vendredi 5 février 2010

Martine Sonnet, Sa vie mise en pièces d’eau

Une fois n’est pas coutume, me voici échangé ! c’est le premier vendredi du mois et les vases communicants entre blogs : mes Hublots accueillent L’employée aux écritures (chez qui vous me trouverez au travail aujourd’hui). C’est bien sûr Martine Sonnet, dont l’Atelier 62 reste dans notre souvenir.
 
Par les hublots, L’employée aux écritures voit sa vie mise en pièces d’eau. D’abord il n’y en pas : elle vient au monde à la campagne, il n’y a pas d’eau, seulement à la pompe sur le côté de la maison, alors les brocs, les baquets, les marmites et les lessiveuses sur le trépied au dessus des flammes dans la cheminée, et encore des casseroles posées sur le fourneau à bois. Elle grandit à la ville avec tout le confort, salle de bains avec fenêtre et baignoire (même si  seulement sabot dans laquelle se plier en quatre), et lavabo ; les carrelages tout autour qui ne montent pas assez haut : on éclabousse à côté. Les lessiveuses ça continue un certain temps, mais perchées sur la cuisinière à gaz. En vacances, longtemps elle retourne chercher l’eau à la pompe, et sa mère reprend le chemin du lavoir. Plus tard, au temps des étés d’étudiante passés à gratter le sol (ça la travaille, savoir si c’était du même tonneau la vie de bien avant, et même néolithique), obligée de camper sauvagement sur le chantier avec jerrycans d’eau remplis à la ferme et virée hebdomadaire le samedi après-midi aux bains-douches municipaux les plus proches ; le savon qu’on apporte au fond du gant roulé lui-même dans la serviette, et le berlingot de shampoing rose bonbon qui ne sert qu’une fois acheté à la caissière. Dans la vie du reste de l’année, il y a les pièces d’eau des autres, où ne fait que passer et reste toujours un peu gauche, s’ébouillante parfois faute d’identifier à temps l’eau chaude/l’eau froide, ne sait pas où poser ses affaires (la tablette déjà pleine) ni où faire sécher sa serviette ; et celles occupées en titre, qu’elle organise à sa mode. Déménagements réguliers et les salles d’eau vont du riquiqui au spacieux – les carrelages montent de plus en plus haut. Grand jeu de variables à l’œuvre : douche ou baignoire (et à combien on se met dessous ou dedans),  avec ou sans fenêtre (vasistas ou qui s’ouvre à l’espagnolette), robinets qui mitigent ou mélanges à faire soi-même, persistance ou non d’anciens standards de confort hygiénique incarnés par la présence d’un bidet, faïences blanche ou de couleur, géométrie variable du séchoir à linge, plus ou moins garni de bodys et grenouillères, évincés au fil des ans par les jeans et les tee-shirts. Toujours et partout, le tube néon et la glace au dessus du lavabo. Sauf que l’image renvoyée, toute buée dissipée : de plus en plus floue.

mardi 2 février 2010

des fleurs sur sa chemise nuisaient souvent à l’attention

Ferie-Lespiau.jpg
elle faisait partie d’un couple qui s’ai­mait dans un hôtel de la zone surveillée. L’homme était inquiet, la femme pouvait être sereine ou nerveuse. Ils faisaient l’amour dans un nombre élevé de chambres. Il y avait aussi un homme qui dormait dans une pièce à côté, laissant la radio sur une mauvaise station. Sa pré­sence n’était pas prévue. Plans au télé­objectif, agrandissement de ses yeux. L’homme était allongé, le bras droit pris, étendu. L’homme n’était peut-être pas dans la pièce. Sa présence diffusait à travers la cloison, bruits, ronflements. Il s’agissait d’un homme ivre qui dormait contre sa petite radio saturée d’aigus
 
p. 20
 
la réalisation nette du plan allait ap­paraître à la fin comme une hallucina­tion, le produit de l’aventure entamée, son exécution. Le naturel demandait le plus de travail, retourné. En attendant défilaient des images volées d’un intérieur ou d’un autre qu’elle fréquentait régulièrement dans un échantillon de villes offertes à la négociation. La percep­tion s’accrochait au manteau, allant avec, en revenant, et ainsi de suite jusqu’à maculer le champ de vision dans lequel elle entrait, duquel elle sortait. Des fleurs sur sa chemise ou dans ses cheveux, telle gamme colorée de rubans, nuisaient souvent à l’attention
 
p. 43
 
dans le rêve de l’exécution, continuel­lement, le sexe était remplacé par un chiffre inexplicable, sans doute une date ou un code. Autant de jours passés sur une île constituaient une mission. Il y avait une offense et il fallait la réparer, ou le projet poursuivi par untel était jugé dangereux par ses pairs. Mais les tours étaient joués avant même d’en comprendre les règles, les participants, le décor. L’exécuteur gommait quelque chose, quelqu’un, et déjà tintait l’annonce sinistre d’une fin de partie dans l’éveil. Il était si difficile de se remettre de la mort d’un mot, d’une notion. En somme, chaque client avait droit à une vengeance sereine
 
p. 61
 
David Lespiau, Férié, Les Petits matins, 2010.
 
 
Attiré par une postface d’Emmanuel Hocquard, je suis tombé dans une étrange affaire – beau sujet d’enquête en effet pour le privé de Tanger. Il s’y passe quelque chose de voluptueux et / ou de criminel, peut-être, séduisant en tout cas ; mais j’ai beau essayer de régler la mise au point, rien n’y fait : victime des fleurs sur sa chemise, le fin mot me manque (agacement délicieux de ce qui feint de se donner). Le texte, en une soixantaine de blocs carrés comme des fenêtres (une soixantaine de jours ?), n’en montre pas plus qu’une fenêtre ; l’essentiel, sans doute, est hors cadre. 



