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jeudi 9 novembre 2023

vous ratez mieux que moi

Un extrait de la biographie de Kafka par Reiner Stach, qui donne à penser, et à penser encore :

« Kafka voulait encore plus qu’une clôture du texte sur lui-même, il voulait la « conclusion innée », celle qui s’anime déjà tel un fœtus sous la surface de la toute première phrase et qui affirme peu à peu ses contours. Il est permis de se demander si ses projets de roman admettaient bel et bien la possibilité d’une telle unité intérieure, ou, pour poser la question jusqu’au bout, s’ils pouvaient seulement être achevés, s’ils n’étaient pas plutôt condamnés dès l’abord à rester à l’état de fragments. Après tout, cette incapacité éternelle à atteindre le but qu’on s’est fixé n’est pas seulement ce qui affecte, mais aussi ce que décrit, le romancier Franz Kafka ; le jeune « disparu » s’éloigne du côté sûr de la société américaine à mesure même qu’il en rêve ; le tribunal suprême reste invisible aux yeux de l’accusé Josef K. ; les autorités du château, inaccessibles à l’arpenteur. Ne pourrait-on pas imaginer – même si cette idée n’a sûrement jamais effleuré l’esprit de Kafka – qu’une loi secrète ait amené l’auteur à reproduire l’échec de ses héros ? Qu’il ait atteint une unité esthétique supérieure, qu’il se soit justement rapproché de la perfection rêvée en n’achevant pas ses romans ?

Thèse séduisante, notamment parce qu’elle constitue un paradoxe on ne peut plus « kafkaïen » et que l’auteur – s’il avait eu le plaisir d’assister à un séminaire consacré à son œuvre – aurait même pu la trouver à son goût. Sa faiblesse est qu’elle sous-estime le potentiel du roman moderne, qui vit précisément d’une galvanisation mutuelle de la forme et du contenu. Les romans de Beckett sont sans aucun doute des objets achevés qui témoignent d’une grande confiance formelle – et cependant, ils ne parlent de rien d’autre que de fragmentation, de décomposition et de déchéance. Le babillage redondant de ses personnages, les lambeaux de pensées qui s’allument dans leurs cervelles solipsistes avant de s’effilocher et de disparaître sans laisser de trace – tout cela est le fruit d’un art du verbe extrêmement raffiné. Et on ne gagne rien à objecter qu’il ne s’agit plus de romans. Car Beckett tire les conséquences d’une évolution engagée longtemps avant lui dans le roman européen : la perte de cohérence entre perception interne et externe, le travail de sape qui affecte cette unité douteuse qu’on appelle le « moi ». Et dans ce maëlstrom, où faire passer la limite historique au-delà de laquelle le roman cesse d’être roman ? Dans La Faim de Knut Hamsun ? Dans Le Procès de Kafka ? Dans l’Orlando de Virginia Woolf ?

Un roman qui parle d’échec n’est pas forcé d’échouer, et les moyens dont dispose l’auteur pour réfuter ce simplisme psychologique sont, heureusement, infinis. C’était l’évidence même aux yeux de Kafka – et jamais il ne lui vint à l’esprit que sa mystérieuse inaptitude à terminer ne serait-ce qu’un seul de ses trois grands projets pouvait avoir un lien avec leur sujet ou leur structure. »

(J’imagine Kafka lisant Beckett et lui confiant : « vous ratez mieux que moi ».)

(Tiens, je n’avais pas vu que déjà paraît le second tome de cette formidable biographie alors que j’en suis à peine à la moitié du premier.) 


dimanche 2 juillet 2017

inplicit

Hier j'ai inventé un nouveau jeu. C'est rigolo. J'ai appelé ça l'inplicit parce que ça consiste à prendre l'incipit et l'explicit d'un livre et à les coller l'un à l'autre. Ça nous fait l'économie de la lecture de tout le reste et c'est souvent très révélateur. J'ai commencé avec la Recherche et évidemment je suis tombé sur le très joli
« Longtemps, je me suis couché dans le Temps. »
Comme ça me disait quelque chose, j'ai fait une recherche et je me suis rendu compte que Genette l'avait déjà trouvé ; c'est dans Palimpsestes mais je n'ai pas relu tout le passage, j'ai envie de refaire mes petites trouvailles tout seul si vous voulez bien.
L'inplicit rendant le contenu du livre implicite son nom lui va bien je trouve. A notre époque du tout économique on a tout à y gagner, la Recherche en huit mots est vite lue et somme toute, qui sait, il reste l'essentiel. D'ailleurs taire est une tendance de la littérature, mon système a du bon.
Dans la foulée, j'ai inplicité quelques classiques que vous reconnaîtrez sans peine :

« Nous étions à l'Étude, quand le Proviseur entra, suivi d'un nouveau habillé en bourgeois et d'un garçon de classe qui portait la croix d'honneur. »

« Le 15 mai 1796, le Général Bonaparte fit son entrée dans Milan à la tête de cette jeune armée qui venait de passer le pont de Lodi, et d’apprendre au monde qu’après tant de siècles César et Alexandre avaient un successeur : Ernest V adoré de ses sujets qui comparaient son gouvernement à celui des grands-ducs de Toscane. »

« Madame Vauquer, née de Conflans, est une vieille femme qui changeait pour lui l'aspect de la société. »

« Le rêve est une seconde descente aux Enfers. »

« Je venais de finir à vingt-deux ans mes études à l'université des remords aux regrets et des fautes aux souffrances. »
(De qui est celui-ci, hein ? On fait moins les malins.)

