Je me souviens de l’air vague, presque hagard, avec lequel les
instituteurs de mon enfance nous fixaient en répétant nos prénoms qu’ils
entendaient pour la première fois.
« Frédéric »… « Frédéric »… « Nathalie »… « Nathalie »… Avec des
hochements de tête pénétrés qui donnaient aux premiers jours de l’année
scolaire une
tonalité un peu gâteuse.
J’en sortais avec la sensation d’une identité flottante. Comme si les syllabes de mon prénom avaient perdu leur
sens et que les traits de mon visage s’étaient brouillés.
Je
ne garde en mémoire ni les noms ni les prénoms. Cette petite amnésie
est une source d’ennuis considérables.
Mais plus je me concentre sur les noms, moins je les capte. Au
moment où mon interlocuteur se fait connaître, j’ai beau déployer toute
mon attention, je ne perçois que des syllabes creuses,
interchangeables. Comme ces trains qu’on attend depuis trop
longtemps et dont on rate le passage.
Un nom sur un visage : il y a quelque chose d’excessif dans cette double détermination. Et c’est pour moi
comme si elle refusait de prendre forme, de se fixer. Comme si le nom refusait de se nouer au visage.
Philippe Garnier, Une petite cure de flou, PUF, 2002, p. 52-53
Encore un peu de flou pour la route. Effet possible de notre prénom commun si commun dans notre commune génération, je pourrais
reprendre à mon compte tout ce qui est si bien dit là.
:°))
Mais vous ne croyez pas si bien dire : ce traitement que nous réservons aux autres, c'est d'abord notre lot personnel (au moins le mien). Combien de fois, dans la journée, ne suis-je pas surpris de m'entendre appeler par mon prénom ! (Même outre-montagnes, je doute que vous autres Piero soyez aussi nombreux que nous pour une même classe d'âge.)
Cher CFRA, pardon, je vous admire à rester ainsi à l'affût. Comment faites-vous? Vous ne buvez jamais que de l'eau? Faites des exercices physiques?
Parfois je me di que je vais créer mon blog pour me parler et me regarder dans la glace. Mais je vois bien qu'il faut compter sur les autres. C'est ce que j'adore, tant d'années à essayer de plaire.
Un enfant se lève en tremblant. On lui lance son nom à la figure; avec une note. L'enfant se demande est-ce moi pourquoi rester ici que faire. Je me trompe il n'est pas même apte à penser tout cela il subit.