Commentaires

Et cet homme ivre, qui lourdement ronfle derrière la cloison, accroché à sa radio parasite comme une huitre à son rocher, ignorant tout de ce qui se passe, dans la chambre, de l'amour, de l'enquête et du reste.
Commentaire n°1 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 02/02/2010 à 15h54
A cause de qui sans doute on oublie de regarder l'essentiel.
Réponse de PhA le 02/02/2010 à 21h55
Ah non! Je ne lis pas! Vade retro satanas! Choir, puis Machin là... Non, je ne lirai pas!! Je vais lire.
Commentaire n°2 posté par Depluloin le 02/02/2010 à 19h17
Qui a lu, lira.
Réponse de PhA le 02/02/2010 à 21h58
Suis perplexe là.
Les titres des livres de cet auteur  sont très... euh... très très...;-)
(ne jamais se fier au titre en fait;o))
Commentaire n°3 posté par Ambre le 02/02/2010 à 21h27
J'aime beaucoup "la poule est un oiseau autodidacte".
Votre perplexité est déjà un pas vers l'état de l'enquêteur.
Réponse de PhA le 02/02/2010 à 22h01
Je n'ai pas lu votre post, ni laissé de commentaire.
(n'empêche "qu'elle faisait partie d'un couple qui s'aimait", je ne l'ai pas lu non plus bien sûr, mais si je l'avais lu, j'aurais adoré.)
Commentaire n°4 posté par Anna de Sandre le 02/02/2010 à 22h33
Un livre à la mise au point problématique, c'est ce qu'il faut pour une lectrice "non visuelle" ?
Réponse de PhA le 02/02/2010 à 22h41
Oui, c'est celui qui m'a scotchée et aussi : Oh un lieu d'épuisement.
Commentaire n°5 posté par Ambre le 02/02/2010 à 22h36

dimanche 31 janvier 2010

wallabies, wannabes et wallaroos

Il me faut bien l’avouer : je maîtrise mal le français branché. Surtout quand c’est de l’anglais. Non que je connaisse si mal l’anglais, j’en ai fait un peu en fac : j’ai même lu Gulliver’s travels dans le texte. J’ai plus de mal avec l’anglais contemporain, on ne me l’a pas appris. En revanche, et heureusement, je suis assez féru de zoologie. Un peu surpris, donc, d’entendre des bipèdes parlants, assez à mon image d’ailleurs, se traiter eux-mêmes de wallabies. Le wallaby, comme chacun sait, est pour sa part un bipède assez peu disert, plutôt discret – même s’il y en eut un qui connut un grand succès sur le petit écran de notre enfance : « Skippy ! Skippy ! Noootrami-le wal-labiiii… » (Je ne suis pas bien certain en effet qu’il s’agît d’un kangourou, comme le veut la chanson. Je parierais bien sur un wallaby. A moins que ce ne fût un wallaroo.) Encore aujourd’hui, j’ai beau l’avoir compris, il me faut bien une seconde avant de saisir que sous la douce fourrure du wallaby se cache en fait un wannabe. C’est sous ce nom qu’on se désigne quand on veut être. Vouloir être ! Belle ambition. N’être pas, en effet, est une tragédie. Etre aussi, d’ailleurs ; c’en est une autre. Quant à choisir, n’en parlons pas. Cependant, certains wannabes, semble-t-il, en veulent davantage. Non contents de vouloir être ce qui est quand même déjà un beau programme, j’y adhère – ils veulent être quelque chose. (D’un coup j’adhère moins. D’ailleurs j’ai souvent l’adhésion difficile. N’aime pas ce qui colle, notamment les étiquettes. J’en ai collé, autrefois, par milliers, sur des bocaux de moules à l’escabèche ; croyez-moi : ça n’a rien de passionnant.) Par exemple, ils veulent être publiés. N’importe quoi. Ils ne le seront jamais, c’est évident. Personne, jamais, n’est publié. Dans le meilleur ou le pire des cas, c’est un sort qui est réservé aux livres, c’est même comme ça qu’ils deviennent des livres. L’auteur, ouf, reste personne, ou une personne, si vous voulez. Ou alors il devient autre chose qu’un auteur. Vouloir être, franchement, si c’est ça que ça recouvre… Un wannabe réussi, dix ans plus tard, n’est-ce pas ce qu’on appelle un has-been ? Vouloir être. Vouloir faire, plutôt ! Bon, c’est vrai que s’autoproclamer « wannado », c’est devenu moyen aussi ; excuse acceptée. Wannawork, alors ; parce  qu’œuvrer, franchement, il n’y a que ça qui compte. (Encore que buller, au fond, c’est pas mal non plus.)

Commentaires

Bouh! Me faut un wanna juice pour faire des bonds de wallaby!
(et je veux être ... euh, un wannabe? c'est bien çà? si j'ai tout compris? - mais zut pourquoi j'essaie de toujours de comprendre l'incompréhensible.)
Ah mais, je croyais que vous étiez expert ès english language!
Commentaire n°1 posté par Ambre le 31/01/2010 à 15h34
J'ai bien une licence d'anglais quelque part, mais elle n'a jamais servi. Ces choses-là, ces comme les voitures, ça rouille.
Réponse de PhA le 31/01/2010 à 16h00
Hum! Y a pas que les voitures...
Commentaire n°2 posté par Ambre le 31/01/2010 à 16h04
Ainsi donc, Skippy-notre-ami-le-kangourou n'était pas un kangourou... Secrètement, je le savais, mais le lire, là, sous mes yeux, ça m'émeut.
En tout état de cause, il reste notre ami.
Commentaire n°3 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 31/01/2010 à 18h48
Avouez d'ailleurs que la chanson est bien meilleure avec "notre ami le wallaby" !
Réponse de PhA le 31/01/2010 à 20h42
Bon, à cette heure, c'est bien compliqué : vous soulevez là de nombreuses questions. Par exemple je ne me souviens pas avoir voulu être. Il faut que je m'y mette dare-dare. Mais je sens déjà que ce billet va peupler ma nuit de wannabes et wannabites de tout crins!
Commentaire n°4 posté par Depluloin le 31/01/2010 à 20h01
Et pourtant vous êtes.
Réponse de PhA le 31/01/2010 à 20h59
It makes me think about that.
Commentaire n°5 posté par François Matton le 01/02/2010 à 17h43
I remember. (Alors, tu écris encore à l'encre sympathique ?)
Pour être honnête, je devrais reconnaître que moi aussi, j'ai été wannabe. Mais peu à peu j'ai oublié que je l'étais. Quand je l'ai complètement oublié, on a publié mon premier roman. Je me souviens que mon éditeur s'étonnait que je ne saute pas au plafond. Je n'étais pas du tout blasé (de quoi, d'ailleurs ?), mais je ne me sentais pas complètement concerné ; c'était mon roman qui l'était à ma place. (Cela dit, j'ai quand même appris à mieux me réjouir depuis lors.)
Réponse de PhA le 01/02/2010 à 19h03

samedi 30 janvier 2010

n’avait-il pas seulement cru qu’il écrivait ?