« C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar.
Les soldats qu'il avait commandés en Sicile se donnaient un grand festin pour avoir touché au manteau de Tanit. »
(L'une des difficultés, pour certains romans, consiste à ne pas trop remonter l'explicit si celui-ci a le malheur de dire explicitement quelque chose du dénouement, afin de ne pas gâcher le plaisir des lecteurs qui auraient encore l'idée incongrue de lire le roman dans son intégralité.)

J'ai même essayé avec un recueil de poèmes (illustre) :
« La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau ! »
(Un inplicit qui me parle de ma sottise à trouver du nouveau dans l'inconnu – en l'occurrence ce jeu de l'inplicit : on est toujours renvoyé à ce qu'on fait.)

Puis je suis revenu au XXe siècle :

« Ça a débuté comme ça. Moi, j'avais jamais rien dit, qu'on n'en parle plus. »
« Nous voici encore seuls, mon oncle. »
(Oui, c'est le même auteur.)

« C'est le moment de croire que j'entends des pas dans le corridor », se dit Bernard. « Je suis bien curieux de connaître Caloub. »
(Facile, je le reconnais.)

« Aujourd'hui, maman est morte avec des cris de haine. »
(Mais hier, non. Demain non plus. Il n'y aura pas d'histoire. Pas de meurtre. Ou, s'il y a meurtre, il n'y aura pas de procès.)

Evidemment, cet auteur-ci ne pouvait échapper :
« Le voyage de Mercier et Camier, je peux le raconter si je veux, car l'ombre se parfait. »
« Je serai quand même bientôt tout à fait plus rien »
« Où maintenant continuer. »
(Remarquez comme ces trois derniers mots résument bien le problème qui se pose à Beckett après avoir terminé l'Innommable – car évidemment c'est lui.)

« Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre et vous quittez le compartiment. »

« Il tenait une lettre à la main, abandonnée, inutilisable, livrée à l'incohérent, nonchalant, impersonnel et destructeur travail du temps. »
(Un de mes inplicits préférés. C'est la Route des Flandres de Claude Simon – et c'est aussi la littérature.)

Comme mon ami Didier da Silva me disait le bien qu'il pensait de ce jeu (c'était sur Facebook, au fait – un terrain de jeu, quoi), je lui ai répondu :
« C'est à peine s'il somnole doucement dans le vent. », et vous, lisez donc Hoffmann à Tokyo si ça n'est pas déjà fait, à quoi il m'a répondu :
« Une autre brindille encore apparaît, au moins comme ça enfin c'est fini. »
J'avoue que cédant au narcissisme propre à la profession, j'avais déjà inplicité :
« C'était en plein milieu des champs. Il n'y avait pas de relief à la surface du monde. »

D'ailleurs j'avais bien envie de faire un sort aussi aux auteurs contemporains, par exemple à Pascale Petit :
« J'aime quand elle me dit On retrouvera nos corps recouverts de suçons et deux cents tonnes de cailloux inconnus sur Terre. »
C'est l'inplicit de Manière d'entrer dans un cercle & d'en sortir, un inplicit assez explicite je trouve ; quelque chose comme le faisceau minuscule et circonscrit d'une lampe torche dans la pénombre.

(Bon, ceux qui chercheraient des réponses peuvent regarder dans les libellés au pied de ce billet.)

samedi 3 septembre 2016

Beckett écrit (3)

Suite de mes glaneries beckettiennes,

« Un vieux rentre affolé, sa femme vient de tomber, fracture du col du fémur. "Elle ne tenait déjà pas debout" dit-il, "et maintenant..." Il cherchait une voiture pour la transporter, pour ne pas avoir à payer l'ambulance. On sentait qu'il aurait voulu l'abattre d'un coup de fusil. »
(C'est ce qu'il voit près de chez lui, en Seine-et-Marne.)


« Je suis très content que vous ayez envie d'arriver rapidement à l'Innommable. Comme je vous l'ai dit, c'est à ce dernier travail que je tiens le plus, quoiqu'il m'ait mis dans de sales draps. J'essaie de m'en sortir. »
(Moi aussi, c'est à ce dernier travail que je tiens le plus, quoiqu'il m'ait mis dans de sales draps. En plus ce n'est même pas moi qui l'ai écrit.)


« Laissez-moi vous dire encore combien je suis touché par l'intérêt que vous portez à mon travail et par le mal que vous vous donnez pour le défendre. »
(Bien sûr il écrit à Lindon, son éditeur. J'en ai autant pour le mien.)


