors que l’on rentrait au château , on nous a annoncé que deux mecs lookés comme des demi-drag queens qui s’étaient annoncés comme des amis à nous étaient en train de se servir du studio d’enregistrement rose fluo dont nous disposions à la cave. Effectivement, il y avait là deux garçons en train de jouer, et plutôt bien ! La voix éraillée de Jean-Marie Poiré nous a plu et nous avons accepté directement de le prendre dans le groupe, lui et son ami, Olivier Legrand, qui était à l’époque un gamin ; il avait pas mal traîné dans la face interlope du Paris branché. Le groupe était donc composé de : Jean-Marie Poiré (alias Martin Dune) au chant, Olivier Legrand alias Kiss (batterie), Michel Lallemand alias Morgan Davis,Jean-Jacques Gaffié alias Linn Lingreën (guitare), et moi (basse et chant).
Vous avez bien lu. Le déjà scénariste de Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages (1968) ou Le drapeau noir flotte sur la marmite (1971) et futur réalisateur de navets so frenchies tels Le Père Noël est une ordure (1982) ou Les visiteurs (1995) fraye à l'époque dans le milieu homo branché et rock 'n roll !
Car nos branleurs ont de l'entregent, Rock & Folk leur consacre une page alors qu'ils n'ont même pas un 45 tour à leur actif.
Mieux. Rayon bizarrerie, voici un petit film inédit estampillé Gaumont au sujet de ces scandaleux finalement assez drôles. 
 
Du coup, ils sont signés chez EMI et enregistrent leur unique album Lola Cola en 24 heures aux studios de Boulogne-Billancourt. Si le résultat est assez punk, la production et la promotion sont sabotées dans la grande tradition des groupes de rock français de l'époque.
 

Classique également, Poiré qui a assez rigolé comme ça, se barre du groupe peu de temps avant une première partie des Flamin' Groovies à l'Olympia.Et là, se produit le second miracle, ils auditionnent et engagent une jeune américaine qui n'est personne d'autre que Chrissie Hynde (future fondatrice des Pretenders et compagne de Ray Davies des Kinks). En outre, ils reçoivent le renfort de Sean Tyla (futur Tyla Gang) émérite pub rocker barbu et britannique. 
Et ils donnent un concert mémorable pour la LCR avec Dr Feelgood, Captain Beffheart et John Cale, rien que ça ! On regrette un peu beaucoup de n'avoir point de traces sonores. 
Et puis Chrissie et Michael se barrent à Londres et le groupe s'arrête là. On est en 1976 et là-bas, la dernière nouveauté en date s'appelle Punk rock.
Depuis Jean-Marie Poiré fait ses films, Michael s'est désintoxiqué, a produit des bluesmen français (Bracos Band, Paul Personne, Benoît Blue Boy), filmé pour Médecins du Monde et incrusté un club mexicain. Olivier Legrand est devenu peintre. 

mardi 26 janvier 2021

Le Québec aussi libéré que le Parisien et le Dauphiné réunis

 

Chouette émission Juke Box d'Amaury Chardeau du 17 janvier dernier intitulée Québec, des révolutions plus ou moins tranquilles.
En 1960 au Québec, les francophones pourtant majoritaires (5 millions contre 1 million d'anglophones) sont relégués au second plan : emplois subalternes, rémunérations inférieures, moindre accès à l'éducation. Profitant de la disparition du très conservateur Maurice Duplessis, les baby-boomers portent au pouvoir le gouvernement libéral de Jean Lesage. Celui-ci conduit, à un train soutenu, de nombreuses réformes économiques, politiques et sociétales qu'on désigne sous l'expression de la "Révolution tranquille". (...)
Poètes, musiciens et chansonniers s'engagent afin que la langue employée dans les médias et la culture reflète celle utilisée tous les jours dans les rues : un français trempé d’accent, d’expressions populaires et mâtiné de mots anglais, le joual. En 68, la création de la pièce Les Belles-soeurs de Michel Tremblay et du spectacle L'Osstidcho suscitent d'intenses polémiques. 
Sur fonds de campagnes d'attentats conduits par le Front de Libération du Québec, les souverainistes gagnent en influence...