Il avait encore plus de mal avec le problème de ceux de ses personnages qui se mettaient en tête d’écrire. Sans compter Madame Cherbonnier, qui, Dieu merci, renonçait vite à son projet de roman autobiographique, il y avait deux candidats sérieux à l’écriture : au premier étage à droite le docteur Ménétrier et, au rez-de-chaussée, le neveu des deux vieilles demoiselles Bornichet. Ils écrivaient, tous les deux, longuement, quoique non sans mal. Mais com­ment leurs écrits avaient-ils pu être connus de lui et par lui révélés ? Escrivant s’embrouillait indéfiniment dans ce pro­blème : il pensait à des préfaces ou à des postfaces, des aver­tissements, des notes de l’éditeur ou autres épiceries de même farine. Ces procédés, il le savait très bien, étaient connus et pratiqués de longue date. Mais il lisait avec méfiance les textes qui en faisaient usage et craignait pour son roman la même réaction. D’autant qu’il aurait fallu un avertisse­ment séparé pour chacun des deux écrits ! Il prit parti pour deux solutions opposées, aussi arbitraires que brutales. Pour le docteur Ménétrier, il supprima tout bonnement ses écrits, n’en laissant subsister que les commentaires. Pour le neveu, il les présenta tels quels, sans souffler mot de la façon dont ils lui étaient parvenus. Et puis, était-ce vraiment ce qu’il avait écrit ? Avait-il seulement écrit, ce débile de Bornichet ? N’avait-il pas seulement cru qu’il écrivait, comme un homme qui rêve assis près de sa lampe ?
 
REZ-DE-CHAUSSÉE
 
J’aime bien lire le journal. Je m’achète France Soir deux fois par semaine, chez le marchand de journaux de la station de métro Vallier, où je passe, forcément, quand je vais au Perpétuel Secours. Le marchand com­mence à me connaître, à la longue, et de temps en temps il me donne en plus de France Soir un exem­plaire du France Dimanche ou du Radar de la semaine d’avant, qu’il n’a pas réussi à vendre. France Dimanche ressemble beaucoup à France Soir, sans Chéri-Bibi ni Juliette de mon cœur, mais avec, de temps en temps, des morceaux de romans en plus, avec des dessins. Mais je n’aime pas les romans, moi. Je préfère Radar, à cause des grandes photos qui occupent la première page. C’est dommage qu’elles ne soient pas en couleurs. Mais même en noir et blanc on comprend tout de suite ce qui est raconté à l’intérieur : des incendies, des tremblements de terre, et surtout des histoires horribles d’assassinats ou d’enlèvements. Dans France Soir, il y a moins de photos, mais il y a, tous les jours, du haut jusqu’au bas de la dernière page, Les aventures de Chéri­-Bibi, sur le côté droit, et Juliette de mon cœur, sur le côté gauche. Chéri-Bibi est bien affreux, comme il faut, avant de prendre la figure de Maxime du Touchais. Et Juliette est bien belle. Mais j’aime peut-être encore plus sa petite sœur, Ève. Elle est un peu folle, c’est sûr, et elle est trop jalouse de sa grande sœur. Mais elle est moins fière, elle ne refuse pas tous les amoureux. Peut-­être qu’un jour les bonnes religieuses du Perpétuel Secours me donneront assez d’argent pour que je puisse acheter France Soir tous les jours. Mais même sans acheter tous les numéros, je comprends quand même à peu près tout ce qui arrive à Chéri-Bibi, à la belle Juliette et à sa jolie petite sœur Ève.
 
Michel Arrivé, Un bel immeuble, Champ Vallon, 2010.
 
Le roman de Michel Arrivé est un romans, l’histoire de Joël Escrivant, marchand de voitures retraité et écrivain du dimanche qui voit son roman s’autodétruire au compteur statistique de son traitement de texte ; il était bien pourtant son Bel immeuble, plein de délicieux commérages de la cave au grenier – la littérature ne rend pas suffisamment justice aux commères ; plein aussi d’authentiques prétendants à l’écriture, comme cet adorable Bornichet du rez-de-chaussée, autre figure d’écrivain ; allez donc voir ce qu’il y a derrière, ces gens-là ont forcément quelque chose à cacher, ou quelque chose de caché.
PS : Et je découvre à l'instant une vraie critique d'Un bel immeuble par Philippe Didion, dans ses Notules dominicales n° 431 (à vendredi).



Commentaires

Oh mais comme cela semble savoureux! Les problèmes d'écriture m'enchantent, surtout lorsque le sujet est abordé par ceux qui n'en ont a priori pas!
Commentaire n°1 posté par Depluloin le 30/01/2010 à 16h50
Savoureux, c'est le mot. Une belle image en abyme de l'écrivain, joliment dégradée, et ce que cache l'écriture. En plus c'est discrètement immoral, ça devrait te plaire !
Réponse de PhA le 30/01/2010 à 17h13
"N'avait-il pas seulement cru qu'il écrivait?"Il m'arrive de rêver que j'écris!
Merci de nous préciser que Un bel immeuble est un roman;o)
Dès qu'on utilise le Je, je crois que c'est du vécu! Quelle midinette;o)
Commentaire n°2 posté par Ambre le 30/01/2010 à 16h53
N'est-ce pas ? Non seulement c'est un roman, mais c'est un romans (enfin, c'est moi qui le dis).
Réponse de PhA le 30/01/2010 à 17h08
Attendre la suite du feuilleton le lendemain et avoir le coeur qui bat.
Commentaire n°3 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 31/01/2010 à 10h35
Et je vous assure que ce coeur-là en vaut la peine !
Réponse de PhA le 31/01/2010 à 11h06
Dès qu'on utilise le Je, je crois que c'est de la fiction ! Quelle potron-minette ;o)
Sinon Annocque, arrêtez d'emmerder Loïs, elle n'en peut mais.
Commentaire n°4 posté par Anna de Sandre le 31/01/2010 à 10h40
Impossible, Anna : je ne peux pas m'en empêcher. D'ailleurs je suis sûr que ce livre est écrit pour Loïs !
Réponse de PhA le 31/01/2010 à 11h09
Je vengerai Loïs, un jour, il le faudra bien.
Commentaire n°5 posté par Anna de Sandre le 31/01/2010 à 11h18
Pauvre de moi !
Réponse de PhA le 31/01/2010 à 12h47
Je précise Philippe, pour la critique de Un bel immeuble dans Notules, il faut aller jusqu'au DERNIER vendredi!
Commentaire n°6 posté par Ambre le 31/01/2010 à 15h11

