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lundi 18 décembre 2023

Transformation du nouveau livre de Frédéric Forte en un sonnet dont les vers sont des notes

Transformation de la condition humaine dans toutes les branches de l’activité est le titre du nouveau livre de Frédéric Forte paru le 7 décembre 2023 aux éditions POL et dont le Général de Gaulle, dont on ne vantera jamais assez l’esprit visionnaire, avait annoncé la parution le 4 octobre 1962 ; vous pouvez le vérifier à 7’52 de la vidéo sous le lien. C’est un livre d’une ambition totale, qui multiplie par 14 la forme 99 notes préparatoires (


à la reconstruction d’Okinawa

à l’impossible

au Renard, série policière

au Pays des Merveilles


à un cabinet de curiosités

à la société des Ambianceurs et des personnes élégantes

au commerce de proximité

à l’idée du Nord


aux 99 notes préparatoires

à un livre de poésie contemporaine

à un objet de mon bureau


à une trahison

à moi (en vrai)

au vert


) dont je donne ci-dessus la matière, laquelle, ainsi recopiée, vous n’aurez pas manquer de reconnaître pour celle d’un sonnet ; la forme du sonnet ne manque non plus d’une ambition totale ; sonnet que, en citant scrupuleusement le poète, je pourrais par exemple résumer de la sorte :


1. Il nous faut regarder le monde avec les yeux de Seijin Noborikawa.

2. Un mur, une barrière à franchir.

3. Dans la brasserie de la gare des Bénédictins à Limoges, un poste de télévision diffuse un épisode du Renard.

4. Changer de taille, c’est changer de point de vue.


5. Constituer un cabinet de curiosités au Bazar de l’Hôtel de Ville.

6. « La sape, c’est l’extrapolation de la mode. »

7. En France, en 2014, on dénombre 2059 hypermarchés.

8. Peut-on saisir l’idée du Nord en jouant aux boules sur la Canebière ?


9. D’une certaine manière, chaque oulipien est une note préparatoire.

10. Un texte et une disposition très surprenants.

11. Une main droite gantée de blanc, index tendu, devient un sablier.


12. Ou alors la trahison c’est de ne pas y penser.

13. Dans la vie, j’essaye toujours de ménager la chèvre et les choux.

14. Cette fois-ci c’est certain.


mais que je pourrais tout aussi bien résumer de quantité d’autres façons, quantité de préférence égale, cela va de soi, à un multiple de 14 et de 99.





dimanche 11 décembre 2022

De la pratique de Frédéric Forte pour faire apparaître la poésie là où elle n'était pas prévue

Vos livres de poésie se cachent partout. Ouvrez donc ce savant traité, par exemple, qui n’a semble-t-il à l’origine aucune vocation poétique : Pratique pour fabriquer scènes et machines de théâtre, du machiniste et décorateur italien Nicola Sabbatini. Son auteur a beau l’avoir écrit au XVIIe siècle, c’est tout un livre de poésie contemporaine qui s’y cache ; il suffit à Frédéric Forte de l’y faire apparaître. Il nous explique comment et selon quel protocole précis dans une note de l’auteur finale que je ne recopierai pas ici, préférant donner quelques exemples :



Chapitre 5

Comment changer


On clouera le haut

du côté où

il est le plus bas

puis on prendra l’autre extrémité

et on la clouera au commencement



Chapitre 17

Comment ouvrir et fermer


Une seule personne

chute de soi-même

en ce peu d’espace

sans bruit


Chapitre 22

Comment faire apparaître un enfer


Ici / de soi



Les poèmes sont accompagnés de dessins de David Enon.

De la pratique, scènes et machines, de Frédéric Forte, est paru tout récemment aux éditions de l’Attente.





mercredi 30 juin 2021

Nous allons perdre deux minutes de lumière

c’est incroyable tout ce qu’on peut faire entrer dans un poème. en gare de Bordeauxles graffs semblent flotter au-dessus du ballast. odeur de saucisson. je saisis au vol un fragment de conversation. ne t’inquiète pas pour nous. plus loin des grumes débardées sur un chargeoir. c’est beau. des arbres partout. qu’y a-t-il de plus proche de l’idée de nous qu’une vraie forêt. je suis caché dedans. et toi. et toi aussi. même si cela ne se voit pas nous changeons de département. le ciel est bleu les maisons sans ascenseur. et il y a les montagnes. geste gracieux de la main. une cloche d’ici sonne pile 19 heures. j’écoute le bruit blanc en contrebas du torrent permanent. c’est la différence entre je et nous. comment peut-on penser ensemble. comment peut-on ne pas. même un ange passe. et pour m’aider à terminer le premier chant de ce poème je reçois des SMS de mes deux garçons. A. m’écrit j’ai bien joué au théâtre j’étais Lucky Luke et Camille Pikachu. gros bisous. M. me dit je me sens mieux. hier j’ai pris un bain d’avoine c’était confortable. gros bisous.

