Affichage des articles dont le libellé est Pittau. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Pittau. Afficher tous les articles

mardi 24 novembre 2015

Pittau et Tête-Dure



Tête-Dure est, me semble-t-il, le premier roman de Francesco Pittau, lequel publie pourtant depuis des années – car la littérature, ce n’est pas nécessairement le roman. Moi, mon premier Pittau, je l’ai lu à haute voix à son propriétaire, qui en était empêché à l’époque. Il vient d’avoir son permis, c’est dire si le temps passe, mais il se souvient parfaitement de C’est méchant. « C’est méchant », Tête-Dure a dû se l’entendre dire, pour qu’on le surnomme ainsi. Sa mère avait d’ailleurs hésité avec Cœur-de-pierre. Tête-Dure a six ans, vit avec ses parents, immigrés italiens, dans une HLM belge, et dans son imagination, qu’il a belle et triste.
Francesco Pittau est un écrivain économe. Dire cela n’est pas nécessairement de ma part un jugement de valeur : je ne suis pas un chantre de la simplicité ni de l’économie de moyens – pas plus que de la débauche de ceux-ci ni de la complexité recherchée, d’ailleurs. S’il y avait une seule manière de toucher juste ce serait triste. Mais Pittau est économe et touche juste. Econome de temps, il inscrit son récit dans les vingt-quatre heures d’un début de week-end. Pas plus. Econome en péripéties, l’intrigue se résout à cet unique samedi, dont on a le sentiment – terrible – qu’il est à l’image de nombreux autres. Econome en style, on sent que l’auteur a une sainte horreur, pardon, une saine horreur de tout ce qui n’est que décoratif. Le point de vue interne de l’enfant est l’angle unique de la prise de vue, dans le champ de laquelle s’agitent essentiellement les parents. Avec une petite distance tout de même : on est légèrement au-dessus de Tête-Dure, de manière à le voir un peu lui aussi – d’où le choix de la troisième personne – et à deviner ce que le jeune enfant ne fait sans doute que pressentir. Econome enfin dans l’expression des sentiments ; Tête-Dure ne pleure jamais, Pittau non plus (la plume à la main en tout cas), et bien sûr c’est aussi ce qui rend ce court roman terriblement émouvant.
Tête-Dure est paru récemment aux éditions Les Carnets du Dessert de Lune.


vendredi 21 juin 2013

Pas tout à fait un rhume


Je peux
Encore
Sentir
Sur mes bras
Sur mes mains
Mon visage
 
Je peux encore
Sentir
Sur moi le soleil
Encore sur moi
Le vent
Sur moi
Encore une o-
Deur
De briques sèches
Sentir en-
Core une
Bouffée de bananes
Mûres
 
Et dire qu’un jour
J’aurai
Un rhume
Infini
 
 
Francesco Pittau, Une maison vide dans l’estomac, Editions Les Carnets du Dessert de Lune, 2013, p. 30.

jeudi 27 décembre 2012

une dinde farcie de verre pilé


Quand tu rêves d’une baignoire qui fuit, méfie-toi : le Déluge est proche.
 
Quand tu rêves de rivières et de fleuves écumeux, surveille tes draps à ton réveil.
 
Quand tu rêves d’un poulet déplumé posé sur ta cheminée, ça veut dire que tu ne mangeras pas pendant les Quarante prochains jours.
 
Quand tu rêves d’une dinde farcie de verre pilé, ça veut dire que tu souffriras de rougeurs gingivales.
 
 
 
Voyant son disciple qui cinglait les fesses d’un petit chapardeur avec une fine branche de peuplier, Maître K’ong intervint : « Assez ! » Puis il ramassa une lourde branche et la tendant à son disciple, il lui dit : « Avec ça, il comprendra mieux la leçon. »
 
Francesco Pittau, Une pluie d’écureuils, Les Carnets du Dessert de Lune, 2012, p. 10-11.