jeudi 28 janvier 2010

Jonathan Coe et son éléphant à Paris


Invitation
(Cliquez sur l’invitation pour l’agrandir.)
B.S. Johnson, je le découvre seulement maintenant, grâce à Quidam (et je ne suis pas peu fier d’être publié dans la même collection !). J’attends d’être un peu plus disponible pour bien profiter de mon cadeau de Noël, mais j’ai bien envie aussi d’aller écouter Jonathan Coe en parler. En attendant, vous pouvez aussi lire ce qu’en dit leur éditeur – que dis-je, notre éditeur ! –, et l’article de Libération sur la biographie que J. Coe consacre à cet « éléphant fougueux » de la littérature.

Commentaires

Mais c'est épouvantable! Je suis effondrée, je ne sais plus par où (par qui) commencer, enfin, je n'ai pas encore acheté cet extraordinaire Jonhatan Coe que vous continuez de nous faire découvrir : magnifiques vos extraits de Albert Angelo.Et ce "cadeau de Noël" cet objet littéraire... rrraaahhh, comment faire pour ne pas avoir envie de découvrir cet écrivain au visage superbe à la Orson Wells.
Envie de pleurer, là, de ne pas pouvoir être à Paris le 9 février.

(merci tout de même pour ces infos, essentielles) 
Commentaire n°1 posté par Ambre le 28/01/2010 à 11h43
Rectification. Evidemment, il fallait lire B.S. Johnson et non Jonathan Coe dans mon com. Tsss!
Commentaire n°2 posté par Ambre le 28/01/2010 à 12h09
Oui, d'ailleurs j'aurais dû préciser que cette rencontre est en relation avec deux parutions distinctes chez Quidam : la biographie de BS Johnson par Jonathan Coe (BS Johnson, histoire d'un éléphant fougueux) et celle, fin 2009, des Malchanceux de BS Johnson.
Réponse de PhA le 28/01/2010 à 15h21
Je crois bien que je serai à Paris. Il le faut, j'ai trop envie de voir de rencontrer cet "éléphant fougueux"! ;)
Commentaire n°3 posté par Depluloin le 28/01/2010 à 18h52
Ou plutôt son biographe, hélas ; BSJ s'est tué en 1973.
Réponse de PhA le 28/01/2010 à 20h16
PhA j'aime votre manière.
Commentaire n°4 posté par albin le 28/01/2010 à 20h52
Et moi j'aime vous savoir journalier.
Réponse de PhA le 29/01/2010 à 07h37
Découverte à faire, rencontre à pratiquer...
Commentaire n°5 posté par Dominique Hasselmann le 30/01/2010 à 10h31
Eh bien ce sera peut-être l'occasion d'une rencontre. Je ne suis pas encore sûr d'y aller, mais j'ai bien envie.
Réponse de PhA le 30/01/2010 à 13h41
 

lundi 25 janvier 2010

allez choir enfin



La lecture est cette histoire dont je suis le héros et même surtout l’Auteur, gardons la minuscule pour ces derniers devenus à leur tour simples personnages, juste retour des choses ; Balzac et ses comparses ne font plus les malins. La mienne a connu des hauts et des bas, je le disais l’autre jour, et même encore avant ; l’écriture bien sûr y est pour quelque chose, Beckett n’est pas innocent non plus dans cette affaire (c’est chez lui vous vous en doutez que Philœdipe a forcément trouvé de quoi faire son laïus de maîtrise) et quand plus tard de nouveau j’ai pu lire, c’est que débarrassé (croyais-je) de son influence j’étais enfin papa. Bref, contrat signé au printemps 2001, c’est non sans émotion et même appréhension que de nouveau je pénètre dans une librairie – c’était chez Legué à Chartres –, et feuillette dédaigneusement les premiers livres qui me tombent sous la main jusqu’à celui-ci. (Alors là vraiment il faut cliquer. Si, il faut.) Bref encore, c’est ce jour-là qu’Eric Chevillard, dont je n’avais jamais entendu parler (mais je n’avais entendu parler de personne, depuis longtemps j’étais ailleurs sans savoir où), est devenu un personnage de mon histoire de lecteur. Et non le moindre, car il a été le premier auteur contemporain à me faire sentir, snirfl, combien mon ignorance était nauséabonde, moi qui avais l’outrecuidance d’espérer des lecteurs (bon, c’est vrai, la publication, on m’y a un peu poussé, sinon…). Sa cuillère donc était si belle que j’embarquai l’argenterie, il faut dire que ce roman d’inaventures au héros absent (les Absences du Capitaine Cook, pour les paresseux de l’index) avait d’emblée tout pour me plaire. Non content de cette effraction dans ma vie pourtant confortable d’ex-lecteur repenti, voici qu’un an plus tard il récidive avec Du hérisson. C’était risqué, car je me suis tant roulé par terre en jouant avec celui-là, insaisissable peluche, que le coupable s’est retrouvé perché sur un vertigineux piédestal par mes soins érigé, chargé d’une mission quasi-prophétique aggravée par la filiation beckettienne avouée dans les Taupes, lisez donc Scalps ; bref ce gars-là était un inconscient : entre l’abîme sous ses pieds et le poids de sa charge, il ne savait pas ce qu’il risquait. Il lui fallait de larges épaules (je n’ai jamais eu l’occasion de les mesurer), était-ce un avantage pour conserver l’équilibre au sommet de son monument ? le Génie de la Bastille n’est pas si baraqué. De fait il a chancelé ; ma foi n’est pas inébranlable, c’est ce qui fait sa valeur. J’ai lu non sans plaisir le Vaillant petit tailleur, Oreille Rouge et Démolir Nisard ; je les aurais même volontiers trouvés très bons ; ils n’avaient qu’une tare à mes yeux : le nom de Chevillard écrit sur la couverture. De sa part, le livre refermé, j’attendais encore, plus, encore plus, j’avais faim ; un loup guette Chevillard au coin du bois : c’est moi. Et voici, il y a un peu plus d’un an, que disparut l’orang-outan ! A la place du grand primate roux, entre temps débarrassé du je dont il a pour l’instant fait le tour (c’était nécessaire, ce tour-là n’est pas si simple) par l’écriture quotidienne de l’Autofictif (interprétation toute personnelle : le je est si bien installé dans le rouleau du blog ; moi-même j’en abuse ici comme jamais dans un livre ; du blog, n’est-ce pas, je est le mot, le motif, le moteur !), apparaissait un Chevillard plus choral, témoin d’un monde posthume et déprimé, mon aruspice, mon prophète attendu : Ilinuk ! hurle-t-il aujourd’hui dans Choir, que je lis comme l’aggravation de Sans l’orang-outan, répondais-je l’autre soir à François Bon (qui lui, au moins, parle vraiment du livre de notre homme sans raconter sa vie) – et plus c’est grave, plus c’est grave de ne pas le lire. Il n’y a pas que moi qui le dis : lisez donc ce qu’en pensent Claro, Didier da Silva, puis allez choir enfin.
 