« Je pense beaucoup à ses dernières peintures, miracles d'impuissance forcenée, ruisselantes de beauté et de splendeurs comme un naufrage de phosphorescences, on est littéraire décidément pour la vie, avec d'énormes voies par où tout fuit et tout rentre, et le calme écrasé des très grands fonds. »
(C'est à propos de Bram Van Velde, que j'ai découvert grâce à lui.)


« Vivement L'Innommable, c'est tout ce qui m'intéresse un peu encore. »

« Je me suis laissé dire qu'un journaliste du Figaro Littéraire, chargé d'enquêter sur les écrivains de Seine-et-Marne, avait découvert mon adresse malgré toutes nos précautions et, sa conscience professionnelle l'emportant sur toute considération de sécurité personnelle, menace de me rendre visite. Suivez donc attentivement les faits divers dans les semaines qui viennent, il y aura peut-être deux emmerdeurs en moins dans l’Île de France. »

« Mon cher Maurice Nadeau
J'ai lu avec émotion votre article sur L'Innommable dans Les Lettres Nouvelles. Dans un moment où mon travail ne valait plus rien. A vous lire l'envie renaît d'essayer encore. Elle n'ira peut-être pas loin. Mais comprenez ce que cela signifie pour moi et la mesure de ce que vous me donnez. Le il a été devient il sera, avec moi jusqu'à la fin. Je ne peux même plus vous remercier. Je peux seulement vous envoyer mon affectueuse amitié.

Samuel Beckett »

lundi 29 août 2016

Beckett écrit (2)

J'ai terminé hier le deuxième tome de la correspondance de Beckett. J'en ai fait durer la lecture. J'ai passé une partie de l'été en bonne compagnie. Je vous en mets un peu aujourd'hui, et j'en garde encore un peu pour une autre fois.

« Les nouvelles de France sont très déprimantes, en tout cas elles me dépriment. Tout ce qu'il ne faut pas faire, tout dans le mauvais sens. »

« L'erreur, la faiblesse tout au moins, c'est peut-être de vouloir savoir de quoi on parle. »

« J'irai vous serrer la main et vous souhaiter bon voyage et bon repos demain en fin d'après-midi, sauf contre-avis. Je dois maintenant m'atteler à la fastidieuse toilette de ma pièce qui s'appellerait probablement En attendant Godot. Il faut surtout bien dégager l'anus. »

« Hier nous avons surpris dans le bois de Meudon un énorme pivert vert et jaune (naturellement). Il s'est agrippé au tronc, l'a mis vivement entre lui et nous, puis est monté en courant, je le suppose, jusqu'aux branches supérieures. Une absurde joie m'a rempli. »

« J'ai fait une chose qu'il ne m'était jamais arrivé de faire, j'ai écrit la dernière page du livre en cours, alors que je n'en suis encore qu'à la 30e. Je n'en suis pas fier. Mais l'issue fait déjà si peu de doute, quels que soient les tortillements, ce dont je n'ai qu'une idée des plus vagues, qui m'en séparent. »

« J'ai signé un contrat avec les Éditions de Minuit pour tous travaux. Ils me font un contrat spécifiquement pour les trois "romans" déjà écrits. Le premier, Molloy, devrait sortir en janvier. Bordas, au bord de la faillite (pas entièrement ma faute), m'a laissé partir. »

mardi 23 août 2016

Beckett écrit (1)

Alors cet été, j'ai surtout lu la correspondance de Beckett, en fait.
J'ai recopié des citations que j'ai collées sur Facebook, je vais essayer de les retrouver pour en mettre ici aussi. Je n'ai noté ni les dates ni les destinataires. Pardon.
Tiens, ceci. Ce n'est pas de Beckett, c'est adressé à lui. C'est drôle.

« Mon cher Beckett,
Herbert Read et moi-même avons tous deux lu WATT, et je dois avouer que nous sommes tous les deux très partagés sur ce livre et dans une extrême perplexité. Pour être tout à fait franc, je crains qu'il ne soit le plus souvent trop extravagant et inintelligible pour avoir la moindre chance d'être publié avec succès ici pour le moment... »

J'ai lu Watt, bien sûr. Je l'ai même relu il y a un an ou deux. Ces deux éditeurs ont parfaitement raison : c'est bien « trop extravagant et inintelligible pour avoir la moindre chance d'être publié avec succès ici pour le moment... » Je suis sérieux, évidemment.

