C’est aux toutes jeunes éditions Dynastes, qui méritent qu’on en dise un mot, tant sont beaux ces livres à la réalisation artisanale, cousus au fil de lin, fabriqués à la maison.
Aux objets tu peux te confier est le premier roman de Jeanne Borensztajn. Aux objets tu peux te confier, parce qu’aux hommes, non.
On peut lire ce roman comme une dystopie, on y est invité. Le narrateur vit dans un monde correct, un monde convenable, un monde normé. Il a un emploi, des collègues – la mention « collègue » précède d’une façon discrètement obsessionnelle leur prénom toujours monovocalique et souvent abrégé –, et un binôme, car il faut en avoir un : c’est Arman, qui se désespère convenablement des manquements de Tom, le narrateur, son « ami d’enfance ». Tom se voit aussi attribuer une épouse, Mara, car c’est ainsi que ça se passe dans cette société, et il n’est pas forcément contre, ni elle non plus, sauf que, sans s’être rencontrés, les choses vont un peu vite à leur gré.
On est libre aussi de remettre en question ce qui nous est raconté dans Aux objets tu peux te confier. Comme c’est par les yeux de Tom exclusivement que le monde – un monde restreint à l’entreprise, une entreprise aux activités non-dites – nous apparaît, on peut y soupçonner un jeu sur la subjectivité. Mara existe-t-elle ? À bien des égards ce monde excessivement normé ressemble à une simple exagération du nôtre.
C’est en tout cas un premier roman particulièrement prometteur, à côté duquel il serait dommage de passer. J’espère n’en avoir pas trop dit, mais je fais confiance au récit, en tension critique, pour tenir le lecteur jusqu’à son acmée – où je me tais.