PS : Je comptais n’écrire ce billet que demain, et ne poster encore qu’un extrait ce soir, faute de temps ; l’élan m’a rattrapé, sale bête ; du coup j’ai fait la course avec, gagné ! c’est que je suis bien entraîné, et me voici avec en illustration un Paul Klee que je réservais à la page 240 de Choir ; celle-là vous la chercherez vous-même.


Commentaires

C'est le plus beau billet d'amour pour un écrivain, que celui que vous venez d'écrire.
Commentaire n°1 posté par Ambre le 25/01/2010 à 22h39
Vous avez raison : il ne va plus oser sortir de chez lui. (Mais il l'a bien mérité !)
Réponse de PhA le 25/01/2010 à 22h45
Superbe tout ce que vous nous livrez.Et le captain Chevillard , ce foutu temps va me manquer pour lire.
Commentaire n°2 posté par marie guegan le 25/01/2010 à 22h54
Mais non, vous dis-je ! Voyez : je n'avais pas le temps d'écrire ce billet ce soir ; et puis...
Réponse de PhA le 25/01/2010 à 22h58
(je veux bien vous croire). Je viens de lire le billet de Claro, comme un coup de poing!
Je pense à une chanson de Nougaro en vous lisant tous les deux :
Quatre boules de cuir....
...
Et je vais te faire voir qui des deux est champion;o)
Le champion pour moi c'est Annocque mais je ne suis pas objective hein!
Commentaire n°3 posté par Ambre le 25/01/2010 à 22h57
Je ne m'y frotterais pas ! Non, sérieusement ; lui, il parle du livre, c'est une vraie critique ; moi, je raconte ma vie, c'est beaucoup plus facile. Si j'avais voulu écrire une critique, j'y serais encore.
Réponse de PhA le 25/01/2010 à 23h02
Ah là vous m'agacez!
Vouiiiiiiiiiiiiiii lui il parle du livre et avec talent. Et vous vous parlez de l'oeuvre entière de l'écrivain et de ce Choir, l'apothéose, et aussi de vous. Vous qui êtes quoi?
Hein? Personne?
(et puis zut à la fin;o))
Commentaire n°4 posté par Ambre le 25/01/2010 à 23h13
(zut, j'aurai dû me mordre les doigts encore une fois avant de dire des c...ries)
(promis, je n'ai plus de doigts)
mais je viens de relire votre billet et je ne retire rien de ce que j'ai dit.
Commentaire n°5 posté par Ambre le 25/01/2010 à 23h23
Philippe, franchement, je reviendrai demain. Suis légèrement bizarre... vos champignos surement.
Commentaire n°6 posté par Depluloin le 26/01/2010 à 01h13
Forcément, à des heures pareilles. Vous êtes déjà demain, Depluloin !
Réponse de PhA le 26/01/2010 à 10h13
Non, là, je suis demain. Justement, je voulais vous causer du "je". Sur le blog, j'ai pourtant essayé, le "il" et le "nous" sont mal perçus : l'on m'a pris pour un prétentieux.
Ce Choir doit valoir son prix puisque les plus hautes instances en parlent avec insistance...
Commentaire n°7 posté par Depluloin le 26/01/2010 à 10h17
D'ailleurs j'ai dit "je" pour simplifier, c'est plutôt une opposition singulier/collectif. En tout cas ce Chevillard-là est majeur, sans blague ; comme le précédent, d'ailleurs.
Réponse de PhA le 26/01/2010 à 12h00
Je ne parle que peu de livres (hors "Liquide" récemment) car ils sont généralement déjà lus et interprétés par François Bon, la garantie pour sept ans.
Là, Chevillard est bien encadré. Je fais comme si je n'avais rien lu pour garder la surprise !
Commentaire n°8 posté par Dominique Hasselmann le 26/01/2010 à 11h29
Oh, on pourra toujours dire et écrire tout ce qu'on veut ; il nous surprendra toujours !
Réponse de PhA le 26/01/2010 à 12h01
http://lewebpedagogique.com/philosophie-bac/le-je-change-tout-texte-de-kant/
Le problème du "Je" dans les romans c'est que le lecteur ne peut s'empêcher de penser "autobiographie" alors que, généralement, il s'agit "d'autofiction".
Le "Je" n'est véritablement authentique dans le Journal intime.
Pour en revenir à Chevillard, il a les oreilles qui sifflent aujourd'hui;o)
Choir bénéficie d’un excellent bouche à oreille : les dents arrachent les lobes.
Commentaire n°9 posté par Ambre le 26/01/2010 à 11h39
C'est encore une allusion à mes longues canines ? C'est vrai qu'elles sont pointues.
Réponse de PhA le 26/01/2010 à 12h02
Et le "Commentaire autorisé sur l'état de squelette", l'avez-vous lu ?
(j'ai pas encore lu Choir, flûte !)
Commentaire n°10 posté par Anna de Sandre le 26/01/2010 à 13h01
Et non, pourtant il me fait bien envie depuis sa sortie. En fait, puisque j'ai la liste sous les yeux, je vois que je n'ai lu que onze Chevillard. Mais "onze", c'est un beau nombre. (Sans compter les deux Autofictif lus en direct sur le blog.)
Réponse de PhA le 26/01/2010 à 13h29
Ambre, je suis un ardent défenseur du "je" (et le "je" de Beckett alors?) au risque en effet d'amener une confusion. En ce qui me concerne,  mon "je", mais chez beaucoup d'autres, est celui d'un personnage plus ou moins solitaire qui pense, se parle, s'interpelle, c'est un des vecteurs de la folie dans le texte. Certes, le "il" s'impose souvent... "Elle" a compris? Non parce que c'est un peu fumeux peut-être! Elle m'en excusera!
Commentaire n°11 posté par Depluloin le 26/01/2010 à 13h13
Pluplu, tu s'rais pas mon frère, vrai, ben... Non j'te l'dis pas, ça t'ferait trop plaisir !
Commentaire n°12 posté par Anna de Sandre le 26/01/2010 à 13h16
@ D., "Elle" a bien compris (=_=) et "sa" tête ne fume pas... encore.
Commentaire n°13 posté par Ambre le 26/01/2010 à 13h29
@ Anna : Ce procédé est odieux!! Je veux savoir sinon je vais tout casser chez ta gentille sœur (Frédaime?)
Commentaire n°14 posté par Depluloin le 26/01/2010 à 14h08
Le beau dessin de P.K... et puisqu'il s'agit de Choir, faisons-le avec classe et distinction.
Commentaire n°15 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 26/01/2010 à 14h38
Patatra !
Réponse de PhA le 26/01/2010 à 14h56
Et bien voilà, je t'aurais dit... Kooff, koff, rhaaaaaaa, theûtheû, ahem ! (putain de toux grasse !)
Commentaire n°16 posté par Anna de Sandre le 26/01/2010 à 16h45
Une petite pastille ?
Réponse de PhA le 26/01/2010 à 17h09
Et ici, enfin, une interview de Eric Chevillard!
Commentaire n°17 posté par Ambre le 31/01/2010 à 22h16
En effet. Merci, Ambre !
Réponse de PhA le 01/02/2010 à 18h12