Frédéric Forte, Nous allons perdre deux minutes de lumière, POL, 2021.



mardi 23 avril 2019

la question de l'oeuvre qui met l'oeuvre en question


Œuvres presque accomplies est-elle une œuvre accomplie ? Œuvres presque accomplies est le nouveau livre de Guy Benett, qui vient de paraître aux éditions de l'Attente, traduit comme les deux précédents, Poèmes évidents, rappelez-vous, et Ce livre, souvenez-vous, par Frédéric Forte. Il est constitué de projets conçus et jamais réalisés, notés, reclassés, et finalement vivants, des reproductions de ces projets, de réflexions sur la question de l’œuvre et sur l’œuvre même qui met l’œuvre en question.

8.VI.15

Concernant « Œuvres presque accomplies » comme titre alternatif : apparemment, j'étais dans l'erreur – Pessoa avait écrit « sensaçoes quase cumpridas » [« sensations presque accomplies »], « œuvres presque accomplies » n'est donc pas de Pessoa après tout, mais une fausse lecture / un faux souvenir de Pessoa. Cela en fait un pseudépigraphe, je suppose.



lundi 10 avril 2017

ce livre intitulé ce livre

*Permettez-moi de revenir un instant sur la notion d'autoréflexivité (ou autoréférentialité, ou conscience de soi), qui joue évidemment un rôle significatif ici. Depuis le tout début – depuis le titre, en fait – ce livre semble ne parler que de lui-même. Mais est-ce vraiment le cas ?*

Je m'étais promis de parler un peu de ce livre, ce livre, donc, dans ces Hublots, alors je le fais. Si du même Guy Bennett traduit par le même Frédéric Forte aux mêmes éditions de l'Attente vous avez déjà lu Poèmes évidents, ça va vous rappeler des souvenirs ; sinon, rappelez-vous.

Ce livre déictiquement intitulé ce livre fait le pari de ne parler que de lui, de la manière la plus essentielle qui soit, dans un projet qui n'est pas sans rappeler le livre sur rien de Flaubert dans sa lettre à Louise, mais qui assumerait de l'être vraiment. Mais tout en assumant vraiment n'être que cela, n'est-il pas aussi véritablement autre chose ?




lundi 2 novembre 2015

les commentaires sont ouverts

Sparkling

"Collectionne" est un mot à part, un mot vraiment remarquable. Ne me demandez pas pourquoi.


A splendid performance

Etre à court d'idées qu'est-ce que ça veut dire ? est une question inadmissible.


Sublime

"Plataniste" est un mot cétacé solitaire  barbotant dans le Gange, et dont, effectivement, on ne sait pas quoi faire.



Ne me demandez pas, je ne saurais pas comment vous le dire.


vendredi 25 septembre 2015

évidences et évidances : les Poèmes évidents de Guy Bennett



Je viens de lire les Poèmes évidents, de Guy Bennett, traduits par Frédéric Forte et l’auteur, postfacés par Jacques Roubaud et publiés par les éditions de l’Attente ; ça me faisait beaucoup d’évidentes raisons pour les lire.

Ces Poèmes évidents sont des poèmes qui se donnent pour ce qu’ils sont et rien d’autre. Le Poème préliminaire, par lequel j’ai commencé ma lecture parce que j’ai l’habitude de lire les livres en commençant par le début, dit et illustre clairement le projet, qui est précisément de dire ce qu’on illustre et d’illustrer ce qu’on dit. Lisez plutôt :



Poème préliminaire



Ce poème est autonome et

auto-suffisant.



Il ne nécessite ni commentaire critique

ni explication d’aucune sorte pour véhiculer son sens,

qui est évident.



Ne dépassant pas une page,

il convient tout à fait

à la publication en revue

comme en anthologie.



Il peut se lire d’une seule traite

et n’éprouvera pas outre mesure le lecteur ou l’auditeur

car il n’a besoin ni ne profite d’aucune

réflexion excessive après lecture.