Beckett lui-même écrit par exemple ceci :

« Je suis fatigué, probablement d'avoir trop écrit. Un livre de nouvelles, deux "romans" et une pièce en moins de deux ans. Ils surgissent dans le vide habituel et je n'en entends plus beaucoup parler. »

Ça rassure.
Ah oui, ceci aussi :

« Molloy est un livre long, l'avant-dernier de la série commencée avec Murphy, si on peut dire que c'est une série. »
Voilà. J'aimerais qu'on arrête de parler de la "trilogie" de Beckett. Six livres, et peut-être même plus, ça ne fait pas une trilogie.
Bon, c'est vrai que par la suite, au moment où il écrit l'Innommable, Beckett parle de ses trois derniers livres (Molloy, Malone meurt, L'Innommable) comme formant un tout, un seul livre en fait.
Mais il n'emploie pas le mot de trilogie, et l'Innommable fait explicitement référence aussi à Murphy, Watt et Mercier et Camier.

J'aime beaucoup celle-ci :

« Pardonne tous ces détails sur mes ouvrages. Ma vie semble ne pas être grand-chose d'autre. »


J'ai d'autres citations mais c'est encore les vacances alors je les garde pour demain ou un autre jour.


mardi 8 septembre 2015

De Beckett en Charybde

Le 2 juillet dernier, la librairie Charybde, dans le cadre du Pari des Libraires, m'invitait à parler de ma relation à l'oeuvre de Beckett. Mon Beckett, quoi. La soirée a été enregistrée.
Bon, comme j'y bredouille longuement, je vous fais un petit plan. Je commence par raconter les circonstances de ma découverte de Beckett grâce à Danielle Auby, je parle de Fin de partie vers la sixième minute, de Mercier et Camier vers 11mn45, de Malone meurt vers 20mn55, de l'Innommable vers 25mn50, de Molloy vers 30mn, du Dépeupleur vers 38mn50. J'évoque l'impact que la lecture de Beckett a eu sur mon rapport à la littérature après la quarantième minute. Ensuite c'est Hugues Robert, de la librairie Charybde, qui parle de Liquide vers 55mn, de Vie des hauts plateaux vers 58mn50, de Mémoires des failles vers 1h01. Et je tente de répondre à des questions vers 1h07. Ah oui, je parle un peu de Federman à un moment, et de Chevillard à un autre, parce que quand même.

vendredi 3 juillet 2015

mon Beckett, mes failles



Hier soir grâce à la librairie Charybde j’ai donc eu l’occasion de me livrer à un exercice d’un genre nouveau : parler de l’auteur dont l’œuvre a été vraiment déterminante dans mon propre travail. J’espère avoir été intéressant, on m’a assuré que oui, tant mieux. En tout cas personnellement j’ai été intéressé, vraiment, d’être amené à me poser franchement à moi-même les questions sur ce qui a compté, ce qui a résonné, depuis l’œuvre d’autrui jusque dans mes textes. Beckett emploie à plusieurs reprises le mot « consanguin », notamment dans l’Innommable. Voilà. On est tout seul quand on écrit mais en même temps en contact direct avec tous ceux qui partagent le même langage, et qui sont d’abord ceux qu’on a lus. Aurais-je pu me livrer – la question m’a traversé après coup – au même exercice à propos d’un autre auteur que Beckett ? A priori évidemment pas mais si je me pose la question, tout de même, si, sans doute n’aurait-il pas été illégitime que le fasse pour Flaubert, ou pour Kafka, ou pour Nerval, ou pour Coleridge. A l’échelle d’une soirée, ç’aurait été possible. Mais quand même, non, ça n’aurait rien eu à voir. La présence de Beckett, pour moi, tutélaire comme on dit, et mes efforts pour que tout ça ne se voie pas, ça pourrait être le sujet d’un livre entier, même si a priori ce livre-là je ne l’écrirai pas.

Pour compléter cette belle journée d’hier, à l’occasion de la publication de Mémoires des failles, la revue Florilettres de la Fondation La Poste me consacre son dernier dossier, qui vient juste de paraître. J’y réponds aux questions de Nathalie Jungerman à propos de Mémoires des failles et de la place que ce texte occupe parmi les autres, il y a de la matière ; Beckett lui-même d’ailleurs n’est pas oublié, ainsi que d’autres livres passés ou à paraître, voire à l’état de simples projet ; le tout accompagné d’un article de Corinne Amar sur Vie des hauts plateaux, allez-y donc voir : c’est .

mardi 30 juin 2015

« Jésus est dans ma bouche. »



Écartant alors ses mâchoires et ramenant entre pouce et index sa lippe vers sa barbiche elle découvrit, rompant seule la monotonie des gencives, une canine longue, jaune et profondément déchaussée, taillée à représenter le célèbre sacrifice, à la fraise probablement. Je la brosse cinq fois par jour, dit-elle, une fois pour chaque blessure. De l’index de sa main libre elle la tâta. Elle branle, dit-elle, j’ai peur de me réveiller un de ces quatre matins en l’ayant avalée, je ferais mieux de la faire arracher. Elle lâcha sa lippe qui reprit instantanément sa place avec un bruit de battoir.



Samuel Beckett, Malone meurt.


lundi 29 juin 2015

Ma photo.



