Monsieur Macron, voulez-vous vraiment rester dans l’Histoire comme le président qui a amené l’extrême-droite au pouvoir ?
dimanche 30 juin 2024
vendredi 28 juin 2024
sans son stylo
À ceux qui préparent leurs vacances, qu’ils n’oublient pas qu’il ne faut jamais partir
mercredi 26 juin 2024
Pour l’anniversaire de l’héroïne des Singes rouges
Aujourd’hui, je suis allé embrasser l’héroïne des Singes rouges, puisque c’est ma mère et que c’était son anniversaire. (Les Singes rouges, c’est donc un livre, mon dernier paru chez Quidam, en 2020, une semaine avant le confinement, avec les conséquences que l’on devine). Alors j’ai envie de partager ce souvenir-ci, qui est précisément celui de son anniversaire, le quatrième, au début des années 30, à Régina, au bord de l’Approuague, en Guyane.
Recevoir un cadeau
Puis ils sont partis pour Régina, dans la brousse.
Régina, c’était la brousse. Il lui a toujours entendu dire ça : la brousse. C’était la brousse et ça s’appelait Régina.
Pour lui, Régina aussi est le nom de l’enfance de sa mère.
C’est là qu’elle a eu quatre ans.
Les autres souvenirs, racontés jusque là, ce sont des souvenirs d’avant quatre ans. Dans la famille, on se souvient même de la toute petite enfance.
Ce jour-là, le jour de ses quatre ans, elle a reçu une poupée en porcelaine. C’est sa marraine qui la lui avait envoyée par la poste, par bateau, depuis la Martinique.
La boîte dans laquelle elle était rangée représentait son armoire. Il y avait tout son trousseau.
Quand elle l’a eue dans les mains, elle était si belle, elle était si belle, elle était si belle qu’elle l’a laissée tomber. Elle s’est cassée. Elle était en porcelaine. C’est le premier joli cadeau dont elle se souvienne.
mardi 25 juin 2024
Quelques Dialogues intérieurs à la périphérie, de Peter Handke
Comme je lis (notamment) les Dialogues intérieurs à la périphérie, de Peter Handke, que les éditions Verdier viennent de publier dans une traduction de Laurent Margantin, je vous en recopie quelques-uns avant que vous ne vous envoliez avec l’été. Ma lecture est inachevée, et j’aime que Handke laisse chaque note sans point final. (Parfois les textes qu’on recopie d’autrui parlent encore mieux de soi que ceux que l’on écrit.)
« Le claironnement des foulques dans tous les sens sur l’étang de la forêt, comme dans un match de ping-pong (plutôt paisible) »
« « Beaux dormeurs » : dessine les dormeurs dans les trains de banlieue, dans le bus, dans le métro »
« Quand la fourmi resta un moment sur mon genou, il s’appela un moment, « colline de la fourmi » »
« Le vestibule du demi-sommeil »
« Où sont passés les enfants qui écrivent dans l’air ? »
« « Tu te laisses aller. – C’est le chagrin. – Ce n’est pas du chagrin si tu te laisses aller » »
« Toi, scribe, tu es un démon ? – Oui, quand je suis scribe, quand je suis en train d’écrire – quand c’est mon métier. Mais je suis un démon pacifique, au-delà du Bien et du Mal »
« De l’intérêt de ce qui est usé jusqu’à la corde : je vois la structure et comment c’est fait »
« « Superstition » : en marchant, j’aide une personne absente dans le besoin marcher ; je l’aide à se mettre debout »
« « Quelle est la morale de ton histoire ? – L’histoire » »
lundi 24 juin 2024
Le Contrat, par Franz Franquin et André Kafka, épisode 32
Messerschmied retourna chez Brunnen. Il fit preuve de curiosité, encore une fois. La curiosité encore une fois perdit Messerschmied. Plus précisément : la curiosité perdit le pantalon de Messerschmied. Il aurait préféré que ça ne sache pas.