Voilà. Je me garderai donc bien d’en faire un commentaire, en disant par exemple à quel point, sous l’apparence d’un texte apparemment dépourvu de tout ce qui aux yeux du lecteur en fait un poème, ce poème parvient à se jouer d’une des principales aspirations d’un poème, à savoir devenir un objet en soi-même. Je ne rajouterai pas que l’objet peut donc être ce quasi-rien, à la fois négation de ce qui fait le poème dans l’horizon d’attente du lecteur (j’éviterai par exemple de faire remarquer qu’il ne reste plus du vers dit libre que l’extrême pauvreté du récurrent retour à la ligne), et affirmation que l’affirmation de soi-même suffit ; je ne décrirai donc pas ce texte et le livre qu’il introduit comme un énoncé performatif d’auto-affirmation poétique, je ne rajouterai pas qu’il suffit donc finalement que le texte se dise poème, soit rassemblé avec d’autres textes qui pareillement se disent tous poèmes (le mot poème étant en effet présent dans tous les titres du présent recueil), dans un livre qui intitulé Poèmes… s’affirme donc, tout aussi performativement lui aussi, comme un recueil de poèmes, la poésie y étant ainsi réduite à l’affirmation d’elle-même.

Mais je veux bien rappeler quand même, puisqu’en le faisant je ne commente pas directement ce poème ni le recueil dont il est préliminaire, qu’on parle d’énoncés performatifs pour ces phrases qu’il suffit de prononcer pour faire la chose qu’elle ne font que dire. Par exemple : Je vous emmerde. Il suffit en effet de dire « je vous emmerde » à quelqu’un pour signifier à la personne concernée qu’on l’emmerde en effet et qu’elle peut désormais se tenir pour emmerdée dans toute la réalité possible de la merde. J’invente cet exemple parce que je ne me souviens plus bien de ceux employés par le distingué J.L. Austin dans son traité Quand dire, c’est faire (How to do things with words en anglais).

En revanche je me garderai bien de dire tout le bien que je pense du titre de ce recueil comme du recueil lui-même, aussi bien dans sa version française que dans sa version originale, car sachez que s’il vous prenait l’idée de retraduire ce livre en anglais (c’est une idée qui m’a traversé récemment : retraduire les œuvres traduites dans leurs langues originales, quitte à les retraduire en français ensuite, et encore une fois ; on aurait des surprises) son titre que vous pensiez évidemment être Obvious Poems n’est pas du tout celui-là, à l’évidence vous vous trompiez d’évidence ; il s’agit en réalité de Self-Evident Poems. Car le poème évident de soi-même, pour l’être vraiment, doit accepter de s’évider – mince ; je ne voulais pas le dire, ça m’a échappé. Je ne rajouterai donc pas, pour ne pas aggraver mon cas, qu’il doit se réduire à tout ce qui n’est pas lui-même pour poser enfin la question de ce qu’il est vraiment.


mercredi 26 juin 2013

un sonnet plat de Frédéric Forte


et si le mystérieux recèle · le moindre attrait · le moindre attrait · est dans le voile / de toi que je voudrais lever · lentement si possible · prenant le temps pour cible · et jamais achevé  / envisager de loin · le point · de ton corps / ne pas faire moins · être le témoin · le décor
 
Frédéric Forte, 33 sonnets plats, éditions de l’Attente, 2013.
 
Un entretien avec Frédéric Forte sur Soli Loci à propos de ses 33 sonnets plats.
Un extrait de sa Discographie sur Hublots – rappelez-vous.
Et figurez-vous que Frédéric, à son insu, n’est pas pour rien dans le projet que j’évoquais avant-hier – mais nous en reparlerons.
http://www.editionsdelattente.com/site/www/images/livre/couverture/130.jpg

mercredi 5 janvier 2011

C’est aujourd’hui qu’on coupe le ruban


  ruban-rouge.jpg
C’est aujourd’hui qu’on coupe le ruban
Larges ciseaux tranchants juste pour un
Ffffft
(De l’Observatoire) au fond du jardin au
Détour de l’allée Copernic
La sphère
A moitié enterrée du Planétari-um
Tu étais énigmatique
Au plafond
Nulle araignée mais la pénombre s’épaississant
Le bonhomme découvre
Maintes étoiles :
Quelle mumu quelle musi quelle musique alors
Entendre (ici bas) ?
 
Frédéric Forte, Discographie, « Quatorze pièces faciles pour harmonie municipale », Editions de l’Attente, 2002.
 