Ma photo. Ce n’est pas une photo de moi, mais je ne suis peut-être pas loin. C’est un âne, pris de face et d’assez près, au bord de l’océan, ce n’est pas l’océan, mais pour moi c’est l’océan. On a essayé naturellement de lui faire lever la tête, pour que ses beaux yeux s’impriment sur la pellicule, mais il la tient baissée. On voit aux oreilles qu’il n’est pas content. On lui a mis un canotier sur la tête. Les maigres jambes dures et parallèles, les petits sabots à fleur de sable. Les contours sont flous, c’est le rire du photographe qui a fait trembler l’appareil.

Samuel Beckett, Malone meurt.


dimanche 28 juin 2015

Une rencontre : mon Beckett chez Charybde



C’est jeudi prochain à 19h30 et ce sera à la librairie Charybde, 129 rue de Charenton dans le XIIe, près de la gare de Lyon. Dans le cadre du Pari des Libraires, la librairie Charybde inaugure un nouveau type d’événement, dans lequel un auteur ou chroniqueur présente et illustre sa rencontre avec un « grand nom » de la littérature. Et ce soir-là, jeudi 2 juillet donc, vous avez deviné que je vous parlerai de Beckett, forcément. Je ne vais pas faire un cours, hein ; on sera quand même en juillet. Je vais plutôt essayer de dire ce qui s’est passé quand, en pleine adolescence, j’ai commencé à lire Beckett, et les conséquences que ça a pu avoir pour moi. Et comme il faut bien des titres pour savoir de quel Beckett il s’agit, je ferai la part belle à l’Innommable et à Fin de partie, mais aussi à Mercier et Camier, Molloy, Malone meurt, Premier amour, le Dépeupleur



mardi 23 juin 2015

que voir

Nul ne regarde en soi où il ne peut y avoir personne.

Samuel Beckett, le Dépeupleur.

 

dimanche 21 juin 2015

élargissement de la "trilogie"



« Sa vie, parlons-en, ce n’est pas la sienne, ce n’est pas lui, vous pensez, lui faire ça à lui, c’est bon pour Molloy, pour Malone, voilà les mortels, les heureux mortels, mais lui, vous n’y pensez pas, passer par là, choses considérées, et quelles choses, et comment considérées, il n’avait qu’à ne pas y aller. »

Samuel Beckett

Oui, je suis toujours à relire Beckett. D’ailleurs j’avais oublié ce passage de l’Innommable. Il faut dire aussi qu’il n’est pas dans l’Innommable.


mardi 2 juin 2015

Il n’était pas minuit. Il ne pleuvait pas.



Alors je rentrai dans la maison, et j’écrivis, Il est minuit. La pluie fouette les vitres. Il n’était pas minuit. Il ne pleuvait pas.



1947



Voilà, vous avez reconnu l’explicit de Molloy, presque aussi célèbre que son incipit (que je ne vais pas vous rappeler quand même). Je pense que je n’attendrai pas trente ans avant de le relire. Maintenant, ça porte moins à conséquences.

Du coup, tiens, ou plutôt dans la foulée, j’ouvre (presque) au hasard le Cahier de L’Herne consacré à Beckett. Je recopie ci-dessous les réflexions d’un universitaire américain. J’ai déjà lu tout ça aussi, il y a un quart de siècle.



« Mais ce qui est arrivé au cours de la narration, c’est que l’énoncé sur la nuit et la pluie qui fouettait les vitres est passé d’un niveau de fiction à un autre – du niveau de la pseudo-réalité (les événements dont on se souvient) au niveau de la sous-fiction (les événements inventés). Par conséquent, la partie négative de l’énoncé qui termine le roman (« Il n’était pas minuit. Il ne pleuvait pas. ») est non seulement en contradiction directe avec ce que Moran écrit, mais encore avec toute la deuxième partie du roman, et par extension, puisque la seconde partie du roman est postulée sur le fond de la fiction contrefaite de Molloy, la narration tout entière devient un paradoxe. (…)

En fait Molloy parle ici de la confusion créée par l’écrivain, en toute connaissance de cause, entre l’actualité (le présent) et la pseudo-réalité (le passé). Il serait, certes, préférable pour Molloy (et aussi pour Moran) de ne pas tenter de raconter ce qui, croit-il, est arrivé, car, comme il le sait bien, « c’est tout autrement que les choses se passaient ». Mais puisque Molloy, comme toutes les autres créatures beckettiennes à qui on donne le pouvoir illusoire de parler pour elles-mêmes, ne peut pas « la boucler » et doit continuer à parler, nous pouvons ainsi assumer que ce qu’il nous dit est faux. »



Moi-même je n’ai pas la prétention de croire vraiment vous parler de Beckett et de Molloy en recopiant ces propos. Je crois bien que si je m’interroge un peu j’essaie plutôt de dire quelque chose de mon propre travail, notamment de ces lignes relevées par Didier da Silva dans Mémoires des failles à propos de la confiance que j’accorde à ce que je dis.