dimanche 24 janvier 2010

crampon

Notre être nous encombre et nous importune. Nous ne cessons de le transporter ailleurs, plus loin, tout le jour nous lui cherchons une place où il se ferait oublier. Mais, dans Choir, il est partout visible, exposé. Ce crampon nous désigne encore dans le creux de sable où nous voulions nous cacher et nous voici bientôt par sa faute en butte à l’hostilité générale. La soif le fossiliserait, plutôt vivre donc, pour en finir.
 
Eric Chevillard, Choir, Minuit, 2010, p. 195.

(Moi aussi, je lis Choir.)

Commentaires

moi aussi je lis Choir.
Commentaire n°1 posté par Caroline le 25/01/2010 à 06h27
Sommes-nous autant à attendre Ilinuk ?
Réponse de PhA le 25/01/2010 à 09h12
"Choir" devient de plus en plus tentant! Ah, mais pour hésiter encore? A analyser...
(Merci, Phiippe! Un texte passé par deux grands lecteurs bienveillants qui ne m'ont rien signalé...)
Commentaire n°2 posté par Depluloin le 25/01/2010 à 09h42
J'en remets encore un extrait ce soir, et demain, j'essaie d'en parler. (Je dis ça mais je me connais : je vais encore raconter ma vie !)
Réponse de PhA le 25/01/2010 à 10h07
Racontez,racontez, ça m'intéresse.
Commentaire n°3 posté par Caroline le 25/01/2010 à 19h35
(J'y travaille.) (Finalement ce sera peut-être même pour ce soir.)
Réponse de PhA le 25/01/2010 à 20h12
Philippe, va faire un tour du côté des santons de Belgique de qui tu sais, poilant !
Commentaire n°4 posté par Pascale le 25/01/2010 à 20h24
Vu !
Réponse de PhA le 25/01/2010 à 22h2
 

mercredi 20 janvier 2010

petit corps seul debout

Ciel gris sans nuages pas un bruit rien qui bouge terre sable gris cendre. Petit corps même gris que la terre le ciel les ruines seul debout. Gris cendre à la ronde terre ciel confondus lointains sans fin.
Il bougera dans les sables ça bougera dans l’air les sables. Jamais qu’en rêve le beau rêve n’avoir qu’un temps à faire. Petit corps petit bloc cœur battant gris cendre seul debout. Terre ciel confondus infini sans relief petit corps seul debout. Dans les sables sans prise encore un pas vers les lointains il le fera. Silence pas un souffle même gris partout terre ciel corps ruines.

Samuel Beckett, Sans (1969), dans Têtes-mortes, Minuit 1972, p. 70-71.

Commentaires

Très, très beau.
Commentaire n°1 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 20/01/2010 à 17h22
C'est peu dire que j'ai été marqué par cette écriture.
Réponse de PhA le 20/01/2010 à 17h29
Ce retour de Sam... doit-on s'inquiéter? Vos (futurs) lecteurs, ceux d'octobre par exemple, peuvent-ils dormir sur leurs deux oreilles?
Hummm... (Et si vous lisiez Sollers?)
Commentaire n°2 posté par Depluloin le 20/01/2010 à 18h03
Mais on doit toujours s'inquiéter ! (d'ailleurs vous avez le goût du risque)
Réponse de PhA le 20/01/2010 à 18h13
marqué comment ne pas l'être, quelle écriture...
Commentaire n°3 posté par albin le 20/01/2010 à 20h15
Sans parler de la qualité de l'encre ! Si vous saviez le nombre de marques d'effaceur que j'ai dû essayer... Mais j'y reviendrai sans doute dans un prochain billet.
Réponse de PhA le 20/01/2010 à 20h22
Merci pour ce choix , grâce à vous je découvre Beckett  ,  sauf "en attendant Godot" il y a très longtemps. 
Commentaire n°4 posté par marie guegan le 20/01/2010 à 20h57
Oh ce n'est pas vraiment un choix, on n'est pas si libre. Mais découvrez Beckett, oui !
Réponse de PhA le 20/01/2010 à 21h06
L'amour des mots! Leur intensité. Très beau.
Commentaire n°5 posté par negens le 20/01/2010 à 21h44
Merci (pour lui !)
Réponse de PhA le 21/01/2010 à 12h01
image : intensité du crâne comme une graine pétrifiée, une racine désolidarisée de son arbre. Ou bien un marbre friable
Commentaire n°6 posté par petite racine le 21/01/2010 à 08h40
Ou un chancre tombé, vers lequel je fus guidé par un crapaud sylvestre (véridique).
Réponse de PhA le 21/01/2010 à 12h03