397
dimanche 23 juin 2024
Abécédaire du dimanche (conversationnel)
À bâtons cassés, discutons ensemble. Faisons grandement haute interlocution. Jacassons kermesse. Les mots n’osent pas questionner rien. Se taire : ultimes vocalisations warapu, xoclengue, yonaguni, zapotèque.
vendredi 21 juin 2024
Une énigme (très simple)
1 deux
2 quatre
3 cinq
4 six
5 quatre
6 trois
7 quatre
8 quatre
9 quatre
10 trois
11 quatre
12 cinq
13 six
14 huit
15 six
16 cinq
17 sept
18 sept
19 sept
20 cinq
jeudi 20 juin 2024
Sa franchise
« où est la lumière »
sa franchise se met à mal
le mystère n’est-il pas une accalmie
sans entrave au rez-de-chaussée
un moment hors d’haleine
une q. ne s’adresse pas à elle-même
le paradis est un lieu qui commence
l’histoire des oiseaux se plaît d’ailleurs
plutôt bien en enfance
des chiens grands comme des maisons
un rêve-fronde qui gronde
c’est d’ailleurs tout le problème
la plupart nous avaient obligés
la météo et les étoiles-semence
certains approuvaient l’initiative
Philippe Di Meo, Enjambées, Bruno Guattari éditeur, 2024
mercredi 19 juin 2024
court toujours (268)
Dans un parti de gauche, il ne saurait y avoir de « chef ». C’est l’une des différences essentielles entre gauche et droite – et un message à faire passer.
mardi 18 juin 2024
le sens des mots des gens
Il se retourna et vit que Silbano désignait un point diffus sur le mur – un autre point, pas le même – et que, de l’autre bras, il semblait lui demander quelque chose avec insistance. Le détective commença par ne pas comprendre ce qu’il voulait. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre qu’il lui demandait la loupe. Mais il ne l’avait plus. Il essaya de lui dire qu’elle se trouvait sur une brique à ses pieds, c’est-à-dire aux siens et à ceux de l’assistant, puisqu’ils étaient très proches l’un de l’autre, mais Silbano ne l’écoutait pas, il était trop occupé à marmonner des mots en désordre qui se percutaient comme des auto-tamponneuses avant même de former l’esquisse d’une phrase. Le détective pensa alors au sens des mots des gens et se dit que le donner pour acquis était peut-être une erreur. Parfois, le sens des mots des gens n’avait pas de sens. Ou alors si, il en avait, mais uniquement pour celui qui parlait, ce qu’il trouva triste. Il se mit alors à désigner de la main la brique où se trouvait la loupe, mais son geste dut manquer de l’emphase suffisante, car son assistant ne se sentit pas concerné.
C’est un extrait de Palais mental, de Guillaume Contré, paru l’an dernier aux belles éditions MF. C’est un très beau palais ; on s’y sent comme chez soi : dans la plus parfaite incompréhension de chaque chose – mais l’enquête continue.
lundi 17 juin 2024
Le Contrat, par Franz Franquin et André Kafka, épisode 31
Lorsque, quelque temps plus tard, Messerschmied voulut reprendre contact avec les établissements Brunnen, le téléphone sonnait occupé. Il réitéra plusieurs fois sa tentative, sans succès.
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dimanche 16 juin 2024
Abécédaire du dimanche (présidentiel)
« Assez bamboché ! » clama derechef Emmanuel. Faraud, glamour, héroïque, il jobardait kilotonniquement, le Macron, nouvellement opté président. Quelques rues se traversèrent… Un vrai whig xyloglotte, yuppie zeusien !