 « Dire les choses est vraiment un problème. Et on n’a cependant pas la naïveté de prétendre dire les choses telles qu’elles sont. Les choses n’ont vraiment rien à voir avec les mots. Sans doute faut-il, pour dire les choses au plus près, dire carrément n’importe quoi d’autre ; oui, c’est bien cela : dire carrément n’importe quoi d’autre, et compter sur la chance pour tomber juste. C’est la seule manière sérieuse d’écrire. »



Mais je ne devrais pas le dire, alors faites comme si ne pas. En revanche, ce que je devrais dire (car de même qu’il y a les choses à ne pas dire il y a celles à dire), c’est le nom de cet universitaire américain que je cite ci-dessus. Des années plus tard, j’ai entendu ce nom de nouveau. J’ai d’abord cru à un homonyme, mais non. C’était Raymond Federman.

lundi 1 juin 2015

oublier d’être



Bon, vous l’avez compris, je relis Molloy. Dans ma vieille nouvelle édition, maintenant jaunie par le temps, mais pas partout : juste les pages 33 à 64. Ce qui aujourd’hui nous amène ici :



Et il y avait un autre bruit, celui de ma vie que faisait sienne ce jardin chevauchant la terre des abîmes et des déserts. Oui, il m’arrivait d’oublier non seulement qui j’étais, mais que j’étais, d’oublier d’être.



« d’être » est à la page 65. Moi j’avais oublié qu’il y avait ces mots-là, ainsi disposé. J’avais déjà relu l’Innommable (plusieurs fois), Malone meurt, Mercier et Camier et plus récemment Watt, mais je n’avais pas relu Molloy. Mais quelque chose en moi s’en souvenait sûrement.

samedi 30 mai 2015

Tranche de Molloy



Mais c’est seulement depuis que je ne vis plus que je pense, à ces choses-là et aux autres. C’est dans la tranquillité de la décomposition que je me rappelle cette longue émotion confuse que fut ma vie, et que je la juge, comme il est dit que Dieu nous jugera et avec autant d’impertinence. Décomposer c’est vivre aussi, je le sais, je le sais, ne me fatiguez pas, mais on n’y est pas toujours tout entier. D’ailleurs de cette vie-là aussi j’aurai peut-être la bonté de vous entretenir un  jour, le jour où je saurai qu’en croyant savoir je ne faisais qu’exister et que la passion sans forme ni stations m’aura mangé jusqu’aux chairs putrides et qu’en sachant cela je ne sais rien, que je ne fais que crier comme je n’ai fait que crier, plus ou moins fort, plus ou moins ouvertement. Alors crions, c’est censé faire du bien. Oui, crions, cette fois-ci, puis encore une peut-être. Crions que le soleil déclinant donnait en plein sur la blanche façade du poste. On se serait cru en Chine. Une ombre complexe s’y dessinait. C’était moi et ma bicyclette.

Jusqu’à « sans forme ni stations » le papier est d’un blanc tout à fait acceptable mais ensuite c’est-à-dire à partir de la page 33 il est d’un jaune, d’un jaunâtre plutôt dont je ne me souviens pas. C’est le jaune du temps qui passe et qui fait que le blanc passe aussi mais plus ou moins selon la qualité du papier qui n’est pas uniforme dans cette édition de la toute récente collection « double » des éditions de Minuit, toute récente quand j’en ai fait l’acquisition s’entend, mais non ça n’en fait que trente, trente-trois puisque vous insistez, trente-trois ans et une jolie coïncidence de plus. De plus car à chaque fois que je le lis, celui-là ou un autre armé du même trident comme il dira plus tard, il y a toujours quelque chose qui coïncide. Non le livre n’avait pas ces allures de gâteau marbré quand j’en ai fait l’acquisition il y a trente-trois ans. Mais ça ne durera pas me dit la tranche. Un peu plus loin le papier va redevenir blanc. Ça ne voudra rien dire mais ça aura l’air de vouloir dire quelque chose. C’est toujours comme ça : rien ne veut rien dire et tout a l’air de vouloir dire quelque chose.

