Les amateurs de ce blogue ont compris que le rédacteur d'icelui est un plouc issu de la Gascogne profonde. Il a donc mis pas mal de temps à "monter" à la capitale, comme on disait alors. Et le premier lieu qu'il a fréquenté fut la riante banlieue d'Aubervilliers. Plus précisément le quartier du Landy, aussi nommé "la petite Espagne". Peut-être le fait que la plupart de ses habitants s'appelaient López, García
ou Ibañez était-il moins dépaysant pour lui.
Les copains vivaient au bord du canal St Denis, au-dessus d'un bar de mariniers, les chiottes communes étaient sur le pallier et les entrepôts se vidaient inexorablement. Ce qui en fit un terrain de jeux pour cinéastes en mal de décor : Zidi y tournait Les Ripoux et ceux de la Mano Negra allaient bientôt réaliser des clips dans ce lieu si authentiquement prolétarien.
Et puis, une amie a envoyé ce film D'Eli Lothar et de 1946.
Il s'agit d'une commande du PCF, plus précisément à la demande de Charles Tillon, maire d'Auber, ex mutin de la mer Noire, dirigeant des FTP dans la résistance, à l'époque ministre de l'aviation et très prochainement purgé du Parti des travailleurs lors d'un de ces règlements de compte dont les staliniens avaient le secret si ce n'est le monopole.
Remarquons que l'ancien maire, jamais nommé, n'était autre que l'immonde Pierre Laval, maire depuis 1929 et fusillé pour son aimable collaboration en octobre 1945.
Montret la misère, l'urgence de la reconstruction, les plaies de la guerre, qu'elle soit mondiale ou sociale, tel est le propos.
Ce court documentaire est écrit par Jacques Prévert dont on reconnaît parfaitement le à la fois chaleureux et faussement naïf, voire parfois agaçant. La musique est bien entendu de Joseph Kosma, le texte dit par Roger Pigaut. Les extraits des chansons Chanson de la Seine, Gentils enfants d'Aubervilliers ou Chanson de l'eau sont interprétées par Germaine Montéro et Fabien Loris.
Ce film de 24 minutes était projeté en première partie de La bataille du rail de René Clément. Puis il fut censuré pour manque manifeste d'optimisme. Après tout, on avait gagné la Guerre.
Ce qui m'a évoqué une rengaine de Léo Ferré (1949) qui cause justement de la guerre, d'Aubervilliers et aussi du Pape.