Le gars a eu, en plus le bon goût de ne passer qu'un tube de l'époque, celui de Charlebois et Louise Forestier en plein trip.
On ne résiste pas à vous passer le communiqué du FLQ lu à la télévision le 8 octobre 1970 par Gaétan Montreuil par souci humanitaire pendant la prise d'otage du diplomate britannique James Cross.
On avoue quelque nostalgie pour cette époque.
 

 

Et on repasse le 45 tour d'Alexandre Zelkine L'otage (1974)



samedi 23 janvier 2021

Caramba ! Encore raté.

 

Déclarer que les punks avaient été situationnistes est certainement plus condescendant que juste. La réalité est que la majorité des gens embarqués dans le mouvement punk, musiciens ou pas, anglais ou pas, n'avait alors pas plus entendu parler de Guy Debord que de sa Société du spectacle, tout comme ils n'avaient pas plus lu Karl Marx que Joseph Proudhon.
Effectivement, les punks, comme d'autres avant eux, avaient essayé de construire des situations. Ces moments intenses où la vie se touche et se goûte comme jamais et que les situationnistes théorisaient comme une construction concrète d'ambiances momentanées de la vie et leur transformation en une qualité passionnelle supérieure. 
Réinventer la vie - la formulation du poète était bien plus claire. À partir de ce marché qui, à quelques exceptions près, ne voulait pas de lui, le propension du punk à agir par soi-même, souvent par défaut, avait néanmoins réalisé ce que les limites de l'intellectualisme (la séparation d'avec le réel) avaient empêché aux gens de l'Internationale situationniste de faire : produire des actes susceptibles d'avoir des effets.
Mais le punk et le rock en général ne faisaient-ils pas également partie du spectacle que dénonçaient les situs ? La réification - transformation d'une abstraction en une chose - avait permis au genre humain de se réaliser. De supporter l'existence et faire société. Les langues, les arts, les rites en étaient manifestation. Le monde de la production de masse n'avait pas inventé la réification, il l'avait mise à contribution afin de se développer.
Marc Sastre La fin du rock (Les Fondeurs de Briques 2020)
 
Les mêmes que ci-dessus au 15ème anniversaire de la mort de leur inspirateur

 
T'en veux du spectacle ?
Ce bon vieux Eugène reprend les Dead Ken. (merci à Crasse et voluptés)
 

mercredi 20 janvier 2021

Machin, folk rigolo franc comtois

 

Alain Carbonare, Gilles Kusméruck, Jean-Pierre Robert, Tony Carbonare.

Contrairement à un préjugé fort répandu chez les "rockeux" adeptes de l'électricité, certains folkeux des années 1970 cultivaient un sens de la parodie et second degré tout à fait louable.

Ainsi le groupe Machin également baptisé Très véritable Groupe Machin qui écuma la Franche Comté et autres colonies françoises (avec quelques incursions helvétiques) de 1975 à 1981, année terrible. Multi instrumentistes également amoureux du patrimoine de nos contrées que du rock trépidant, le projet est monté par Alain et Tony Carbonare et Jean-Pierre Robert qui débauchent vite Gilles Kuméruck du duo country Bébert et Kus. Jean-Paul Simonin, batteur à tendance bûcheronne, les rejoint l'année suivante.
Outre les concerts galères dans des MJC à l'acoustique dégueu, la bande se fait recruter par un jeune compatriote parti conquérir Paris pour accompagner ses délires, j'ai nommé Hubert Félix Thiéfaine. Mais, aussi étonnant que ça puisse paraître aujourd'hui, Machin connaît plus de succès que le jurassic fantaisiste et ils enregistrent leur premier disque avant lui, en 1976 : Moi je suis un folkeux.

 
Mais comme ils ne sont pas chiens, ils négocient leur signature sur le label Stern, en 1977 à une cosignature pour un Thiéfaine jusqu'alors boudé par les labels et enregistrent avec lui Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s'émouvoir. Au passage Tony Carbonare devient manger d'Hubert Félix jusqu'en 1999.
Ils co-écriront le futur hymne officieux du Jura, La cancoillotte, ici par Machin, tout seuls.