lundi 25 août 2014

lectures de vacances



Je me disais que j’allais faire un billet sur chacune de mes lectures de vacances (enfin, celles qui le méritent) mais non, c’est sur l’instant ou pas du tout.
Ou presque rien. Quand même : Réparer les vivants de Maylis de Kerangal est vraiment un très beau roman, très maîtrisé sans que je sois tenté de glisser dans ce qualificatif la connotation péjorative qu’on y trouve parfois. Et terriblement émouvant, forcément. Il n’y a guère que sur les « brassées » de cyclamens et sur le pétale de digitale que j’ai un peu tiqué, il est toujours risqué de mettre des plantes dans un livre sans me demander avant.
D’Arno Schmidt figurez-vous que je n’avais lu que Cosmas ou la Montagne du Nord, Scènes de la vie d’un faune est ma grande découverte de l’été. Je le relirai sûrement.
Les relectures, c’est l’été que j’essaie d’en trouver le temps. Celle du Côté de Guermantes I sous le signe des réflexions sur le langage, avec Françoise et le Duc de Guermantes quasi en miroir, le duc de Guermantes dont le parler aristocratique évoque les paysans d’autrefois tandis que Françoise dans ses expressions campagnardes croise La Bruyère, Saint-Simon ou Madame de Sévigné.
Le langage à lui seul est une histoire de temps qui passe : quand Madame Swann répond « je n’ai pas réalisé » (c’est Proust qui souligne) « en employant un terme traduit de l’anglais », c’est un écho aux affectations maladroites de l’Odette d’autrefois, alors que cet anglicisme qui ne fait plus broncher que les puristes passerait pour du français trop classique aux yeux d’une Odette d’aujourd’hui.
A ce titre, le qualificatif bien pensant si en vogue aujourd’hui pour dénigrer une sorte de gauche molle et prétendument pleine de bons sentiments faciles (si j’ai bien compris), est joliment employé par Madame de Marsantes pour louer les qualités du prince de Faffenheim-Mubsterburg-Weinigen : « je sais qu’il est très bien pensant (…). C’est l’antisémitisme en personne. »
J’ai relu Watt, aussi, peut-être sous l’influence d’Arthur Bernard (ma précédente lecture était bien vieille de trente ans). C’est vraiment le roman sur l’épuisement des possibilités. Et puis – mais ça ce n’est bien sûr pas une relecture – la fameuse correspondance de Beckett, 1929-1940. « Et bien sûr ça pue le Joyce malgré mes efforts les plus sérieux pour le doter de mes propres odeurs », écrit-il dans la lettre à Charles Prentice du 15 août 1931. Combien de fois je me suis dit la même chose – sauf que je ne pensais pas à Joyce.

vendredi 22 août 2014

Arthur Bernard, Gaby, son maître et moi



Ainsi passa une année à peu près, celle qui sépare ma vingt-quatrième de ma vingt-cinquième, mon premier quart siècle ici-bas, pour être un tantinet solennel et du coup un rien con. Il en avait trente-quatre de plus, rapport à la naissance et en hauteur, un certain nombre de centimètres. Combien ?, peux pas dire. Sans parler du reste. Mais quand je réfléchissais à tout ce qui nous séparait, à mon ingénuité, à ma petitesse, ma médiocrité, quel que soit l’écart, l’abîme, ce qui comptait c’était, je m’en convainquais, que nous fussions très précisément contemporains. On respirait le même air et au même instant. On était logés à la même enseigne et auberge de l’heure, embarqués, marins en terre sur le même vaisseau, une croisière dans l’espace, même si l’escalier où l’on voisinait à la brève ne montait pas plus haut que vers l’aérien, direction pour moi la station Bel Air, pour lui je n’en sais rien. Nous étions terriens ensemble, ce qui me procurait fierté et jubilation. Je tirais de la satisfaction à coexister avec mon Instituteur, la même que celle que j’éprouve lisant un livre ancien, d’être dans le même wagon, la 4 ou la 6, en compagnie de morts de papier pourtant plus vifs que des tas de vivants bien en chair et pour cela promis à une péremption, décomposition rapides.

Arthur Bernard, Gaby et son maître, Champ vallon, 2013, p. 22-23.

Voilà, je précise bien le nom de l’auteur : ce n’est pas moi. En effet, moi, pour les ans c’est cinquante-sept de plus au lieu de trente-quatre et pour les centimètres j’imagine en revanche guère plus de deux ou trois. Et puis le fait que je ne l’ai jamais croisé dans l’escalier du métro aérien, ni à Glacière ni ailleurs, et n’ai jamais eu à me poser la question de l’aborder. (Encore que, comme au narrateur de Gaby et son maître, on m’a autrefois bien souvent soufflé de lui écrire.) Car pour le reste, la relation de Gaby, double probable de l’auteur, à son maître ou son instituteur, au choix, m’évoque terriblement celle que j’ai eue avec le mien que je n’ai jamais appelé ainsi mais qui était bien le même : Samuel Beckett. Un livre drôle et beau pour dire l’empêchement de dire quelque chose à un auteur qui précisément n’a cessé d’œuvrer entre empêchement de dire et empêchement de se taire.


jeudi 31 juillet 2014

facultatif


Cooldrinagh
Foxrock
18 oct. 32
 
 
Mon cher Tom,
Savoir que tu aimes mon poème me fait chaud au cœur. Sincèrement mon impression était qu’il ne valait pas grand-chose car il ne représentait pas une nécessité. Je veux dire que d’une certaine façon il était « facultatif » et que je ne m’en serais pas plus mal porté si je ne l’avais pas écrit. Est-ce là une façon très insipide de parler de la poésie ? Quoi qu’il en soit je trouve qu’il est impossible d’abandonner cette vision des choses. Sincèrement à nouveau mon sentiment est, de plus en plus, que la plus grande partie de ma poésie, bien qu’elle puisse être raisonnablement heureuse dans son choix des termes, échoue précisément parce qu’elle est facultative.
(…)
Sam
 
On aura reconnu Samuel Beckett (et dans la foulée son ami Thomas McGreevy), dans cet extrait de la correspondance récemment parue chez Gallimard. « Facultatif » est en français dans le texte, comme pour me parler à distance. C’est bien d’avoir des amis capables de signaler que tel texte est moins facultatif qu’on ne le craignait, merci à eux.
 