jeudi 13 juin 2024
Pour une VIe République
Alors imaginons, puisque nous ne manquons pas d’imagination, que la gauche remporte les prochaines législatives (je dis la gauche surtout pour le plaisir, car la question qui me traverse devrait traverser n’importe quel électeur, quel que soit son bord). Va-t-on se contenter de revoir les réformes injustes ? Ou bien va-t-on essayer d’aller un plus loin ? Le président s’est fait détester – même si lui ne semble pas s’en rendre compte – d’une majorité d’électeurs. J’emploie à dessein ce verbe excessif, car s’il vaut en grande partie pour Macron, n’a-t-il pas valu en son temps aussi pour Hollande ? N’a-t-il pas valu pour Sarkozy ? Va-t-on se contenter d’un « tous des cons » (ou « tous des salopards » si vous voulez) sans regarder un peu plus loin ? Nos institutions ne portent-elles pas en germe cette détestation présidentielle ? Qu’est-ce qui nous garantit qu’elle épargnerait un nouveau président (au cas où, par exemple, « surpris » et « déçu » par le résultat des législatives, l’actuel président déciderait de donner sa démission) ? Depuis 2002, qui a vu l’élection d’un président à moins de 20 % des suffrages exprimés (à l’exclusion – injustifiée et injuste – des votes blancs ou nuls), on sait que le président ne représente plus du tout la majorité. Les présidents de la Ve République ont tous été mal élus : Hollande a juste servi de chasse-clou pour extirper Sarkozy (paradoxalement et cyniquement le moins mal élu) ; quant à Macron, il a tout fait pour la montée de l’extrême-droite dans le seul but de la battre au second tour – c’était plus sûr à ses yeux que face à un candidat de gauche ou de la droite modérée. On voit aujourd’hui le résultat. Mais le résultat, c’est qu’on tient peut-être aujourd’hui l’occasion de faire bouger les choses. L’heure de la VIe République – une République plus démocratique, une République sans cet arrière-goût de monarchie hypocrite dans lequel nous baignons – pourrait avoir sonné.
mercredi 12 juin 2024
court toujours (267)
L’union de la gauche est indécente, déclare le président, qui en effet s’y connaît en matière d’indécence.
mardi 11 juin 2024
lundi 10 juin 2024
Le Contrat, par Franz Franquin et André Kafka, épisode 30
Messerschmied était retourné chez Brunnen. Il relisait attentivement le contrat que venait de lui présenter Monsieur Witz. Il était sur le point de le signer, lorsqu’il remarqua une tache verdâtre à l’emplacement de la signature. Il la regarda de plus près, incrédule, et dut bien se rendre à l’évidence : c’était bel et bien une fiente d’oiseau.
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dimanche 9 juin 2024
Abécédaire du dimanche (onomatopéique)
Ah ? Badaboum ! Clac ! Dring ! Euh ? Fichtre ! Grrr ! Hein ? Iiiaaarrr ! Jarnicoton ! Kaïkaï ! Lalalère ! Miam ! Na ! Ouf ! Pouët-pouët ! Quoi ? Rhââ ! Snif ! Tuuut ! Uit ! Vroum ! Whaou ! Xing ! Youpi ! Zzzz !
(Abécédaires faunophonique, proverbial, bibliomaniaque, aquoiboniste, meurtrier, touristique, culinaire, guerrier, floral, zoologique.)
vendredi 7 juin 2024
jeudi 6 juin 2024
Je perdis l’usage de la parole.
« L’impossibilité d’avoir des relations pacifiques avec toi eut encore une autre conséquence, bien naturelle en vérité : je perdis l’usage de la parole. Sans doute n’aurais-je jamais été un grand orateur, même dans d’autres circonstances, mais j’aurais tout de même parlé couramment le langage humain ordinaire. Très tôt, cependant, tu m’as interdit de prendre la parole : « Pas de réplique ! », cette menace et la main levée qui la soulignait m’ont tout de suite accompagné. »
Lettre au père, de Franz Kafka, traduction de Marthe Robert.
mercredi 5 juin 2024
mardi 4 juin 2024
Kafka et moi
Kafka est mort. Évidemment je savais bien que ça arriverait, mais quand même, ça m’a fichu un coup. Pour dire les choses comme elles sont : j’ai pleuré, même si ensuite j’ai ri de mes larmes. Donc oui, certainement, ce deuxième volume de la biographie de Kafka dont – et c’est une coïncidence – j’ai achevé la lecture la veille du centenaire précis de sa mort, est très bon ; mais ne comptez pas sur moi pour vous dire en quoi.
