Tête-Dure est, me
semble-t-il, le premier roman de Francesco Pittau, lequel publie pourtant
depuis des années – car la littérature, ce n’est pas nécessairement le roman. Moi,
mon premier Pittau, je l’ai lu à haute voix à son propriétaire, qui en était
empêché à l’époque. Il vient d’avoir son permis, c’est dire si le temps passe,
mais il se souvient parfaitement de C’est méchant. « C’est
méchant », Tête-Dure a dû se l’entendre dire, pour qu’on le surnomme
ainsi. Sa mère avait d’ailleurs hésité avec Cœur-de-pierre. Tête-Dure a six
ans, vit avec ses parents, immigrés italiens, dans une HLM belge, et dans son
imagination, qu’il a belle et triste.
Francesco Pittau est un écrivain
économe. Dire cela n’est pas nécessairement de ma part un jugement de
valeur : je ne suis pas un chantre de la simplicité ni de l’économie de
moyens – pas plus que de la débauche de ceux-ci ni de la complexité recherchée,
d’ailleurs. S’il y avait une seule manière de toucher juste ce serait triste.
Mais Pittau est économe et touche juste. Econome de temps, il inscrit son récit
dans les vingt-quatre heures d’un début de week-end. Pas plus. Econome en
péripéties, l’intrigue se résout à cet unique samedi, dont on a le sentiment –
terrible – qu’il est à l’image de nombreux autres. Econome en style, on sent
que l’auteur a une sainte horreur, pardon, une saine horreur de tout ce qui
n’est que décoratif. Le point de vue interne de l’enfant est l’angle unique de
la prise de vue, dans le champ de laquelle s’agitent essentiellement les
parents. Avec une petite distance tout de même : on est légèrement
au-dessus de Tête-Dure, de manière à le voir un peu lui aussi – d’où le choix
de la troisième personne – et à deviner ce que le jeune enfant ne fait sans
doute que pressentir. Econome enfin dans l’expression des sentiments ;
Tête-Dure ne pleure jamais, Pittau non plus (la plume à la main en tout cas),
et bien sûr c’est aussi ce qui rend ce court roman terriblement émouvant.
Tête-Dure est paru
récemment aux éditions Les Carnets du Dessert de Lune.