Ces récents billets n’étaient qu’une pause dans la pause, qui reprend derechef.
cadeaux de juin 2014 002

Commentaires

Il me semble que le terme "facultatif" ne s'oppose pas à "nécessité" mais plutôt à "obligatoire", puisqu'il s'applique à ce que l'on peut faire ou non. D'accord, c'est ergoter...
Commentaire n°1 posté par jc legros le 01/08/2014 à 06h36
Trêve de mots, cette lecture s'impose à moi et me devient incontournable.
Commentaire n°2 posté par Michèle le 01/08/2014 à 08h09

lundi 5 mai 2014

par ici ma bibli

Moins maintenant faute de temps mais quand même, j’ai toujours été lecteur de bandes dessinées. Le rapport que j’ai aujourd’hui avec la littérature contemporaine, avec la même curiosité et le même goût pour les sentiers non balisés, je l’ai développé d’abord pour la bande dessinée. A quinze ou seize ans, je ne jurais que par Muñoz et Sampayo – et aujourd’hui encore (plus quelques autres). Le temps et la place manquant, j’en lis moins maintenant ; ça ne m’empêche d’aller lire ceux qui en lisent plus comme Mitchul, le taulier du blog Me, myself and I, qui m’a justement fait l’invitation d’une interview sur ma bibliothèque : l’occasion de dire à quel point la place et le temps manquent. C’est par ici.
 

samedi 15 juin 2013

ce petit résidu de vétilles empoisonnantes qu’on appelle le monde - par paresse

Le jour suivant il pleuvait et je me croyais tranquille, mais je me trompais. Je lui demandai s’il était dans ses projets de venir me déranger tous les soirs. Je vous dérange. ? dit-elle. Elle me regardait sans doute. Elle ne devait pas voir grand-chose. Deux paupières peut-être, et un peu de nez et de front, obscurément, à cause de l’obscurité. Je croyais que nous étions bien, dit-elle. Vous me dérangez, dis-je, je ne peux pas m’allonger quand vous êtes là. Je parlais dans le col de mon manteau et elle m’entendait quand même. Vous tenez tant que ça à vous allonger ? dit-elle. Le tort qu’on a, c’est d’adresser la parole aux gens. Vous n’avez qu’à poser vos pieds sur mes genoux, dit-elle. Je ne me fis pas prier. Je sentais sous mes pauvres mollets ses cuisses rebondies. Elle se mit à caresser mes chevilles. Si je lui envoyais un coup de talon dans le con, me dis-je. On parle d’allongement aux gens et ils voient tout de suite un corps étendu. La chose qui m’intéressait moi, roi sans sujets, celle dont la disposition de ma carcasse n’était que le plus lointain et futile des reflets, c’était la supination cérébrale, l’assoupissement de l’idée de moi et de l’idée de ce petit résidu de vétilles empoisonnantes qu’on appelle le non-moi, et même le monde, par paresse. Mais à vingt-cinq ans il bande adore, l’homme moderne, physiquement aussi, de temps en temps, c'est le lot de chacun, moi-même je n’y coupais pas, si on peut appeler cela bander. Elle s’en aperçut naturellement, les femmes flairent un phallus en l’air à plus de dix kilomètres et se demandent, Comment a-t-il pu me voir, celui-là ?
 
Samuel Beckett, Premier amour, Minuit, p. 20-21.
 
J’ai relu Premier amour. En ce moment j’ai envie de relire des textes lus il y a trente ans. Par curiosité. C’est étonnant comme celui-ci n’a pas changé. Moi non plus, donc. Peut-être que « l’assoupissement de l’idée de moi et de l’idée de ce petit résidu de vétilles empoisonnantes qu’on appelle le non-moi, et même le monde, par paresse » résonne encore plus fort, quand même.


Commentaires

L'amour, ça ne se commande pas. 
Commentaire n°1 posté par Didier da le 15/06/2013 à 13h57
On reste fidèle à son premier.
Réponse de PhA le 15/06/2013 à 15h35
Il est rude quand même Beckett :)
 
Je pense à un autre "premier amour" (guillemets de précaution car il n'est pas évoqué ainsi) :
Estelle une fois - amour de jeunesse, fiction plutôt d'un amour de jeunesse - [...] Estelle était destinée à demeurer une interrogation, cela même était inscrit dans son prénom, c'était une bonne raison de se faire une raison.
 
Commentaire n°2 posté par Michèle P le 16/06/2013 à 10h38
Terrible. (Beckett, hein ; même si l'autre n'est pas mal non plus.)
Réponse de PhA le 16/06/2013 à 15h53