« Vous
savez, ce qui importe beaucoup, et qu’un lecteur ne voit pas, ce sont
les handicaps auxquels se heurte un auteur
lorsqu’il écrit. Tout ce qu’il ne sait pas faire, ou ne réussit
pas ; tout ce qui le pousse à contourner tel ou tel obstacle… C’est,
entre autres, grâce à la stratégie d’évitement que se
construisent un regard et une écriture. Je vois là des similitudes
avec le travail des écrivains placés en situation de dictature. Ils
arrivent toujours à parler des questions les plus délicates,
bien que ce soit interdit. Ils trouvent un biais. Au lieu d’aller
directement d’un point à un autre, ils vont faire des détours. (…) La
censure, d’une certaine façon, était leur meilleure alliée
littéraire car elle les stimulait, les aidait à trouver des portes
dérobées pour faire passer leur art en contrebande. Les handicaps, c’est
comme la censure. Il faut voir en eux des sortes
d’« alliés objectifs ». Mon handicap, je ne sais pas concrètement en
quoi il consiste, peut-être en une incapacité à créer de vrais
personnages ; de ce fait, je vais écrire autour
d’eux, les créer en creux, comme la Solange Brillat des Lumières fossiles, qui est le personnage principal mais n’apparaît jamais. »
C’est Eric Faye qui parle, et qui répond à Pascale
Arguedas, dans un très beau livre à la reliure chinoise (c’est publié aux éditions du Petit
Véhicule), où elle s’entretient, outre Eric Faye, avec
Denis Grozdanovitch, Jean-Bertrand Pontalis, Jean-Claude Lebrun, Sabine
Wespieser, Michel Volkowitch, Fabienne Raphoz et
Stéphane Beau. (Il y a aussi un premier tome, à découvrir ici.)
Conversations ou la Libre Parole, c’est le titre. En lisant les lignes ci-dessus, je me disais que
donner la parole à un auteur, c’est parfois donner la parole à plusieurs.
On tire encore une fois le rideau sur les Hublots pour quelques jours.
Jedisça jedisrien.
"A la chinoise", j'achète:)
"Ecrire sans se corriger" : une superbe idée PhA.