« Très grand talent», mais « littérature odieuse » (souligné), « jeux d’écriture pour les habitués de la rue Sébastien Bottin », « obscénités » qui rendent la première nouvelle « imbuvable », « tics relâchés » (note de lecture du Seuil, refus de publier Beckett en 47)

Commentaire n°7 posté par Pascale le 21/01/2010 à 10h26
Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour être publié au Seuil, tout de même !
C'était pour quel texte ?
Réponse de PhA le 21/01/2010 à 13h11
Il y a effectivement des crapauds sylvestres qui, pour être odieux, n'en n'ont pas moins un très grand talent
Commentaire n°8 posté par petite racine le 21/01/2010 à 12h39
J'étais tout seul au coeur de la forêt, loin de tout abri ; il y a eu une averse soudaine et violente. Un seul arbre, un chêne, était assez garni pour m'offrir un refuge ; je m'abrite dessous et je vois, à mes pieds, un crapaud. Je voulais le regarder dans les yeux mais lui, timide, a fait quelques bonds de côté, jusqu'à ce chancre nu qui tient dans le creux de ma main.
Je vis dans un conte. (Car tout cela, bien sûr, est pure vérité.)
Réponse de PhA le 21/01/2010 à 13h18
Et le crapaud a t-il essayé de vous embrasser sur la bouche? Sinon, il y a des moeurs qui se perdent... même dans les contes
Commentaire n°9 posté par petite racine le 21/01/2010 à 13h30
C'était un crapaud timide, il a fait son dégoûté - ou il n'était qu'un intermédiaire. Le chancre était trempé, mais j'ai été si ému par son visage effacé que le crapaud en a profité pour disparaître.
Réponse de PhA le 21/01/2010 à 13h35
Philippe : c'était pour "Quatre nouvelles" - trois d'entre elles ont fait ensuite partie de "Nouvelles et textes pour rien", paru en 55, une autre a été publiée à part en 70 je crois ("Premier amour").

C'est un ami qui m'a transmis l'information, il en parlait juste quand tu as mis cet extrait ici, j'en ai profité pour te l'offrir.
Commentaire n°10 posté par Pascale le 21/01/2010 à 13h51
Je pensais bien à ces nouvelles-là, notamment à l'Expulsé. Merci Pascale !
Réponse de PhA le 21/01/2010 à 14h08
 

lundi 18 janvier 2010

et n’y trouva aucun

Puis il chercha du réconfort en songeant à qui le soir venu se hâte vers le couchant afin d’obtenir une meilleure vue de Vénus et n’y trouva aucun.
 
Samuel Beckett, Soubresauts, Minuit, 1989, p. 18-19.
 
Je crois que c’est le dernier livre, en littérature contemporaine, que j’ai acheté l’année de sa parution – avant, trois ou quatre ans plus tard, de m’arrêter tout à fait de lire (même la littérature d’autrefois). Je n’ai jamais jusqu’à aujourd’hui fait le rapprochement avec la mort de l’auteur. Avec ses mots, si. 


Commentaires

Trouver la planète qui procure du réconfort...
La seule, dans les livres justement, dans quelques livres.
Commentaire n°1 posté par Ambre le 18/01/2010 à 18h38
Et parfois même plus (mais ça se soigne).
Réponse de PhA le 18/01/2010 à 18h58
Ah mais c'est... c'est impressionnant! Le début de cette "panne" correspondrait exactement avec la mort du grand Samuel?! C'est beau, douloureux cette panne, mais c'est beau : une sorte de fidélité sans bornes...
Commentaire n°2 posté par Depluloin le 18/01/2010 à 19h13
Honnêtement, je ne sais pas. Ce qui est sûr, c'est qu'il a mis ses mots sur mon empêchement d'écrire, qui a contaminé ma capacité à lire.
Réponse de PhA le 18/01/2010 à 20h17
voir trop haut peut-être. on sent une fatigue si grande...
Commentaire n°3 posté par cjeanney le 18/01/2010 à 19h51
Grande. Mais voir quand même.
Réponse de PhA le 18/01/2010 à 20h20
C'est vraiment très étrange cette coincidence!Les affinités électives de l'auteur celles qui l'engendrent peut-être dans la perte.
Commentaire n°4 posté par marie guegan le 18/01/2010 à 20h04
Il faut dire que cette affinité-là avait quelque chose d'exclusif.
Réponse de PhA le 18/01/2010 à 20h23
Pierre Assouline cite Beckett en parlant de cimetières ce matin : c'est vrai que sa pierre tombale ressemble à une autoroute plate et lisse, dépouvue de tout paysage (hormis les véhicules immobiles à côté).
Ses mots restent  en revanche comme des os imputrescibles.
Commentaire n°5 posté par Dominique Hasselmann le 19/01/2010 à 15h40
La tombe de Beckett : encore un manque de curiosité de ma part. (Et pourtant j'étais un tel lecteur que j'ai reçu à sa mort de quasi condoléances.)
Réponse de PhA le 19/01/2010 à 18h13