Nos zozos sortent quatre vinyles, aujourd'hui fort recherchés de 1976 à 1980, Moi je suis un folkeux (76), Tout folkant (77), Râles folk (78) et ... et pourtant c'en était pas ! en 1981.
Le folk ne fait plus recette et Thiéfaine prend un virage sombrement rock poète maudit. Ça devient épuisant de mener deux groupes parallèles.
La bande se sépare donc : Jean-Pierre part en solo, Tony reste manager et Gilles et Jean-Paul accompagnent toujours HFT devant un public qui croît petit à petit. 
Thiéfaine les ressuscite en 1998 pour son concert anniversaire et c'est reparti pour des concerts et même deux disques, une compilation en 2003 et un live en 2005. On les retrouve dans un désormais classique de leurs débuts Si j'étais moins phallocrate en 2002 à Beaucourt.
Rien à envier à Ramon Pipin et ses exégètes.

 

La nostalgie et la magie d'internet ont fait le reste.
Ces sympathiques venus du froid ont désormais un site.
Et moi, je vais me déguster un fromage de chèvre... 

samedi 16 janvier 2021

Punks, anarchistes et prophètes

 

 
À l'origine les punks étaient morveux, bordéliques, ironiques, énervés, irrévérencieux, rigolos, prétentieux, etc. Et puis, à la suite de Crass ou de Discharge, une partie de la mouvance s'est ouvertement déclarée anarchiste en jouant une musique de plus en plus rapide et déstructurée (entendez, sans concession au Système) surtout chez les britanniques. Ils sont devenus hard-core, concernés, politisés, quotidiennistes et pour certains, végétariens, prédicateurs et moralistes, en deux mots ennuyeux.
À de notables exceptions près, chez qui notre subjectivité place Conflict, Poison Girls ou Inner Terrestrial.
Et, malgré leur côté "fais pas ci, fais pas ça", un groupe de Trowbridge, les Subhumans. Formés de Dick au chant, Bruce à la guitare, Phil à la basse et Trotsky (si!) à la batterie, ce quatuor se mit à vomir dégoût et appel à l'insurrection en produisant des disques à la chaîne, tous dôtés un prix maximum pour la vente imprimé à même la pochette. 
Et là, où ça devient drôle, c'est qu'à la réécoute, une bonne partie de la production de ces jeunes gens en colère prend un sens quasi prophétique.
Prenons Germs, issu du EP Evolution (1980)
Je suis un germe, sous ta peau (...)
Je me joue de ta santé et bousille tout.
Je suis un germe dans ta bouche quand tu l'embrasse.
Et demain on t'isolera
Et les toubibs n'auront rien de mieux à dire que "tu vas y passer".(...)
Pas la peine de croire en la Sécu (National Health)
Quand tu es mort, je  vais détruire quelqu'un d'autre.
 

Édifiant, non ? En ces temps reculés on n'avait pas encore inventé l'infâme néologisme "collapsologie", on disait "catastrophisme" ou "pessimisme social" et là-dessus, nos petits gars se posaient un peu là.
Dans un monde dominé par l'exploitation, le productivisme, la religion, le complexe militaro-industriel, la consommation, les Subs avaient parfois des accents de témoins de Jéhovah ou d'anabaptistes excités par la révélation de la date de la dernière apocalypse programmée.
À l'image de ce Dying world (LP The day the country died 1983) qu'on dirait écrit tout exprès pour notre belle année.
 