Bien sûr c’est toujours un peu sur soi-même que l’on pleure. Cet auteur définitivement jeune, c’est ma jeunesse. C’est Danielle Auby qui, alors que je suis en classe de première et qu’elle est mon professeur de français, me dit, après voir lu un texte que j’ai osé lui montrer, qu’il faut que je lise Kafka ; c’est bientôt fait, quasi dans sa totalité. C’est Bernard Lortholary, dont, en première année de fac, je suis les cours de littérature allemande et à propos duquel j’apprends qu’une nouvelle traduction du Procès paraît de sa main. C’est le compositeur Vojtech Saudek, côtoyé pendant mes années de théâtre amateur sous la houlette de sa compagne Agnès Delume, dont j’apprends cette année seulement qu’il était le petit-fils d’Ottla Kafka, la chère petite sœur assassinée à Auschwitz – nous n’aurons pas hélas l’occasion d’en parler ensemble. C’est Eric Chevillard qui intitule « Variations kafkaïennes » l’article qu’il consacre à Pas Liev dans le Monde, le jour même où le monde et ma famille sont blessés au Bataclan. C’est Gaston Lagaffe, oui, le Gaston de Franquin, que je découvre à peine plus tôt que que Kafka, et moi qui ne discerne que peu à peu tout ce que l’univers vu par Franquin a en commun avec celui de Kafka – un vieux billet à ce sujet, ici même à travers ces Hublots, reçoit encore de nombreux visiteurs – au point que je finisse par être tenté de réécrire les aventures de Monsieur de Mesmaeker comme s’il était un personnage de Kafka, sans même me rendre compte qu’approchent ensemble non seulement le centenaire de la mort de Kafka mais aussi celui de la naissance de Franquin : resterai-je seul à voir à la fois combien les récits de Kafka peuvent être drôles et à quel point l’univers de Franquin peut être d’une terrible opacité ?
Voilà : Kafka est mort et ça reste quand même un peu la famille. Heureusement, il va renaître : je viens d’acheter à l’instant Kafka, les années de jeunesse, le troisième tome de la biographie de Reiner Stach. Je crois que l’auteur raconte que la raison de ce retour en arrière est dû au fait que certains documents ne lui étaient pas encore disponibles à l’époque où il s’est attaqué à cet énorme projet. Ne le croyez pas : il ne l’a fait que pour moi, pour que Kafka renaisse encore.
lundi 3 juin 2024
Le Contrat, par Franz Franquin et André Kafka, épisode 29
C’est complètement par hasard que Messerschmied revit Monsieur Witz. Ils n’avaient pas encore repris rendez-vous pour signer le contrat, mais il en était question. Il faisait beau et Messerschmied, depuis sa décapotable, aperçut Monsieur Witz absorbé dans une observation qui piqua la curiosité de Messerschmied. D’ailleurs peut-être même se le dit-il à lui-même, Messerschmied, que sa curiosité le perdrait. Quoi qu’il en soit, il gara rapidement sa voiture et descendit la pente en direction de Monsieur Witz qui, l’ayant reconnu à son tour, avançait à sa rencontre. Ils se saluèrent chaleureusement, comme deux vieux amis, échangèrent quelques mots sur le spectacle qui intéressait si fort Monsieur Witz – une entreprise de démolition de vieilles voitures – et Messerschmied en profita pour lui glisser un mot du contrat ; justement il en avait un exemplaire dans la boîte à gants de sa voiture. C’est à ce moment qu’un bruit attira son attention : sa voiture dévalait la pente. Sous ses yeux effarés et sans qu’il pût rien faire, le véhicule chut dans une trappe où, sous l’action aussi impeccable qu’implacable d’une presse hydraulique, il ressortit sous la forme d’un parallélépipède d’une taille relativement modeste où rien ne subsistait plus de ce qui avait été la belle décapotable de Messerschlmied.
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dimanche 2 juin 2024
Abécédaire du dimanche (faunophonique)
Aboie, bon chien dressé en faïence ! Grogne ! Hennis, « iii ! », jument knabstrup librement mouchetée ! Nasille, oie ! Pigeon, quand roucoulera son timbre unique ? Vocalisez, wombats, xérus, yapoks, zorilles !
(Abécédaires proverbial, bibliomaniaque, aquoiboniste, meurtrier, touristique, culinaire, guerrier, floral, zoologique.)