(Mais dans cette Discographie il y a aussi Sept quatuors à cordes, 90 folk songs, 9 poèmes en forme d’accordéon et même une Anthologie de la musique bulgare vol. 2.)


Commentaires

Merci, ça me fait rêver (si seulement je pouvais me localiser!)
Commentaire n°1 posté par jc le 05/01/2011 à 21h04
Perdu dans la fanfare ?
Réponse de PhA le 06/01/2011 à 07h47
C'est un grand jour.
Commentaire n°2 posté par Gilbert Pinna le 05/01/2011 à 21h25
Boum
Boum boum
Ta ta ta
Ratatata
Pouuuu poum pa pa paaaaa
Rapatatitatannnnnnnnnn [...]
(Frédéric Forte - c'est le début de la première "pièce facile pour harmonie municipale".)
Réponse de PhA le 06/01/2011 à 07h52
Ah, y a de l'accordéon dans cet éventail ? Et de la corde ? Et du bulgare ? Je peux viendre ? Je peux amener Pluplu ? Et mame Tor-Ups ? C'est à quelle heure ? On peut apporter son manger ?
Commentaire n°3 posté par Moons le 05/01/2011 à 22h06
Amène, apporte, c'est tout public !
Réponse de PhA le 06/01/2011 à 07h53
ah ah ! on craque! :)
Commentaire n°4 posté par Aléna le 06/01/2011 à 12h47
C'est la faute à Frédéric Forte, j'aime beaucoup sa discographie. Mais je n'ai pas dit que j'arrêtais ces Hublots, juste que je les espaçais (bon, c'est vrai que les espaces risquent d'être assez irréguliers).
Réponse de PhA le 06/01/2011 à 13h55
 

jeudi 1 avril 2010

rencontres complément

Le Salon, c’est fini (mais pas les conseils de classe ni les paquets de copies…). Il manque de fauteuils, tout de même, ce Salon. On en a plein les jambes. De canapés, plutôt, car c’est un Salon : on y rencontre du monde, on y discute – et ça vraiment, c’était bien, même si souvent c’est un peu court.
Le Salon est fini, mais pas les rencontres. Hier soir, Frédéric Forte, dans le cadre de sa résidence à la librairie le Comptoir des Mots, accueillait pour la septième fois déjà (je crois) un auteur et son éditeur, cette fois-ci c’était Emmanuel Fournier, philosophe dont le travail rencontre la poésie, non, philosophe dont on peut aussi lire le travail comme de la poésie, peut-être, et Eric Pesty – éditeur – et vraiment c’était une belle rencontre. Je ne vais pas parler des livres que je n’ai pas lus mais tout de même, l’infinitif comme langue (Emmanuel Fournier), ça ne peut qu’alerter l’auteur d’un livre où la personne grammaticale s’efface : « Pour ma part, je préfère voir les règles de grammaire non comme des contraintes mais plutôt comme des possibilités de libération qui nous sont données. Peut-être de délivrance, mais surtout de libération. » Voyez : je tombe complètement au hasard sur ces phrases d’Emmanuel Fournier, dans L’infinitif complément, publié dans la même belle collection agrafée qu’Une ligne d’Anne Parian – je suis reparti avec les deux, sans oublier la Mer à faire.


Commentaires

oui je vais lire cet "infinitif" d'Emmanuel Fournier bien alléchant. je suis aussi une fan de l'infinitif , mode du langage du corps dit-on ... Et je t' enverrai bientôt la réédition enrichie de mon "Question de style" (CFPJ 2007) - mais il faut d'abord que je la réenrichisse !!!! boulot boulot ....
je continue à être hallucinée par tout ce que tu trouves le temps de faire ...
Dane
Commentaire n°1 posté par Dane Cuypers le 01/04/2010 à 21h28
Merci ! (le temps, je cours après ; mais il est bien entraîné, le bougre !)
Réponse de PhA le 02/04/2010 à 09h36
1) Oui, le Salon manque de fauteuils... même quand on achète une boissson "liquide" (of course) on ne trouve pas d'endroit pour s'asseoir, ou, s'il y en a, on est éjecté! C'est nul, archi nul!
2) Oui, les rencontres sont trop courtes, même quand on a le temps (la timidité face à l'inconnu que l'on croit connaître; c'est terrible. Frustration, de mon fait, bien entendu).
 