Et comme nos obscènes maîtres viennent de nous priver de chaleur humaine et d'apéro, ce titre de 1982,Till the pigs come round, prend un jour nouveau. 
Imaginez un moment entre amis sous couvre-feu dans lequel débarquerait la maréchaussée...

mardi 12 janvier 2021

1921 année du centenaire

 

Mort aux bourgeois

Le dernier mot du capitalisme sous ce rapport, le système Taylor, comme tous les progrès du capitalisme, combine la cruauté la plus raffinée de l'exploitation bourgeoise aux conquêtes scientifiques les plus précieuses concernant l'analyse des mouvements dans le travail, l'élimination des mouvements superflus ou maladroits, l'élaboration des méthodes de travail les plus rationnelles, l'introduction de meilleures méthodes de recensement et de contrôle, etc. La République des soviets doit faire sienne, coûte que coûte, les conquêtes les plus précieuses de la science et de la technique dans ce domaine.  
Nous pourrons réaliser le socialisme justement dans la mesure où nous aurons réussi à combiner le pouvoir soviétique de gestion avec les plus récents progrès du capitalisme. Il faut organiser, en Russie, l'étude et l'enseignement des systèmes Taylor, l'expérimenter et l'adapter à nos fins. 
Il faut aussi, en visant à augmenter la productivité du travail, tenir compte des traits spécifiques de la période de transition du capitalisme au socialisme qui exigent, d'une part, que soient jetées les bases de l'organisation socialiste de l'émulation et d'autre part, que l'on use de tous les moyens de contrainte de façon que le mot d'ordre de dictature du prolétariat ne soit pas discrédité par l'état de déliquescence du pouvoir prolétarien dans la vie pratique...
Vladimir Ilitch Oulianov "Lénine"
Les tâches immédiates du pouvoir des soviets

 Vive la révolution sociale

La terre aux paysans, l'usine aux ouvriers

À bas le pouvoir et le capital

Tout le pouvoir aux soviets locaux

Pendant ce temps à Kronstadt

Cité par Alexandre Skirda, Kronstadt 1921


On précise à notre aimable lectorat qu'on ignore si cette chanson nostalgique est à la gloire des marins de Kronstadt "fers de lance" de la Révolution de 1917 ou à la gloire des mêmes devenus trois ans et demi plus tard et d'un coup de baguette magique déviationnistes anarcho-syndicalistes manipulés par des popes, des généraux blancs, des Finlandais et des agents provocateurs français.

samedi 9 janvier 2021

Robert Piazza

 

Selon Aki Kaurismäki, c'est notre "trésor national", pour Eric Burdon qui s'y connaît, c'est une des cinq voix du rock, Lemmy Kilminster, avare en compliments, ne tarissait pas d'éloges à son sujet, pour Jean-Bernard Pouy, c'est Marguerite Duras avec un cuir. Il est donc temps, ici de rendre justice à notre grand ancêtre et à sa chère ville du Havre qui ne se limite pas à son triste maire. Oyez brave gens voici la saga de Robert "Libero" Piazza, mieux connu comme Little Bob

Né en 1945 à Alexandrie, il hérita du surnom de son père (Libero signifie "l'anar") un prolo qui débarque au Havre en 1958. Comme tout bon gamin de la classe ouvrière, petit Robert débute comme grouillot d'usine non sans squatter les micros en amateur dès 1966. En 1974, bye bye turbin, le gars monte son premier groupe Little Bob Story, avec le beau Guy Georges Grémy (guitare) le balèze Barbe noire (basse) et Mino Quertier au marteau-piqueur. 


Et c'est parti pour 11 ans de tournées à fond les manettes. Ce qui aurait épuisé n'importe quel être humain doué de santé mais pas la boule d'énergie qu'est Bob. Vu leur position géographique, ils font des sauts outre-Channel et signent chez Chiswick en plaine explosion punk.  En quatre ans, on a fait 350 concerts en Grande-Bretagne mais il a fallu affronter un public qui ne nous connaissait pas. Dès le départ, ça a été la bagarre pour se faire accepter. 

Leur premier 45 tour est un hommage très personnel aux Animals et au maître Burdon: Don't let me be misunderstood. Malgré une musique plus assimilable au pub rock, ils jouent aux deux festivals punk de Mont de Marsan (1976 et 1977) sortant un brillant premier album dès 1975 comprenant au passage, un hymne à notre bonne ville (Nougaro enfoncé !) et son titre, le très inspiré par le MC5 High Time, ici en concert.