vendredi 15 janvier 2010

conjurer le fantôme opiniâtre qui réclame son dû


Donc, on penche chaque ombelle avec précau­tions, sans la casser. On l’inspecte avec des yeux brouillés de sueur, la cervelle en ébullition, suf­foqué par la senteur des plantes, les relents de vase, les bouffées d’éther. On doit recharger sans cesse le flacon où l’on introduit les captures. C’est ainsi et pas autrement qu’on peut effacer la dette, conjurer le fantôme opiniâtre qui réclame son dû, sans égard à la pénibilité du poste, au labeur aride, ingrat de l’après-midi. Ce qu’on fait ne vise qu’à empêcher qu’un gosse inconsolé ne survive à l’adulte anéanti. Quand celui-ci pour­rait être tenté de ne pas attendre, d’aller au-­devant de la paix à laquelle il se sait promis, quelqu’un a besoin de ses services, du reste de l’intermède, pour obtenir ce qui lui permettra, à lui aussi, de partir. Je n’ai rien fait, dans les gorges, sous la canicule, et à d’autres moments, encore, par les bois enneigés, que travailler à délivrer les spectres frêles qu’on laisse, malgré soi, en chemin.
Un tiers, en bordure de la prairie, à l’ombre, aurait mal compris. Il n’aurait rien vu. Il se serait mal expliqué qu’on soit à incliner méthodique­ment des fleurs sauvages, à l’heure mauvaise où le soleil joue de la trique sur ce qui passe à sa portée. Et c’est normal. Celui qui nous a expé­diés là est trop loin pour qu’on l’aperçoive. Le gain aléatoire, minuscule, qu’on transpire à se procurer doit couvrir une dette dont nulle trace perceptible ne témoigne. Le monde réel, le soleil d’aujourd’hui, le travail de chaufournier n’enfer­ment pas leur raison suffisante. Ils n’existent qu’autant que notre condition nous prédestine à la dépossession et à l’impuissance puis à recouvrer, d’ahan, ce qui nous fut ravi afin de partir comme on est arrivé, tout entier, sans laisser des heures béantes, des fantômes désolés. Ils tour­menteraient, je crois, ceux qui nous suivront. Ceux-ci toucheraient nos obligations mal tenues, notre espoir abandonné, l’intégralité de nos arriérés, avec usure, alors qu’ils seront pareils, promis à perdre et à pâtir avant de s’aviser qu’ils ont à revenir en eux-mêmes pour s’en aller comme ils sont venus.
 
Pierre Bergounioux, Le Grand Sylvain, Verdier, 1993, p. 32-33.
 
 
Conjurer le fantôme opiniâtre qui réclame son dû, il y a longtemps déjà que j’ai compris que c’était tout d’abord le moteur de mes mots, et bien loin de là plus prosaïquement de nombre de mes gestes, notamment ceux-ci (enfant abandonner aux bois tant de beaux champignons car personne autour de soi pour y mettre les noms, enfin adulte apprendre tout dans les livres et vouloir la forêt à sa porte) ; en revanche j’en ai rarement lu comme à l’instant ici l’écho si clair.

Commentaires

J'ai lu récemment un livre de Pierre Michon Le Roi du bois et ce beau texte de Pierre Bergounioux m'y fait penser.

(votre goût pour les champignons est hallucinant;o)) 
Commentaire n°1 posté par Ambre le 15/01/2010 à 22h21
Vous en avez désormais la clef : ce goût est clairement une dette à l'enfant, je le sais depuis longtemps au point de l'avoir déjà écrit ailleurs ; et c'est une belle surprise pour moi d'en voir le reflet en insecte cuirassé dans la lecture de P. Bergounioux.
Réponse de PhA le 15/01/2010 à 22h34
Mais enfin, Philippe! laissez-nous le temps de lire! Ces photos - je pense à la dernière entre autres, mais surtout - nous accaparent! (Ce champignon perché sur sa branche! Rien dans le bec, fier de lui.)
Commentaire n°2 posté par Depluloin le 16/01/2010 à 00h31
En toute honnêteté (et je rajouterai : en toute logique) le cétoine n'est pas de moi - en revanche j'ai en effet croisé ce fier champignon qui a bien voulu poser pour moi.
Réponse de PhA le 16/01/2010 à 09h24
Chaufourniers de l'écriture : ce serait une belle définition pour certains d'entre eux que nous aimons lire, au soleil ou à la lampe électrique, dans les bois ou sur le sable.
Commentaire n°3 posté par Dominique Hasselmann le 16/01/2010 à 09h45
En effet, c'est bien ce qu'ils sont.
Réponse de PhA le 16/01/2010 à 15h22
Merci de me faire  découvrir ce très beau texte de Bergounioux."Ce qu'on fait ne vise qu'à empêcher qu'un gosse inconsolé ne survive à l'adulte anéanti".
Comme cette toute petite phrase me fait trembler , je dirai d'abord  à voir avec mon métier et puis nos " fantômes qui réclament  leur dû" .
Commentaire n°4 posté par marie guegan le 16/01/2010 à 13h26
Savoir les écouter - quitte parfois à leur dire de se taire.
Réponse de PhA le 16/01/2010 à 15h26
Ouf! En effet, quel coup de poing! Merci, Philippe! (Encore un livre! un! Mais celui-ci indispensable apparemment...)
Commentaire n°5 posté par Depluloin le 16/01/2010 à 13h47
Je ne sais plus où ni quand, comment, à la suite de quoi ou de rien j'ai acheté ce livre (sinon bien sûr que j'avais déjà lu quelques autres - mais pas tant - de l'auteur) ; en tout cas je baise ma main qu'encore une fois j'ai eue heureuse.
Réponse de PhA le 16/01/2010 à 15h36
Vouloir la forêt à sa porte...et les champignons bien rangés en rang d'oignons dans le panier, déposé devant la porte, tout se tient.
Commentaire n°6 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 16/01/2010 à 16h23
Comme vous dites.
Réponse de PhA le 16/01/2010 à 20h00
Ah ben oui, forcément, Bergougnoux. Mais c'est quad même de la triche.
Commentaire n°7 posté par Anna de Sandre le 17/01/2010 à 10h28
A votre service, Anna.
Réponse de PhA le 17/01/2010 à 10h52
Le Grand Pierre Bergounioux...
Commentaire n°8 posté par François Matton le 18/01/2010 à 10h23
Oh oui !
Réponse de PhA le 18/01/2010 à 17h48