Commentaire n°2 posté par Ambre le 02/04/2010 à 17h39
N'empêche : même court, c'était bien sympathique. Merci d'être passée !
Réponse de PhA le 02/04/2010 à 18h13
Me rappelle un beau livre de P. Alferi, Faire une phrase, je crois.
Commentaire n°3 posté par albin le 02/04/2010 à 18h00
Chercher une phrase, sans doute (c'est facile pour moi de chercher : j'ai mes Jumelles à portés de main !)
Réponse de PhA le 02/04/2010 à 18h11
... oui, n'empêche...
(et merci pour la dédicace "personnalisée" (+_+))
Commentaire n°4 posté par Ambre le 02/04/2010 à 19h36
 

dimanche 7 mars 2010

j’ai des super-pouvoirs

« J’ai enfin tous les pouvoirs dont j’ai toujours rêvé ! » C’est ce que disait le Vengeur d’Argent, ou le Casse-cou Volant, je ne sais plus, en surgissant de l’ombre d’un laboratoire en ruines sur un cahier d’écolier petit format, CM2 ou sixième, je ne sais plus, ça commence à dater – de l’époque où j’hésitais encore entre la littérature et la bande dessinée. (Si j’ai vite renoncé à celle-ci, c’est aussi par facilité ; un peu comme un coureur à pied aurait renoncé à une carrière de cycliste parce qu’il faut gonfler les pneus.)
N’empêche : j’ai vraiment des super-pouvoirs. La preuve : j’ai encore ressuscité le poisson rouge. Il était mort, une fois de plus, il flottait à la surface, le ventre en l’air, immobile. Les chats ont neuf vies, je soupçonne les poissons d’en avoir 81. Celui-là, depuis six ou sept ans qu’il est à la maison, doit en être à sa troisième ou quatrième résurrection, je ne les compte plus. J’ai pris le coup de main. Je prends délicatement mon poisson entre mes doigts, complètement inerte, aucun mouvement de la bouche ou des ouïes, ne parlons pas des nageoires ; je le remets à l’endroit, je le tiens : aucune réaction. Il était encore plus mort que la dernière fois. Je ne le lâche pas pour autant, il me reste une main, tiens, et le téléphone n’est pas loin, on peut faire plusieurs choses à la fois ; et tout en discutant je vois la bouche de mon poisson qui commence à s’ouvrir et à se fermer, très faiblement, puis de moins en moins, et… je vous passe la suite, même scénario que la dernière fois, la bestiole est repartie pour un tour de bocal.
Je vous le dis : j’ai des super-pouvoirs. J’en ai même deux : car non seulement je ressuscite les poissons rouges, mais j’ai aussi la prescience des crottes de pigeon. Un peu comme Spiderman. Ce n’est arrivé qu’une fois, mais tout même. C’est resté aussi dans la mémoire de M, qui peut témoigner. C’était à la Gare Saint-Lazare, ou la Gare de l’Est, je ne sais plus ; nous marchions côte à côte, d’un bon pas et, d’un coup, sans raison apparente, je m’arrête brusquement. M se tourne vers moi, étonnée : une crotte de pigeon, passée à cinq centimètres de mon nez, venait de s’écraser entre mes pieds. Oui madame. D’ailleurs, depuis ce jour, les oiseaux n’essaient plus de me faire caca dessus, par crainte du ridicule.
Tiens, maintenant que j’y pense, je me rends compte que mon poisson n’est pas tout à fait innocent dans la petite farce que je viens de faire à Frédéric Forte, le poète public. (Pas pu m’empêcher. Le sérieux me fait sérieusement défaut. J’ai été tout de suite découvert, d’ailleurs. Les poètes sont tous plus ou moins détectives, je devrais être plus prudent.) Au départ, c’est le fiston qui, je ne sais pourquoi, cherchait une image de poisson fluo. Il croise les doigts, fluo devient flou, et le voilà tout étonné qui tombe sur son propre poisson, pêché par ses soins lors d’une pêche aux canards. Et d’inaugurer le jeu des requêtes improbables menant au blog à Papa. Par exemple, pour aller chez Frédéric Forte, vous pouvez taper « extase dans une église d’un banquier en bikini », ça marche ; ou encore, plus honnêtement : « rechercher les mots-clef pour faire des farces au poète public ». Mais on doit pouvoir faire bien mieux, en voyant les choses en grand – d’ailleurs Frédéric y songe.