Tournant comme des forcenés, reconnus par leurs pairs mais privés du moindre passage à la radio LBS écoule honorablement ses albums mais voit sa carrière systématiquement sabotée par le label RCA (tournée conjointe avec... Ange ! pochette immonde de Come see me qui semble destinée aux routiers les plus bas du bulbe...). Même au fin fond de nos cambrousses, faut vraiment avoir été sourd, aveugle et cul-de-jatte pour avoir échappé aux concerts chaleureux des Havrais.
Mais cet homme délicieux le raconte mieux dans cet entretien à Télérama

 

Quand notre Stakhanov des trois accords sacrés n'est pas accompagné par ses complices, on a parfois la chance de l'écouter dans son numéro de bluesman, seul au piano dans des bistrots à son image, c'est à dire accueillants et grands comme des mouchoirs de poche. 
En 1988, après 10 disques, le combo jette l'éponge et Bob sonne le rappel de ses multiples relations pour persister à jouer en solo tout la décennie suivante.Cet homme ne sait pas rester en place.
Un hommage à ses racines : Vivere, sperare (marrant, pour un mec qui n'a jamais voulu chanter en français).
 
 
Avec Mimie, son amoureuse, il joue son propre rôle dans Le Havre d'Aki Kaurismaki, film moyen qu'il sauve du naufrage par sa prestation. Myriam est morte en 2001 et notre gars soigne sa douleur en écumant les scènes en compagnie de son nouveau groupe, les Blues Bastards, montés en 2012.
Désormais, vu ce que le monde du show-biz lui a rapporté, il s'auto-produit intégralement. 
 
 
Éternel franc-tireur du rock hexagonal, il aura échappé à l'usine et vécu selon ses désirs. Il n'est nullement aigri par une carrière en demie-teinte. Comme disait le père Strummer "La différence entre une star et une légende, c'est qu'une légende n'a pas un rond". Little Bob préfère en rire.
Salut à toi, on te souhaite longue vie et de nombreuses rencontres.
On vous recommande chaudement le docu de Gilbert Carsoux et Laurent Jézéquel qui lui est consacré : Rockin' class hero qui, malgré une forme très classique, rend le personnage encore plus attachant.
 
 

mercredi 6 janvier 2021

On a chanté la Veuve

Le 9 octobre 1981, Robert "les Gros sourcils" priva notre beau pays de l'outil qui, comme la Tour Eiffel ou le camembert, lui assurait une notoriété mondiale. Rassurez-vous, les socialos mettront vite en fonction des Quartiers d'isolement, des peines incompressibles et tout un attirail destiné à faire miroiter une mort lente aux voyous et autres malfaisants. Pour mémoire, le regretté Giscard d'Estaing doté "d'une aversion profonde à la peine de mort" avait fait raccourcir trois personnes et au moins quatre autres attendaient la visite matinale du coiffeur au 10 mai 1981. 
Auparavant, l'immonde joujou des Deibler (bourreaux de père en fils de 1853 à 1939) avait excité les imaginaires, surtout lors d'une "Belle époque" où il s'agissait de vivre vite et de laisser un beau cadavre. 
Anatole Deibler (400 exécutions au compteur) et deux apaches de la bande de Béthune dont il se chargea.
 
Rappel historique : dans un souci d'humanisme, d'égalité, de sérénité et d'abolition des privilèges (seule la noblesse avait alors droit à la décapitation) l'Assemblée nationale adopta la guillotine le 6 octobre 1791. 
Contrairement à la légende, cette loi n'est pas l’œuvre de Joseph Ignace "appelez-moi docteur" Guillotin mais des députés Lepeltier et Saint Fargeau. Le bon docteur s'était contenté de suggérer pour accompagner les exécutions équitables un instrument déjà populaire dans les pays germaniques depuis le XVIème siècle, visant "à supprimer des souffrances inutiles".
Son engin fut rebaptisé du nom de son promoteur qui sera assez vite écœuré par l'utilisation industrielle qu'on lui trouvera. Contrairement à la légende, Guillotin mourut dans son lit à 75 ans.
Mais l'enthousiasme des patriotes se traduisait déjà en chansons, dont une qui dut ensuite inspirer le Père Léon, La guillotine permanente, tube de 1793, ici repris par Catherine Ribeiro dans un disque commémorant le bicentenaire de la Révolution.

L'image d'Épinal veut que la béquillarde ait tourné à plein rendement lors de la Terreur robespierriste. Certes, Samson (ça ne s'invente pas) exécuteur des basses œuvres n'a pas chômé, pas plus que les pauvres rémouleurs chargés d'aiguiser la bête. Mais, contrairement à bien d'autres symboles, la Restauration ne se débarrassa pas d'un engin si ingénieux et durant tout le XIXème, la bascule à Charlot ravagera le pays. A l'instar du bagne, on y passait pour un oui ou pour un non, en témoigne le fameux Derniers jours d'un condamné que Victor Hugo a mis trois années à oser signer de son vrai nom. C'était l'époque des complaintes criminelles.
Pour les grandes occasions, l'État préférait tout de même les canons chargés à la mitraille et la troupe qui chargeait pour calmer les ardeurs du populo.
Au tournant du siècle, vint la mode du voyou faubourien, mi-romantique, mi-épouvantail à bourgeois, qui trouva son accomplissement avec la figure de l'Apache* de la soi-disant Belle époque. Malgré l'opposition déclarée à la peine de mort du débonnaire président Armand Fallières, les exécutions en public restèrent encore le spectacle gratuit devant lequel on s'indignait, voire on se bastonnait avec les sergots (comme celle de Liabeuf en 1910) lorsqu'on ne se réjouissait pas du balcon en sablant le champagne.
C'était l'âge d'or des cabarets et des chants d'apaches. Devant un tel déferlement, on vous en pose deux, l'inévitable décrivant les derniers instants d'un voyou, écrite par Bruant, À la Roquette, ici par Bromure, des skins parisiens (2017).


 On ne saurait oublier l'impeccable Jacques Marchais dans son anthologie On a chanté les voyous un de nos disques de chevet, qui chanta une chanson de Desforges et Gueteville, créée par Reschal au cabaret l'Horloge, les confidences ironiques d'un futur guillotiné : Monte à regret
Ce qui n'est par ailleurs qu'un autre nom de la Veuve ou la rue de Limoges qui va de la taule à la place fatale.
Mais les beaux jours s'enfuient et le spectacle des exécutions au petit jour devient pénible à un public avide de happy ends avec l'arrivée du cinématographe.
 
Ainsi, vu le flou, le photographe qui prit le document ci-dessus devait être quelque peu ému ou frigorifié à l'occasion de l'ultime exécution publique, celle d'Eugène Weidmann, à l'aube du 17 juin 1939.
Désormais, on planquera les assassinats légaux derrière de hauts murs et la peine de mort se trimballera une réputation de plus en plus honteuse même si elle eut et a encore de chauds partisans. De 1968 à 1978, elle sera encore prononcée trois à quatre fois par an aux assiettes.
Mais on trouvait alors peu d'amateurs pour la braver ouvertement. et quelques indécrottables réacs pour la célébrer. Les années 1970 sont plutôt au chagrin et à la pitié.
On terminera donc ce tour d'horizon incomplet par un sympathique chanteur de variétoche, Julien Clerc, qui met en musique une chanson de Jean-Loup Dabadie en 1980, L'assassin assassiné.
 

 

* À creuser aux rubriques "Cabaret" ou "Bandits bien aimés" sur ce même blogue.

dimanche 3 janvier 2021

Le monde vu par Tonton Plume


 

L'année écoulée aurait donc battu les records de l'année de marde, comme on dit là-bas. 
Pour la suite, il ne manque au tableau qu'une centrale nucléaire qui... 
Mais bon, comme on n'a rien de très pertinent à exprimer parmi ce chœur qui semble tellement soulagé de tourner la page 2020 pour aller vers une période encore plus merdique qui fleure bon ses lois scélérates et son fascisme* sanitaire, on laissera le dernier mot à notre cher Plume Latraverse qui voit tout en noir. Même les moutons.
 

 

* De suite les grands mots ! (NdR)