Commentaires

Vous ressuscitez les poissons, les oiseaux vous bénissent, les hublots frétillent à votre approche ... Moi, je dis chapeau, chapeau bas... et de me prosterner.
Commentaire n°1 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 07/03/2010 à 20h02
Oh, tout de même, mes pouvoirs sont limités. Les poissons, par exemple, je ne fais que les ressusciter ; je suis incapable de les multiplier.
Réponse de PhA le 07/03/2010 à 20h49
pour multiplier les poissons il faut déjà les couper pour le partage, or, les poissons sont très chatouilleux aux nageoires. Donc, pas de regret
Commentaire n°2 posté par petite racine le 07/03/2010 à 21h35
Cet article me donne à réfléchir. Quels sont les mots clé qui conduisent sous mon arbre. Je ne sais pas mener les enquêtes statistiques que votre poète ami s'évertue à mener à bien, aussi vais-je tenter un post uniquement constitué de mots clés improbables. Merci pour l'idée.
Questions cependant : je n'ai pas compris, votre poisson rouge, vous le massez in or out du bocal ?  Ne feint-il pas la mort pour susciter votre attention ? Lui parlez-vous suffisamment et en quelle langue?
Commentaire n°3 posté par Zoë le 07/03/2010 à 21h44
D'abord dans le moule à cake, évidemment ; puis, quand il a repris des couleurs, dans le bocal.
Je le crois assez roué, en effet, mais s'il simule, quel talent !
Réponse de PhA le 07/03/2010 à 22h17
Dire que j'ai failli, moi aussi, en ramener un de la fête foraine (ouf! car je n'ai pas ce talent, je me contente de savoir mourir).
Mais prenez garde car je me demande si, ainsi réssuscité, sa mémiure ne déteint pas sur la vôtre : combien de fois avez-vous dit "je ne m'en souviens plus"? Pourvu que demain vous ne preniez pas une couleur fluo... ou floue (puisque la visibilité est mauvaise)
Commentaire n°4 posté par Aléna le 07/03/2010 à 21h47
Oh ! ma mémoire, n'en parlons pas ! Je me souviens de tant de choses que je n'ai pas vécues - ou peut-être si, qui sait...
Réponse de PhA le 07/03/2010 à 22h13
"mémoire" bien sûr!
Commentaire n°5 posté par Aléna le 07/03/2010 à 21h48
ah! eh bien c'est ça de relier ses possibles : on finit par se souvenir des choses qu'on n'a pas vécues!
Commentaire n°6 posté par Aléna le 07/03/2010 à 22h51
- et par y croire !
Réponse de PhA le 08/03/2010 à 08h50
Cessez de réveiller les poissons qui dorment Philippe!! Car les poissons dorment sur le dos, c'est bien connu! Mais soit, je vous laisse à vos rêves de super-pouvoirs! :)
Commentaire n°7 posté par Depluloin le 08/03/2010 à 12h27
Et la crotte de pigeon ? Hein ? Comment expliquez-vous la crotte de pigeon ?
Réponse de PhA le 08/03/2010 à 19h23
Les écrivains adorent les chats (ou plutôt ce sont les chats qui aiment les écrivains) mais les poissons d'aquarium c'est nouveau çà ? Après tout ce sont peut-être des poissons-chats!
Commentaire n°8 posté par Ambre le 08/03/2010 à 16h26
Le chat est un animal propre et silencieux. Le poisson est encore plus silencieux, et sa toilette est sans fin ; donc le poisson est encore plus chat que le chat. D'ailleurs - l'aviez-vous remarqué ? - le mien est angora : admirez sa queue en panache.
Réponse de PhA le 08/03/2010 à 19h27
lire dans ma vie - un autre super-pouvoir à votre actif - hier j'ai fait la carpe devant la fenêtre, et la neige qui tombait derrière, pendant que mes garçons regardaient Spiderman. Je suis soufflée !
Commentaire n°9 posté par Juliette Mézenc le 08/03/2010 à 17h02
Pour lire dans votre vie, j'ai ma boule de cristal :
Réponse de PhA le 08/03/2010 à 19h36
carrément espantée - vais plus oser me gratter le nez...
Commentaire n°10 posté par Juliette Mézenc le 09/03/2010 à 08h15
Et du coup j'enrichis mon vocabulaire !
Réponse de PhA le 09/03/2010 à 12h50
Commentaire n°11 posté par Hugo Strat le 13/04/2010 à 10h47
Oui ! (Hélas, je ne suis pas toujours là quand on a besoin de moi.)
Réponse de PhA le 13/04/2010 à 11h18